Pensées d’août/Romance ( « J’aurais voulu dans son cœur faire naître » )

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I

ROMANCE


J’aurais voulu dans son cœur faire naître
Un tendre accord, un aimable intérêt ;
J’aurais voulu, sans espérer peut-être,
Du peu d’espoir me voiler le secret.

J’aurais voulu, Jui consacrant ma vie,
Qu’elle acceptât sans dire : Je le veux ;
Et que le nœud qui me serre et me lie
Fût un ruban de plus dans ses cheveux.

J’aurais voulu que sans querelle aucune,
La confiance au respect s’enchaînant,
Nos volontés de près n’en fissent qu’une,
Moi rien n’osant, elle rien ne craignant ;

Qu’au fond toujours de l’amitié sincère,
Au bout des prés éclairés de rayons,
Il fût un coin, un bosquet de mystère
Où, sans aller, tout me dit : Nous irions

J’aurais voulu, — non, je voudrais encore
Que, si je meurs à la servir ainsi,

Elle qui n’eut du feu qui me dévore
Que tiède haleine et reflet adouci.

Elle qui n’eut pour moi que frais sourire,
Que grâce émue et que tendre enjouement,
Et qui jamais ne m’aura laissé lire
Un de ces noms qu’on se donne en s’aimant,

Que, si je meurs, à cette heure confuse,
Aux premiers pleurs de son deuil épanché,
Son cœur alors (oh ! sans qu’elle s’accuse)
Lui dit tout haut ce mot qu’elle a caché.