Psychologie de l’Éducation/III/5

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Flammarion (p. 126-137).
Livre III


CHAPITRE V

L’enseignement congréganiste.


L’enquête parlementaire s’est beaucoup occupée des progrès de l’enseignement congréganiste. Elle a rappelé certains faits connus de tout le monde, mais elle a aussi révélé des choses que le public ne soupçonnait pas. On n’eût guère pensé, par exemple, que les Frères des Écoles chrétiennes, jadis relégués dans l’enseignement primaire le plus humble, arriveraient à faire une très sérieuse concurrence à l’Université dans l’enseignement secondaire et supérieur. En quelques années leurs progrès ont été foudroyants. Dans nos grandes écoles, l’École Centrale notamment, sur les 134 élèves présentés par eux en dix ans, les neuf dixièmes ont été reçus. Ils avaient 30 établissements qui donnaient l’enseignement secondaire. En outre, le seul enseignement agricole véritable en France était dans leurs mains. Ils possédaient des fermes de 35 hectares, où les élèves recevaient une instruction pratique et obtenaient tous les prix dans les concours. Ils dirigeaient également des écoles commerciales et industrielles sans rivales. Et, alors que nos établissements d’instruction coûtent si cher à l’État, les leurs rapportaient des dividendes aux commanditaires qui avaient prêté des fonds pour les créer. Quant aux autres maisons d’éducation congréganistes, bien que ne recevant aucune rétribution du budget, alors que les lycées lui sont si onéreux ils faisaient à ces lycées une concurrence des plus redoutables et leurs succès s’accroissent chaque jour.

Toutes ces observations sont d’ailleurs de l’histoire déjà ancienne. L’Université ne pouvant lutter contre l’enseignement des Frères a obtenu qu’il fût supprimé. Les professeurs durent aller porter leurs méthodes dans des pays étrangers qui les ont reçus à bras ouverts.

Les résultats obtenus par l’enseignement congréganiste sont incontestables, mais l’enquête n’a pas su en montrer les causes. Elles sont pourtant bien évidentes. Elles résident simplement dans la qualité morale des maîtres. Tous avaient un idéal commun et l’esprit de dévouement qu’un idéal inspire. Cet idéal peut être scientifiquement traité de chimère, mais la qualité philosophique d’un idéal est absolument sans importance. Ce n’est pas à sa valeur théorique qu’il faut le mesurer, c’est à l’influence qu’il exerce sur les âmes. Or, l’influence de l’idéal qui guide les congréganistes est immense. Tous ces professeurs à peine rétribués sont dévoués à leur tâche et ne reculent pas devant les plus humbles besognes. À la fois surveillants et professeurs, ils s’occupent sans cesse de leurs élèves, les étudient, les comprennent et savent se mettre à leur portée. Leurs origines familiales sont au moins aussi modestes que celles des professeurs de l’Université, mais leur tenue générale est infiniment supérieure, et, par contagion, celle de leurs élèves le devient également. Il n’y a pas à contester que ces élèves ne soient, au moins extérieurement, beaucoup mieux élevés que ceux de nos lycées. Les parents s’aperçoivent très bien de la différence et les libres penseurs eux-mêmes envoyaient de plus en plus leurs enfants chez les congréganistes. Ils savaient d’ailleurs aussi que ces congréganistes s’intéressaient personnellement à leurs élèves, ce qui n’est pas le cas des professeurs des lycées, et les faisaient très bien réussir dans la préparation aux examens ouvrant l’entrée des grandes écoles.

Comme je ne vois aucun moyen d’infuser à nos universitaires les qualités incontestables que les congréganistes devaient à leurs croyances religieuses, j’ignore de quelle façon on ralentira les progrès des derniers. Des règlements, si rigides puissent-ils être, n’y pourront rien. Les supprimer est simplement les obliger à changer de costume. La diffusion de l’esprit clérical est assurément fâcheuse dans un pays aussi divisé que le nôtre, mais aucune persécution ne saurait l’entraver. On peut évidemment décréter, comme on l’a proposé, que l’État ne laissera les fonctions publiques accessibles qu’aux élèves ayant passé par le lycée, mais une telle loi serait facile à tourner, car les congréganistes n’auraient qu’à envoyer leurs élèves au lycée le nombre d’heures suffisant pour obtenir les certificats nécessaires. Supposons cependant que par des moyens draconiens, on les oblige tous à fermer leurs établissements comme il a déjà été fait pour les plus prospères. De telles lois auraient pour conséquence immédiate de transformer en ennemis du Gouvernement les parents tenant à confier leurs enfants aux congréganistes. Elles auraient aussi cette autre conséquence, beaucoup plus grave encore, de supprimer toute concurrence à l’Université, et par conséquent de détruire le seul stimulant qui l’empêche de descendre plus bas qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Tout ce qui vient d’être dit de l’enseignement congréganiste, et surtout de la supériorité de son éducation, a été très bien mis en évidence dans l’enquête et cela par les professeurs de l’Université eux-mêmes. Je n’ai maintenant qu’à citer.

