Poésies (1820)/Élégies/À ma Fauvette

La bibliothèque libre.
PoésiesFrançois Louis (p. 44-46).


À MA FAUVETTE.


Adieu, Fauvette ! adieu ton chant plein de douceur !
Il ne charmera plus ma triste rêverie
En pénétrant jusqu’à mon cœur.
Adieu, ma compagne chérie !
Je ne l’entendrai plus ce doux accent d’amour,
Et cette rapide cadence,
Légère comme l’espérance,
Qui m’échappe aussi sans retour.
Ô ma Fauvette ! en ces lieux adorée,
Puisses-tu trouver le bonheur !
Il n’est trop souvent qu’une erreur !
Mais qui peut plus que toi compter sur sa durée ?
De t’entendre toujours n’a-t-on pas le désir ?
Le méchant qui t’écoute a-t-il encor des armes ?
Et lorsqu’en triomphant tu chantes le Plaisir,
Par ta voix célébré, n’a-t-il pas plus de charmes ?

Tu n’as point à prévoir un triste changement :
De tes succès l’aimable enchantement
D’un vain orgueil ne l’a point enivrée ;

Et je te vois, d’hommages entourée,
Sensible aux maux de l’amitié,
Ne pouvant les guérir, en prendre la moitié.
Laisse ta compagne plaintive,
Sans espérance et sans bonheur,
Au fond d’un bois, seule et pensive,
Exhaler sa vaine douleur !
Quelques feuilles bientôt y couvriront ma tombe ;
Sans le haïr, je fuis le monde ;
En le fuyant, j’obéis à sa loi.
Ô ma Fauvette, il fut trop cruel envers moi !
J’ai tout perdu : la solitude
Me promet un triste repos ;
Ta compagne blessée y cachera ses maux,
Et du chant des regrets reprendra l’habitude.

Ce monde indifférent n’aura pas mes adieux ;
C’est à toi seule, à toi de les entendre ;
Il rit des plaintes d’un cœur tendre,
Et repousse les malheureux ;
Pour le charmer, conserve ton ramage.
Plus heureuse que moi, Fauvette, sois plus sage !
Maîtresse de ton sort, et libre de choisir,
Sous un ciel toujours pur va chercher un asile ;
Le froid climat où l’on m’exile
Serait pour toi le tombeau du Plaisir.

Le Plaisir, qui t’appelle en un brillant parterre,
T’y prépare déjà ses riantes couleurs ;
Il sait que la Fauvette, et joyeuse et légère,
Doit chanter au milieu des fleurs.