Petits Poèmes d’Automne/Rouge en la cathèdre royale

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Petits Poèmes d’automneLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 95-99).

XIII

Rouge en la cathèdre royale
Parmi les trompettes de fer,
Elle impose en reine d’enfer
Ses lois à la gent déloyale.

D’un bandeau de pourpre à clous d’or
S’écroule l’azur de ses boucles
Jusqu’à ses doigts lourds d’escarboucles
Qui serrent la clef du trésor.


Sur sa simarre à larges barres
Rayonne au soleil des orfrois
Le féroce blason des rois
Qui massacrèrent les barbares.




— Dans la salle des étendards
C’est soir d’affolante épouvante ;
Sur les routes il pleut et vente,
Au gibet dansent les pendards.

Une trompette sonne et tonne
Au haut de la tour du manoir,
Et l’on entend au fond du noir
Les pas du bourreau qui tâtonne.


Ce qu’oyant, le fou de la cour,
Dont tinte en tremblant la marotte,
Chante de sa voix qui chevrote
Un ancien virelai d’amour.




Sur la couche à lourdes courtines
Que froisse son singe badin,
La Reine étrangle un baladin
De ses étreintes serpentines.

Dans l’ombre des couloirs couverts
D’où jaillit un éclair de bagues
Sifflent, hors des fourreaux, les dagues
Des pages pervers aux yeux verts.


Et les flambeaux chus des pilastres
Ont mis feu, sous le vent des pas,
Aux plis frissonnants des lampas
Fleuris d’or comme les vieux astres.




C’est la révolte et les bûchers
En la nuit de la décadence
Où le peuple aux yeux jaunes danse
Autour du tocsin des clochers.

Et du haut d’une hallebarde
Où s’enroule un obscène écrit,
La tête de la Reine rit
Aux crachats sanglants de sa garde ;


Rit ! car en le secret trésor
Qu’ont à jamais sacré les flammes,
Sous la cendre des oriflammes
Resplendit sa couronne d’or !