Dans les maisons religieuses, les professeurs sont très souvent improvisés : à peine deux ou trois qui ont voulu être professeurs et qui ont leurs grades. En revanche, l’entraînement particulier qu’ils subissent en vue de l’apostolat sacerdotal les prépare admirablement au métier d’éducateur. Les pensées élevées sur lesquelles on les tient attachés, les sentiments de dévouement et de sacrifice dont on les pénètre, les leçons de psychologie pratique et de direction spirituelle qu’on leur enseigne, tout cela constitue des ressources pédagogiques de premier ordre, utilisables dès leur entrée en fonctions[1].

Au point de vue moral, il n’y a pas d’éducation, de direction dans l’Université. Nous n’avons pas de doctrine morale comme nous n’avons pas de doctrine disciplinaire. Nous n’enseignons rien de précis sur ce point important. Les maisons religieuses ont sur nous l’avantage d’enseigner au moins la morale d’une religion ; nous, nous n’enseignons même pas la morale de la solidarité, qu’on enseigne dans les écoles primaires. Nos élèves n’ont part aux théories morales qu’en philosophie ; à ce moment ils sont déjà formés, il est trop tard[2].

Les enfants, dans les lycées, ne vivent qu’entre eux, n’ayant de rapport avec l’Administration que pour en recevoir des ordres ou des punitions. Or, la pire des écoles, c’est celle des enfants entre eux ; c’est ce qui rend si dangereuse l’école de la rue. Un enfant ne peut être élevé que par quelqu’un de formé, de plus âgé, de plus équilibré. En somme, nos jeunes gens ne sont pas assez avec des personnes qu’ils aiment et qui les aiment. Les établissements religieux n’ont évidemment pas une supériorité réelle sur les établissements laïques, mais ils tiennent compte des sentiments des enfants, ils occupent leur imagination, ils excitent leurs bons sentiments. Je lisais même récemment dans un livre sur les patronages catholiques que, dans les écoles classiques, les grands garçons sont peu à peu habitués à se préoccuper de leurs futurs devoirs, de leur futur rôle dans la société.

On leur enseigne à s’intéresser aux autres, surtout aux petits, aux faibles ; enfin, on leur trace une sorte de programme moral, tandis que ces précautions d’ordre élevé ne sont pas prises chez nous[3].

Aux raisons qui précèdent, il faut joindre les succès que les congréganistes font obtenir à leurs élèves. Aussi leurs progrès s’accroissaient-ils rapidement.

Il y a une poussée de concurrence de la part des établissements ecclésiastiques, ce n’est pas douteux ; tandis que les établissements publics ne s’accroissent plus guère, les établissements ecclésiastiques en particulier, parmi les établissements libres, s’accroissent rapidement[4].

Actuellement, d’après les chiffres donnés par MM. Leclerc et Mercadier devant la Commission, l’enseignement libre, c’est-à-dire congréganiste, possède 53,4 % du nombre des élèves, celui de l’État 46,5 % seulement.

La proportion au profit de l’enseignement congréganiste s’élève d’année en année, et pour l’entrée aux grandes écoles, il fait une rude concurrence aux lycées. D’après M. Mercadier, les établissements congréganistes fournissent à eux seuls 24 % des élèves de l’École Polytechnique. Pour d’autres écoles du Gouvernement, la proportion est plus élevée encore.

Mais ce qui est beaucoup plus intéressant et constitue une véritable révélation, ce sont les résultats qu’obtenaient les Frères des Écoles chrétiennes dans tous les ordres d’enseignement, aussi bien ceux régis par les programmes de l’État que ceux créés par eux pour répondre aux besoins modernes dont l’Université ne se préoccupe nullement et dont les Frères ont été à peu près les seuls à s’occuper jusqu’ici. La déposition du Frère Justinus, assistant du Supérieur général de ces Écoles, a été aussi longue qu’intéressante, et montre à quels merveilleux résultats peuvent arriver des hommes de cœur, d’initiative et de volonté. Sans aucune assistance pécuniaire de l’État, alors que notre Université pèse si lourdement sur le budget des contribuables, ils réussissaient à donner des dividendes aux actionnaires qui leur avaient prêté des fonds.

