Petit dictionnaire ministériel/Texte entier/O

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O.


Office. Un ministériel bien dressé ne manque jamais, par le temps qui court, d’aller à l’office le matin ; de faire un tour à l’office en entrant chez Son Excellence ; et le soir de remplir l’office de courtisan, quand il ne remplit pas l’office de délateur.

Oie. Chaque fois que les oies crient, il ne faut pas croire qu’on assiége le Capitole, mais qu’on veut rogner les portions.

Opiner du bonnet. Approuver et se taire, selon les uns, approuver et manger selon les autres.

Eh donc, sandis ! collègue Peyronnet,
Tous vos discours font tort au ministère :
Ayez au moins le talent de vous taire,
Et n’opinez que du bonnet.

Opinion publique. C’est lé cadet dé mes soucis, disait l’autre jour en gasconnant M. le président du conseil. — Et des nôtres donc, répondirent en chœur ses nombreux convives ! — Jé lé sais, mes amis, jé lé sais. Vos opinions à vous autres sont des sacs d’écus.

Opposition. Fléau du gouvernement représentatif. L’opposition est toutefois un mal nécessaire : si elle n’existait pas, les ministres auraient moins besoin d’être soutenus, et seraient par conséquent moins prodigues de leurs faveurs et de leurs graces.

Or. Métal par excellence. Il opère toutes les métamorphoses imaginables ; quelques poignées d’or rendraient demain le Drapeau blanc libéral et la Gazette raisonnable. On faisait autrefois la guerre avec des soldats et des généraux habiles ; M. de Villèle ne veut plus la faire qu’avec de l’or. Avec de l’or il sera toujours un homme de génie, et des rimailleurs lui adresseront des épîtres dédicatoires.

Ordre du jour. Conclusion habituelle des rapporteurs de pétitions. Elle est un peu plus favorable aux réclamans que le renvoi à Son Excell.

Organisation. Elle porte l’effroi dans le cœur des commis. Chacun cherche autour de soi s’il a quelque motif de réforme et tremble d’en rencontrer de trop plausibles. Celui-ci, par exemple, se rappelle qu’il a un cousin qui a été sous-préfet de l’empire ; cet autre, une sœur qui fut marchande de modes d’une reine déchue. L’un s’accuse en secret d’avoir plaisanté une phrase du journal ministériel, l’autre, d’avoir été prendre sa demi-tasse au café Lemblin. Tous enfin, en mangeant leur pain sec et en se désaltérant au pot-à-l’eau du ministère, craignent d’insulter à la misère publique : ils voudraient se dissimuler qu’ils appartiennent à quelque bataillon de ces armées de commis qui surchargent le trésor.

Oubli. Voyez sermens.