Petrus Borel le lycanthrope/Appendice

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Petrus Borel le lycanthrope : sa vie, ses écrits, sa correspondance, poésies et documents inédits
René Pincebourde (Bibliothèque originale) (p. 137-139).

APPENDICE.



Si l’on voulait rééditer les œuvres de Pétrus Borel, il y aurait à faire, dans le journal l’Artiste, des fouilles précieuses. Ce que Borel a enfoui là de caprices, de railleries, de science et de poésie est vraiment immense. Et c’est à l’Artiste peut-être qu’il a donné le plus précieux et le plus curieux de ce qui est sorti de sa plume, j’entends un article de trois cents lignes intitulé : Du Jugement publicque, un article signé Montaigne ! Splendide mystification. Le pastiche est étonnant en vérité ; c’est plus qu’une imitation, c’est une évocation. On gagerait une page des Essais inconnue jusqu’ici et retrouvée par miracle. Il fit un tour de force ce jour-là.

Pétrus Borel imiter la forme de Montaigne, rude entreprise ! mais imiter le fond, quelle témérité ! Eh bien, je vous le jure, il y réussit. Cherchez ce morceau inouï dans l’Artiste de 1847. Il y obtint un grand succès, et, dans le journal même, M. Ch. de la Rounat écrivit tout exprès pour cet article une introduction de cinquante lignes.

Il y a bien d’autres morceaux de Borel dans l’Artiste. M. Arsène Houssaye accueillait à cœur ouvert, comme il en a accueilli tant d’autres, le pauvre diable repoussé presque de partout. J’ai trouvé les titres qui suivent en feuilletant la collection :

1835. — Une nouvelle : Jérôme Chassebœuf.

1844. — Une nouvelle : Le Vert Galant.

1845. — De la chaussure chez les anciens et les modernes (trois articles).

Diverses poésies. Des sonnets : Sur l’amour. Sur l’art. Sa forme est bien la même qu’autrefois :

…Comme le cerf bondit vers sa biche qui brame,
Comme l’émerillon fond sur un cochevis,
Comme un enfant descend, éperdu, d’un parvis,
Comme sur un esquif vient déferler la lame,

J’accourus sur vos pas… À ce bruissement
Vous tournâtes la tête et dites : « Ah ! c’est Pierre ! »

Ainsi de ce ton trois sonnets intitulés : Étrangement, — Fatidiquement, — Éternellement, — et datés 25 août — 30 septembre — 9 octobre.

1845. — Un petit article dont on pourrait extraire quelques pensées et qui a pour titre : Le général Marceau et Clémence Isaure.

Philologie humoristique ;

Pierre Bayle ; — Rêveries ethnologiques,

— Des « fantaisies grammaticales. » Quand je vous disais que le lycanthrope avait à l’esprit la tache d’encre du pédant !

Alger et son avenir littéraire. 1845. Article bizarre. Pétrus Borel y accumule des citations géographiques et des pensées sur les quatre parties du monde, à propos d’un livre de M. Ausone de Chancel, les Algériennes.

À partir de 1846, le nom de Pétrus Borel disparaît de l’Artiste. Il donne en 1847 son fameux morceau imité de l’auteur des Essais. On trouverait encore dans les premières années du journal des articles de musique sous son nom ou sous ses initiales. Mais le chef-d’œuvre de la collection, c’est le Jugement publicque. Balzac n’a fait qu’imiter Rabelais ; Pétrus Borel a ressuscité Montaigne.