Poésies (1820)/Mélanges/La Nymphe toulousaine

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PoésiesFrançois Louis (p. 181-184).


LA NYMPHE TOULOUSAINE.


IMITATION DE GOUDELIN.


Sous les arbres touffus, naïves pastourelles,
Cherchez de frais abris contre l’ardeur du jour ;
Et vous, petits oiseaux, sous leurs voûtes nouvelles,
Enflez votre gosier pour saluer l’Amour.
Coule, ruisseau d’argent, dont l’eau vive et brillante
Offre un miroir mobile à la beauté riante ;
Cristal limpide et pur, qui rafrafchis les fleurs,
Tu ne rafraichis pas mes yeux brûlés de pleurs !

Vallons où le Plaisir vient former des guirlandes
Quand la jeune saison vous charge de rameaux ;
Où l’abeille bourdonne alentour des offrandes
Que le Printemps attache aux branches des ormeaux ;
Écoutez ! écoutez la Nymphe Toulousaine ;
Elle pleure ! elle fuit des cieux la pourpre et l’or !
Ne l’entendez-vous pas gémir, gémir encor,
Appelant un écho triste comme sa peine ?
Écoutez ! écoutez ! Le voile du Malheur

Intercepte l’éclat de l’astre de la France ;
Et la douce Espérance,
En retournant aux cieux, jette un cri de terreur.
De ronces, de cyprès, à jamais couronnée,
Aux regrets condamnée,
Ma lyre en sons confus révèle mes douleurs ;
Et le Temps me promet des pleurs, toujours des pleurs !

Henri, le grand Henri… Quel douloureux murmure |
S’élève autour de moi ?
Henri ! ton nom m’échappe, et toute la nature
A tressailli d’effroi !
Orgueil du sol français, la noble fleur tombée
N’y renaîtra jamais !
Sous la faux de la Mort sa tête s’est courbée ;
Le monde pleure ! il pleure ! Henri seul est en paix ;
Aux régions du ciel sa grande âme envolée
De son dernier soupir a rempli l’univers ;
Et l’univers n’est plus qu’une triste vallée
Que le ciel abandonne au souffle des pervers.

Henri ! toi qui régnas pour la gloire du monde,
Le trône, en te portant, s’ennoblissait encor.
Telle est du diamant la richesse féconde,
En lui prêtant ses feux il enorgueillit l’or.
La terre en frémissant au bruit de ses armées,

Le reconnut pour maître, et nomma son vainqueur.
Les vertus l’attendaient ; elles étaient formées
Pour habiter son cœur !
La justice, la foi, la force, la clémence,
La bonté, la valeur, et la douce indulgence,
Dans la paix, dans la guerre, étaient ses saintes lois ;
Ensemble elles régnaient pour la première fois.
Soutiens ma lyre, ô Vérité charmante !
Henri, le grand Henri, ne craint pas ton miroir ;
De ce roi, tout amour, tu fus la noble amante ;
Oh ! dans le cœur des rois qu’il est beau de te voir !
Tu ne le suivras plus au milieu des batailles ;
Mais, viens, comme une veuve, au tombeau de son roi !
Suspends par tes récits l’horreur des funérailles,
Je ne veux chanter qu’après toi !

Quand le ciel irrité de leur plainte importune,
De la guerre aux humains imposa le fardeau,
Henri, que fatiguaient les jeux de la Fortune,
En poursuivant l’ingrate, arracha son bandeau.
Ses ennemis tombaient comme atteints de la foudre.
Ainsi le verre éclate et se réduit en poudre.
Il désarma le ciel, il étonna le Sort,
Il enchaîna la Mort.
L’implacable arbalétrière,
Assise et menaçante au milieu des débris,

Agitait dans ses mains son arme meurtrière,
Et la peur en porta la nouvelle à Paris.
Elle dit : « Je l’ai vu ! Tel un lion s’élance,
Épouvante les loups, les chasse, les retient ;
De mille bras ligués il fait tomber la lance ;
C’est l’Hercule qui brise, et l’Atlas qui soutient ;
C’est Henri, fuyez tous !… On vole à son passage,
On l’implore, il sourit, et le ciel se dégage ;
Et la France respire, et le Roi troubadour
Chante sous des lauriers Gabrielle et l’Amour… »

Mais quel monstre se glisse et s’avance dans l’ombre ?
Échappé de l’enfer, il brûle d’un feu sombre ;
Il rampe, il va souiller l’autel de la vertu,
Il l’atteint !… C’en est fait, l’autel est abattu !
Vérité, pour accens tu n’as plus que des larmes !
L’avenir te répond par un long cri d’alarmes ;
D’un roi clément, d’un père, on prépare le deuil,
Et ma lyre se brise au pied de son cercueil,