Petit cours d’histoire de Belgique/p02/ch4

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Maison d'édition Albert De Boeck (p. 38-40).



CHAPITRE III

L’Empire après Charlemagne.


§ 1. — Partage de l’empire.


Louis le Débonnaire, fils de Charlemagne, était doté de qualités estimables, mais il manquait d’énergie. Son règne fut troublé par les perpétuelles révoltes de ses fils. Lorsqu’il mourut, en 840, ceux-ci se firent une guerre acharnée qui se termina par le célèbre traité de Verdun, en 843. Le partage de l’empire fut décidé :

Lothaire Ier, héritier du titre impérial, régna sur l’Italie, la partie orientale de la France et la région comprise entre l’Escaut et le Rhin. Cette dernière contrée s’appela Lotharingie, parce que, après la mort de Lothaire Ier, elle fut gouvernée par un second prince du même nom, son fils Lothaire II.

Louis le Germanique eut la Germanie. 3° Charles le Chauve obtint la partie occidentale de la France.

De ce moment, l’Escaut divisa la Belgique actuelle en deux parties, dont l’une fut pendant de longs siècles réunie à la France, tandis que l’autre tombait sous la suzeraineté des empereurs d’Allemagne.

§ 2. — Les Normands.


Après la mort de Charlemagne, de nouveaux envahisseurs se répandirent bientôt sur l’Europe occidentale, détruisant partout les germes naissants de prospérité et de civilisation. Ces barbares sortaient des froides régions de la Scandinavie et du Danemark. On les appelait les Hommes du Nord, ou Normands. C’était une race intelligente, mais d’une cruauté qui n’avait d’égale que son audace inouïe. Ces marins intrépides suivaient, selon les vieilles poésies, la route des cygnes : ils sillonnaient la surface des mers, dans leurs bateaux-serpents aussi rapides que frêles. Ni le vent ni les vagues n’avaient le don de les émouvoir. Ils restaient impassibles au milieu des flots irrités et de la mer en furie : « La force de la tempête aide le bras de nos rameurs, chantaient-ils ; l’ouragan nous jette là où nous voulons aller. »

Les Normands avaient paru dès le règne de Charlemagne, vers l’an 800 : ils avaient opéré quelques descentes sur les côtes de France et avaient même pénétré jusque dans les eaux de la Méditerranée. On raconte que Charlemagne se trouvant dans un port du midi de la Gaule, vit un jour leurs petits navires passer au large. Il les suivit longtemps des yeux, en silence, le visage baigné de larmes : s’adressant ensuite aux grands qui l’entouraient : « Je m’afflige, dit-il, que, moi vivant, ils aient osé toucher ces rives ; et je suis tourmenté d’une vive douleur, quand je prévois de quels maux ils écraseront mes neveux et leurs peuples. »

Ils revinrent en effet, avec empressement dès que le grand homme eut fermé les yeux. N’ayant en vue que le pillage, ils voyageaient par bandes peu nombreuses, longeaient les côtes, remontaient le cours des fleuves, attaquaient les villes à l’improviste, et disparaissaient aussitôt avec leur butin. Ils portaient au christianisme une haine farouche : après avoir dépouillé les riches abbayes, ils détruisaient par le feu les monastères et les églises, et massacraient les moines et les prêtres.

Vers 880, les Normands établirent un camp permanent sur l’emplacement actuel de la ville de Louvain. C’était de ce repaire qu’ils sortaient pour aller au pillage sur les côtes de France et d’Angleterre ; c’était là aussi qu’ils venaient mettre en sûreté le produit de leurs déprédations. Les seigneurs du pays supplièrent les rois de France de les débarrasser de cet effrayant voisinage. Ce fut en vain, car les descendants du grand empereur étaient devenus presque aussi méprisables que les derniers Mérovingiens. Mais en 891, le roi de Germanie, Arnould de Carinthie, arriva enfin avec une armée allemande. L’attaque du camp était difficile à cause des marécages qui l’environnaient. Le roi et ses cavaliers mirent pied à terre, ne pouvant se servir de leurs montures ; leur témérité fut couronnée de succès ; le camp fut enlevé et les Normands détruits. Après cette grande défaite, leurs compatriotes ne parurent plus en Belgique.