Pleureuses/19

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Croire (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 73-76).
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CROIRE


Je t’entends, lorsque j’écoute…


Lorsque tu t’en es allée,
Tu dis : « Je ne t’aime pas ».
Dans la pauvre et froide allée
J’ai marché du même pas.

Puisque je ne l’ai pas crue,
Pitié d’or, ciel adouci,
Ombre lentement accrue
Oh ! ne soyez pas ainsi…


Comment pouvais-je te croire ?…
Je suis à toi, je vois mal.
Je suis ivre encor de gloire
Et je n’entends pas le mal.

On ne peut pas se reprendre
Comme on s’était égaré.
Il faut longtemps pour comprendre
Pourquoi d’autres ont pleuré.

Je suis l’âme douce et triste
Dans le temps qui va, dans l’air.
Si l’on est fort, je résiste,
Je suis éclair à l’éclair.

Je suis au-dessus du monde,
Des prières, des amours,
Je suis à toi, pauvre blonde.
Ce n’est que dans bien des jours…


De par la paix infinie,
Usé de ne plus te voir,
J’entrerai dans l’agonie
Petit à petit, le soir.

Il faudra bien du silence
Et dans le calme dormant,
J’aurai l’autre rêve immense :
Je croirai, tout doucement.