Petit prologue pour la distribution des prix

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PETIT PROLOGUE


POUR


LA DISTRIBUTION DES PRIX


CHEZ LES


SŒURS DE LA CHARITÉ DE LA PAROISSE N.-D.,


À VERSAILLES,


le 14 aout 1854,


En présence de M. le Curé, de MM. les Administrateurs du Bureau de Bienfaisance, des Dames de Charité et de toutes les Sœurs.
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PERSONNAGES

LOUISE · · · · · · · · · · 8 ans.

CÉLINE · · · · · · · · · · 13 ans.

JULIE · · · · · · · · · · · · 14 ans.


(Toutes les trois se promènent, un crayon et un carnet à la main, en faisant des gestes comme des personnes qui cherchent des idées.)
JULIE, à Céline, après quelques moments.

Dis-moi donc ? trouves-tu quelque chose, Céline ?

CÉLINE.

Non, rien.

JULIE.
(À Louise.)

Non, rien.J’en dis autant. — Et toi ?

LOUISE.

Non, rien. J’en dis autant.Moi ? — je décline
Un tas de substantifs avec des adjectifs,
Et leurs comparatifs, et leurs superlatifs ;
J’y joins force pronoms, force adverbes et verbes…
Tout cela ne fait pas une phrase !… les herbes
Poussent dans mon cerveau… mais, de récolte ? Point.
Et j’ai beau me donner au front des coups de poing,
Il n’en sort pas la moindre agréable pensée.
Tiens ! Tiens ! (Elle se frappe la tête.)

CELINE.

C’était, Louise, une audace insensée,
Je le vois, — et d’abord je ne l’avais pas cru, —
Que de vouloir tirer des vers de notre crû !
On a dit bien souvent : « le cœur seul est poète »
Et pourtant, mon cœur parle et ma bouche est muette.

LOUISE.

Là !!!

JULIE.

Là !!!Puisque, cette fois, personne, au jour des prix,
Ne nous avait rien fait de neuf, ni rien appris,
Il fallait…

LOUISE, l’interrompant.

Il fallait…Il fallait nous taire. — Et toi, Julie,
Tu nous as mis en tête une grande folie ! —
Parce que nous aimons et que nous bénissons
Les Sœurs, prêchant d’exemples ainsi que de leçons,
Le bon Curé, nos doux Protecteurs, et les Dames
Qui soignent à l’envi nos corps avec nos âmes,
Fallait-il nous tourner la cervelle à l’envers
Et, huit jours, sur nos mains compter les pieds des vers !
Un bouquet suffisait. Voilà que l’heure approche.
Et, compliments et fleurs, rien n’est prêt, sans reproche.

JULIE, avec un peu d’emphase.

Quelques vers ; on pourrait avec un temps moral…

LOUISE, lui coupant la parole.

Oui, tu les ferais bien, mais tu les ferais mal.
Enfin, avec ton temps moral…, on se rassemble,

Tout le monde va croire, en nous voyant ensemble,
À quelque dialogue ou prologue, en tableaux,
Pour cette fête… et puis, nous aurons le bec clos !
Ce n’est pas naturel pour des petites filles !

CÉLINE.

Ah ! nous sommes vraiment…

LOUISE.

Ah ! nous sommes vraiment…Oui, nous sommes gentilles

JULIE.

Que devenir ?

CÉLINE.

Que devenir ? Que faire ?

(On entend au dehors la ritournelle et
le refrain d’un chœur chanté par des élèves.)
LOUISE.

Que devenir ? Que faire ? Écoutez. — Je vais voir.

(Elle sort en courant.)
CÉLINE.

Qu’est-ce donc ? et qui peut ?…

JULIE.

Qu’est-ce donc ? et qui peut ?…Nous allons le savoir :
C’est à deux pas de nous et Louise a des ailes.

CÉLINE.

Ah ! je la vois…

JULIE ET CÉLINE
(À Louise.)

Ah ! je la vois…Eh bien !

LOUISE, accourant.

Ah ! je la vois… Eh bien ! Eh bien ! mesdemoiselles,
Tandis que nous pensions à penser, tout un chœur,
Comme pour nous narguer s’en donnait de bon cœur.
Nos compagnes sont là qui répètent des stances,
Sur de superbes airs, faits pour les circonstances.

(Elle fredonne : Tra, la, la, la !)

Joignons nous-y ! — L’on a des dispositions,
Car nous avons parlé comme si nous chantions !

(Elles s’éloignent et vont se mêler parmi les élèves qui chantent.)
(Le chœur commence.)


Émile DESCHAMPS.


CHANT


POUR LA DISTRIBUTION DES PRIX,


CHEZ LES SŒURS DE LA CHARITÉ.


PAROLES DE M. ÉMILE DESCHAMPS
MUSIQUE DE M. LE V.te DECALONNE.


CHŒUR-REFRAIN.

Voici le jour où l’on moissonne
Selon les grains qu’on a semés :
Beau jour, où sous l’humble couronne,
Ces lieux si chers sont plus aimés.
Voici le jour où l’on moissonne
Selon les grains qu’on a semés.


PREMIER SOLO.

Céleste port, maison de Dieu
Trop tôt nous te dirons adieu.
Mais bien souvent, par ta mémoire,
Nous reviendrons aux murs bénis.

Les lieux où l’on apprit à Croire,
Du cœur ne sont jamais bannis.


REFRAIN.

Voici le jour, etc.


DEUXIÈME SOLO.
À Messieurs les Administrateurs et aux Dames de Charité.


Cœurs généreux, cœurs éclairés,
Tuteurs de ces abris sacrés,
D’un salutaire apprentissage
Vous reportant les doux effets,
Par une vie heureuse et sage,
Nous vous paîrons tous vos bienfaits.


REFRAIN.

Voici le jour, etc.


TROISIÈME SOLO.
À Monsieur le Curé et aux Sœurs.

Mais le pasteur fervent et saint,
Des sœurs le charitable essaim,

Si l’on donne une récompense
À qui les a le plus chéris,
Chacune de nous, plus j’y pense,
Pourra gagner le premier prix.


REFRAIN.

Voici le jour, etc.