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Suppression de l’arrêt des trains dans les grandes villes

Les gares circulaires et mouvantes. — Plus de perte de temps. — Communications futures avec les planètes.

Il y a déjà longtemps que les Américains ont inventé cette excellente formule : Time is money et plus ça va et plus la société moderne est bien obligée de reconnaître que dans tous les pays du monde, il n'y a que cela de vrai.

Vous avez des trains aujourd’hui qui marchent nominalement, soi-disant à 100 et 120 kilomètres à l'heure; c’est fort joli sans doute, mais comme ils perdent un temps énorme à s’arrêter dans les gares et à embarquer un tas de clients plus ou moins empotés, il en résulte que l’on ne marche même pas utilement, effectivement à la moitié, c'est-à-dire à 60 kilomètres à l’heure.

Il est évident que ces mœurs de tortue en goguette deviennent de plus en plus désastreuses pour les gens pressés et voilà pourquoi on songe sérieusement à ne plus arrêter les trains au passage des gares, ou tout au moins à ne les ralentir qu’à vingt kilomètres aux dits passages, ce qui serait déjà un notable progrès. Du reste pour exposer la chose en cinq sec, je ne puis mieux faire que de citer les lignes suivantes du docteur Héricourt sur cette nouvelle et ingénieuse application du trottoir roulant aux chemins de fer.

À la bonne heure, voila un docteur qui doit mener rondement ses malades, et avec lui ils ne doivent pas avoir le temps d’avoir des rhumatismes :

« Il y a cinq ans déjà, un ingénieur des ponts-et-chaussées, M. J. Thévenet Le Boul, avait proposé à ce problème une solution élégante, sinon très pratique, consistant à faire circuler les trains continus le long d’embarcadères rotatifs.

« Ce système différait essentiellement des appareils dits plates formes roulantes, que tout le monde connaît maintenant pour les avoir pratiqués à l’Exposition. De tels trottoirs roulants, pour la réalisation d’une vitesse de trains de chemins de fer, exigeraient en effet un nombre de trottoirs successifs, économiquement inadmissible.

« Dans le système de M. Thévenet Le Boul, au contraire, les trains n’étaient accessibles qu’à des stations déterminées, mais ils gardaient une vitesse constante pouvant aller jusqu’à 12, 15, 20 kilomètres et plus à l’heure, et les voyageurs y prenaient place par une manœuvre unique, simple et sans danger.

« Cette faculté d’accès à un train en pleine marche était assurée par des embarcadères rotatifs formés par des plates-formes animées, autour de leur centre, d’un mouvement tel que la vitesse, à leur circonférence, fut égale à celle du train qui les contournait sur environ les trois quarts de leur développement.

« Le public abordait ces plates-formes par la région centrale, dont la vitesse était bien entendu, considérablement réduite. Le rayon de l’évidement central étant, par exemple, de 4 mètres, et le rayon total étant de 20 mètres, le train marchant à 12 kilomètres à l’heure, les voyageurs n’avaient à aborder au centre de l’embarcadère, qu’une vitesse de 0,66 m par seconde, c’est-à-dire la moitié de la vitesse d’un homme au pas.

« On voit donc qu’un voyageur, si peu ingambe qu’il puisse être, pourrait facilement monter sur une telle plate-forme rotative, et se diriger vers le bord extérieur où il aurait alors la même vitesse que le train. Il monterait par suite dans ce dernier sans éprouver aucune réaction sensible et aussi facilement qu’on se meut dans un compartiment d’un train en marche.

« La descente du train s’effectûrait avec la même facilité par la manœuvre inverse, le voyageur disposant, pour quitter son compartiment, de tout le temps pendant lequel sa voiture reste en contact avec la plate-forme de la station où il veut descendre ».

Mais voilà que M. Perry arrive avec un projet plus commode et plus pratique :

« Bien entendu, avec des trains composés de voitures ordinaires, ne pouvant embrasser que des courbes très développées, les plates-formes à court rayon ne pourraient être employées ; et celles que prévoit M. Perry n’auraient pas moins de 150 mètres de diamètre.

« Pour une vitesse de 12,8 kilomètres à l’heure, au bord libre, l’escalier central d’une telle plateforme devrait effectuer sa résolution en 134 secondes.

« Le temps laissé aux voyageurs pour monter ou descendre serait de 60 secondes — temps largement suffisant dans ces conditions — et des écriteaux bien apparents indiqueraient au fur et à mesure le temps restant disponible pour cette opération : 50, 40, 30, 20, 10 secondes. Au signal 0, une barrière viendrait fermer l’extrémité du couloir, le voyageur verrait le train s’éloigner et attendrait le train suivant.

« Les portières pourraient du reste, être ouvertes et fermées automatiquement à l’arrivée au contact de la plate-forme tournante et au moment où le train la quitte. »

Il est évident qu’avec ce système perfectionné encore on ne tardera pas à pouvoir, en augmentant le nombre et la vitesse successive des cercles de la plate-forme circulaire, arriver à s’embarquer à 40, 50 et peut-être 80 kilomètres à l’heure. Ce sera l’idéal.

Mais dans l’avenir — éloigné, si vous voulez — je veux encore espérer mieux. Comme je l’ai démontré mille fois, il est certain que notre système planétaire, que l’univers tout entier sont régis et gouvernés par un moteur unique, par une force unique : l’électricité.

Eh bien, le jour où l’on sera absolument maitre du fluide mystérieux, rien ne prouve que l’on ne pourra pas rapprocher à volonté les planètes — pour ne parler que de nos voisines — les unes des autres et arriver à les faire toucher en passant à un centimètre exactement de distance.

Pour qu’il n’y ait ni frottement, ni choc, les deux planète qui veulent se rencontrer, se frôler sans se heurter, auraient préparé, chacune de leur côté, une vaste plaine, un immense hippodrome parfaitement plat, pouvant contenir deux ou trois millions de voyageurs, de touristes et au moment où les deux hippodromes des deux planètes passeraient à côté l’un de l’autre, les voyageurs passeraient d’une planète à l’autre. Ce serait donc simple comme le jour.

— Mais vous oubliez que ces planètes marchent à 3 Ou 400 000 kilomètres à la seconde.

— Je n’oublie rien, du moment qu’elles auront toutes les deux une vitesse identique, on ne sentira rien. C’est l’histoire de la bougie dont la flamme est immobile pendant la tempête la plus violente, à bord de la nacelle du ballon libre qui suit le vent à 100 kilomètres à l’heure.

— C’est pourtant vrai. Mais où trouverez-vous des chefs de gare, des aiguilleurs pour ces voyages de plaisir, inter-planétaires ?

— Dans nos Observatoires, parbleu, on les aura mis en communication par un câble transmetteur sérieux avec les pôles convertis en immenses dynamos domestiqués.

Un coup de pouce de manométreur, de manipulateur, comme vous voudrez et suivant l’impulsion des fluides, les astres se rapprocheront ou s’éloigneront à volonté.

Lors du prochain voyage, je compte bien organiser une tournée de Sarah Berhnardt dans la planète Mars ; il y aura de l’argent à gagner. Et puis, il n’y a pas de temps à perdre, avant qu’elle ne soit par trop défraîchie !

— À moins que vous ne soyez claqués tous les deux auparavant.

— Ne découragez donc pas ainsi les chercheurs tenaces et les inventeurs audacieux !