Voyons d’abord les résultats obtenus dans l’enseignement secondaire par les Frères, puisque c’est de lui qu’il s’agit maintenant. Je n’ai qu’à leur laisser la parole. Ce ne seront plus les belles périodes, les phrases sonores, autant que vides, des académiciens universitaires sur les beautés de l’enseignement classique, la vertu éducatrice du latin, etc., mais des faits bien nets, simplement exprimés. Les Frères ont montré tout le parti que l’on peut tirer des programmes et justifié une de mes assertions fondamentales, à savoir que ce ne sont pas les programmes, mais les professeurs, qu’il faudrait pouvoir changer.

D’après les renseignements donnés à la Commission, les Frères possédaient 456 écoles, dont 342 en France, les autres établies dans huit colonies, dont cinq sont françaises. Ces écoles étaient de toute nature : primaires, industrielles, secondaires, etc., suivant les besoins du milieu où elles se trouvaient créées. Celles d’enseignement uniquement secondaire étaient au nombre d’une trentaine environ. Dans les maisons d’enseignement secondaire de Passy, de 1892 à 1898, ils ont préparé avec succès 365 élèves au baccalauréat. 48 élèves, ont obtenu un double baccalauréat.

Pour couronnement des études, il a été organisé, à Passy, un cours de préparation à l’École Centrale, faisant immédiatement suite aux classes secondaires modernes. De 1887 à 1898, le pensionnat de Passy a eu quatre fois le major de la promotion, deux fois le sous-major et un certain nombre d’élèves dans les dix premiers. Sur 134 élèves présentés, durant cette période, 119 ont été admis, soit plus de 89 %.

À l’École des Mines de Saint-Étienne, durant les dix dernières années, nous avons eu 11 majors sur les 20 réunis de l’entrée et de la sortie.

49 de nos élèves font actuellement partie de l’École des Mines, et 287 ont déjà obtenu à leur sortie le diplôme d’ingénieur. Plusieurs occupent aujourd’hui les positions les plus honorables, (ingénieurs en chef ou directeurs) dans les bassins de la Loire, de l’Aveyron, du Gard, du Nord et du Pas-de-Calais.

En ce qui concerne les carrières suivies par les élèves sortis de nos établissements secondaires, voici les indications données par une statistique récente :

Commerce 35 %

Agriculture 33 »

Industrie 15 »

Administration 7 »

Armées et colonies 5 »

Études 5 »

La grande majorité se dirige donc vers les carrières du commerce, de l’agriculture et de l’industrie[5].

Ces résultats indiquent la supériorité des méthodes employées, mais une chose beaucoup plus intéressante encore, c’est le développement que les Frères ont su donner aux établissements agricoles et industriels, rendant ainsi d’immenses services dont on ne saurait leur être trop reconnaissant. Je laisse de côté leurs écoles d’agriculture, notamment celle dont il est parlé dans l’enquête, comprenant une ferme de 35 hectares où les élèves doivent exécuter tous les travaux agricoles, y compris ceux du labourage, ce qui a valu au directeur de cette école, en 1899, le titre de premier lauréat de la Société des Agriculteurs de France. Je me bornerai à reproduire le passage de la déposition où il est montré comment l’enseignement varie suivant les besoins des régions.

Nous avons organisé pour l’industrie des cours pratiques analogues à ceux qui existent pour l’agriculture.

Aux derniers examens d’admission pour l’École des apprentis élèves-mécaniciens de la flotte, nos établissements de Brest, de Quimper et de Lambézellec ont fait admettre 27 de leurs élèves. L’école de Brest a eu le n° 1 de la promotion ; le pensionnat de Quimper, le n° 2 ; celui de Lambézellec, le n° 3.

À l’autre extrémité de la France, 30 de nos élèves de la seule école Saint-Éloi d’Aix ont été déclarés admissibles à l’École Nationale d’Arts et Métiers, dans les examens du 30 juin au 2 juillet 1898.

Notre pensionnat secondaire moderne de Rodez possède également une section industrielle très prospère. De 1890 à 1898, on compte 88 de ses élèves admis à l’École Nationale d’Arts et Métiers, aux Équipages de la flotte ou à l’École des contremaîtres de Cluny.

Des organisations semblables existent dans un certain nombre de nos établissements. Plusieurs, comme à Saint-Malo, à Paimpol, à Dunkerque, ont des cours spéciaux de répétitions de sciences, de calculs nautiques, etc., pour les élèves inscrits aux écoles d’hydrographie. Il y a quelques semaines à peine, 24 de ces jeunes gens, ainsi préparés à Saint-Malo et à Paimpol, ont été reçus capitaines au long cours et 6 autres capitaines pour le cabotage.

En ce qui concerne les cours professionnels proprement dits, le type le plus généralement connu est offert par l’établissement Saint-Nicolas, de Paris.

