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Plan d’une bibliothèque universelle/V/VII

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CHAPITRE VII.

DES LIVRES DE COSMOGONIE.
SYSTÈME DU MONDE DE LAPLACE.

Newton avait donné les lois générales de l’univers. Laplace remonta plus haut, il voulut expliquer les secrets de sa formation ; son livre, quoique systématique, a obtenu le premier rang. C’est la seule cosmogonie qu’on ait encore élevée sur les bases larges et solides de la géométrie et de la mécanique !

Au commencement l’atmosphère du soleil, développée par la chaleur primitive de la création, remplissait les zones où roulent aujourd’hui les mondes ; mais avec le temps cette atmosphère s’est refroidie, elle a tenu moins d’espace, et en se retirant elle a semé sa route de masses circulaires dont plus tard l’attraction a fait des planètes. Ainsi notre monde, tous les mondes se composent des mêmes éléments que le soleil, et ce qui prouve qu’ils ont fait partie de cet astre, c’est qu’ils tournent tous autour du soleil et sur eux-mêmes dans le sens de sa rotation ; ils ont conservé son mouvement et n’ont perdu que sa lumière !

Toutefois dans ces débris d’atmosphère il s’est trouvé des molécules trop volatiles pour s’unir aux planètes ; celles-là continuent de circuler autour du soleil, et forment la lumière zodiacale. D’autres masses plus compactes, également retenues autour du soleil, véritables miniatures de planètes, balayées par la terre dans son mouvement annuel, donnent naissance à deux phénomènes inexplicables avant Laplace, les étoiles filantes et les pluies de pierres. Tel est le système cosmogonique de Laplace. Ce grand géomètre, en substituant l’atmosphère solaire et les lois mathématiques au fiat lux de Moïse, crut avoir créé l’univers sans Dieu. Il disait froidement que Dieu lui était inutile, qu’il n’avait pas besoin de cette hypothèse, ne s’apercevant pas que les lois mathématiques ne sont que l’ordre, et que l’ordre témoigne la volonté et l’intelligence. Funeste aveuglement d’une âme faite pour la vérité ! Celui qui avait trouvé la périodicité des perturbations célestes, c’est-à-dire la plus sublime des causes finales, une de ces harmonies qui rendent Dieu visible, reste incrédule, par orgueil, en présence du système de l’univers.

Et cependant si l’incrédulité peut être vaincue, c’est par la puissance de ces hautes spéculations de la pensée. Aristote lui-même, ce contemplateur si froid, si réservé de la nature, s’émeut en cherchant les lois qui la gouvernent. Dans son émotion, il qualifie de théologiques, c’est-à-dire appartenant plus spécialement à Dieu, les investigations de la philosophie sur le système du monde. Théologisons, dit-il en commençant son discours, théologisons sur ces grands objets ! Puis il continue ses recherches, content d’avoir appelé le Créateur à son ouvrage. Laplace ne s’émeut pas, ne théologise pas, lui ; il calcule, il géométrise ; le nom de Dieu ne se trouve nulle part dans l’œuvre de l’homme. On voit que Laplace y pensait, pour ne pas récrire, et y penser, y penser sans cesse, n’était-ce pas le graver sur tous les feuillets de son livre !