Pour l’hiver

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Pour l’hiver
Œuvres de J. B. RousseauChez Lefèbvre, LibraireTome I (p. 455-457).

Le seul vent de son haleine
Fait trembler tout l’univers.

Il déchaîne sur la terre
Les aquilons furieux:
Il arrête le tonnerre
Dans la main du roi des Dieux.

Plus fort que le fils d’Alcimène,
Il met les fleuves aux fers;
Le seul vent de son haleine
Fait trembler tout l’univers.

Mais si sa force est redoutable,
Sa joie est encor plus aimable:
C’est le père des doux loisirs;
Il réunit les cœurs, il bannit les soupirs,
Il invite aux festins, il anime la scène:
Les plus belles saisons sont des saisons de peine ;
La sienne est celle des plaisirs.
Flore peut se vanter des fleurs qu’elle nous donne ;
Cérès, des biens qu’elle produit;
Bacchus peut s’applaudir des trésors de l’automne :
Mais l’hiver, l’hiver seul en recueille le fruit.

Les Dieux du ciel et de l’onde,
Le soleil, la terre, et l’air,
Tout travaille dans le monde
Au triomphe de l’hiver.

C’est son pouvoir qui rassemble
Bacchus, l’Amour, et les Jeux:
Ces Dieux ne régnent ensemble
Que quand il règne avec eux.
Les Dieux du ciel et de l’onde,
Le soleil, la terre, et l’air,
Tout travaille dans le monde
Au triomphe de l’hiver.


CANTATE XV.
CALISTO.[1]


Déesse des forêts, à vos pieds je m’engage
A mépriser l’amour, à détester ses feux.
Puissé-je devenir, si je trahis mes vœux,
Des objets de ces bois l’objet le plus sauvage ! [2]

  1. C’est encore au fécond, à l’ingénieux Ovide que nous sommes redevables de cette Cantate. Il a traité deux fois la fable de Calisto (Mêtam. li. ii, v. 409; et Poëme des Fastes, ii, v. 156). Rousseau n’avoit que l’embarras du choix, parmi cette foule de traits, qui, nécessairement les mêmes quant au fonds, empruntent de l’inépuisable facilité du poète, une variété de tour et d’expression toujours admirable. Mais cette abondance même paroît avoir effrayé le poète françois, qui ne nous donne guère ici que le sommaire poétique de ces deux jolies narrations.
  2. L’objet le plus sauvage. Allusion anticipée à sa métamorphose
    en ourse.