Petits Poèmes d’Automne/Viens, très douce, rêver aux heures

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Petits Poèmes d’automneLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 17-19).

VI

— Viens, très douce, rêver aux heures
Où nous effeuillâmes les lys
Au clair de la lune. Tu pleures ?


— Je fus la fille du roi d’Ys,
Mon amant, et je sais à peine
Ce que nous nous dîmes, jadis.



— N’es-tu pas la petite reine
Qui s’en venait, chantant tout bas,
Mirer ses yeux en la fontaine ?


— Si légers devaient choir mes pas
Sur le givre des nuits d’automne,
Que tu ne les entendis pas.


— Hélas ! mais sa voix monotone
Était la tienne, et ses chers yeux
Avaient ton regard qui s’étonne.


— Dupe ! Par une loi des dieux
La cité n’est plus sur la dune,
Et je vais vers de nouveaux cieux.


— Pourtant je sais que j’aimais une
Qui parlait ainsi de malheurs
En lançant des lys à la lune.



— Ô toi qui te souviens, ces pleurs
Sont le signe en effet de celle
Qui survit à la mort des fleurs.


— Je savais bien que tu fus elle,
Avec ta peur des lendemains,
Cet air mortel qui m’ensorcelle,


Et les gestes las de tes mains !