Pleureuses/52

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La colère (1895)
PleureusesErnest Flammarion (p. 207-210).


LA COLÈRE


Sur le chemin…


Ton droit t’éblouit et flamboie ;
Un cri muet gonfle ton cou,
Comme un dieu tu vas n’importe où
Avec ta colère et ta joie.

C’est le calme artificiel
Qui se rompt comme un pauvre gage,
C’est ta haine qui se dégage,
C’est ta haine qui monte au ciel.


Tes pas font vaciller le monde,
Tes raisons t’assaillent en chœur,
Et tout ton sang te monte au cœur
Avec sa vérité qui gronde.

Le vent effare tes chevaux,
Tes mains tremblent et la voix crie ;
Ta souffrance devient féerie…
Et tu ne sais plus, et tu veux !

Perdu dans un essor d’envie,
Sans souvenir et sans pitié,
Tu te redresses tout entier
Et tu ne penses qu’à la vie.

Tout t’apparaît dans un réveil ;
Ton cri prolonge l’étendue,
Tu sens une larme éperdue
Qui t’illumine le soleil !


Ta gloire divague et se creuse,
Ta chair t’admire en frémissant,
Tu n’es que l’hymne de ton sang
Vers la lumière bienheureuse !