Dans sa séance du 12 juin 1897, l’Académie des Sciences morales et politiques décernait à cette œuvre, reconnue d’utilité publique, le prix Audéoud. Voici comment s’exprimait à ce sujet M. Léon Aucoc, dans son rapport :

La maison principale (Paris) compte à elle seule 1.030 élèves ; celle d’Issy, 1.050 ; celle d’Igny, 830.

Chaque année, le Conseil d’administration est obligé de refuser des enfants, faute de place.

Selon le désir des parents, les enfants reçoivent uniquement l’instruction primaire à ses différents degrés ou une instruction spéciale qui les prépare soit à l’industrie, soit à l’horticulture.

Les ateliers de la maison de Paris sont un des traits caractéristiques de l’œuvre de Saint-Nicolas.

La maison traite avec des patrons, qui font toutes les dépenses et profitent de toutes les recettes qui résultent du travail fait dans les ateliers, sous la direction d’un contremaître choisi par eux. Suivant les professions, l’apprentissage dure trois ou quatre ans. Il n’y a pas, dans ces ateliers, un instant perdu pour l’instruction professionnelle, et les apprentis ne sont pas exposés à subir, dès l’âge de treize ans, de mauvaises influences. En général, c’est à des métiers qui exigent une intelligence développée et du goût que sont préparés les enfants : imprimeurs, graveurs-géographes, lithographes, relieurs, facteurs d’instruments de précision, mécaniciens, sculpteurs sur bois, monteurs en bronze, ciseleurs sur métaux. Chaque jour, les apprentis reçoivent, des Frères qui s’occupent de leur éducation, des leçons spéciales de dessin et de modelage appropriés à leurs travaux. Les contremaîtres se louent beaucoup de leurs apprentis, et chaque année, au moment des vacances, le supérieur de la maison reçoit un grand nombre de propositions qui lui sont faites pour donner de l’emploi à ces jeunes gens.

Les résultats de l’instruction primaire proprement dite ont été, dans toutes les expositions universelles, à Chicago comme à Paris, l’objet de distinctions éclatantes. Ce que nous aimons surtout à signaler, c’est le travail de tous les jours : 346 certificats d’études, 36 brevets d’instruction primaire élémentaire et 5 d’instruction primaire supérieure, tel est le résultat de l’année 1895-1896.

Pour l’instruction agricole et horticole, donnée à Igny, les jeunes apprentis ont obtenu 44 prix : 19 au concours de Reims, 13 à celui de Paris, 12 à celui de Versailles, parmi lesquels un prix d’honneur et un premier grand prix.

Tout ce travail est soutenu par une discipline douce et affectueuse, qui produit les meilleurs résultats.

L’œuvre de Saint-Nicolas a été à Paris la première institution de travail manuel ; elle en est restée un des modèles.

À Lyon, l’école de La Salle a été organisée par les Frères en faveur des élèves d’élite de leurs écoles. Les fondateurs offrent aux familles qui le désirent pour leurs enfants, avec une éducation religieuse et morale, un complément d’instruction primaire et professionnelle.

Les cours sont de trois années à l’école de La Salle.

L’instruction est à la fois industrielle et commerciale.

Elle comprend le dessin industriel et toutes les mathématiques qu’il exige, le français, la correspondance, le droit usuel, la comptabilité, l’économie sociale, l’histoire et la géographie, l’anglais, l’étude de la physique et de la chimie appliquées à l’industrie.

Des ateliers d’ajustage, de forge, de tissage, de menuiserie, de modelage, de manipulations chimiques, de typographie et de gravure, permettent aux élèves de connaître leurs aptitudes spéciales et de préparer sûrement leur avenir.

Le système des ateliers extérieurs à l’établissement, dirigés par de véritables chefs d’industrie, et dans lesquels les élèves restent sous la surveillance de l’École, parut donc au Comité être la vraie solution de la question de l’apprentissage. Ce fut aussi l’avis des principaux industriels de la région.

L’expérience a établi que l’on avait bien jugé, car le système adopté a donné les meilleurs résultats. Il a aussi pour lui l’expérience de l’étranger. Dans les grandes villes industrielles de Hollande, d’Allemagne, de Belgique, de Suisse, qui sont nos rivales, les écoles professionnelles sont généralement des fondations libres qu’encouragent par des subventions les villes ou le gouvernement.

Les industriels de la localité leur prêtent leur concours, et c’est pour elles une garantie de progrès incessants[6].

Un fait très caractéristique et prouvant une fois de plus la supériorité de tout ce qui sort de l’initiative privée, c’est que cet enseignement, qui donne de si remarquables résultats, non seulement ne demandait comme je l’ai déjà dit, aucune subvention à l’État, aucune assistance de personnes bienfaisantes, mais constituait au contraire une source de bénéfices pour ceux qui l’avaient fondé. Voici d’ailleurs sur ce point la déclaration du Frère Justinus.

Toutes les sociétés civiles, propriétaires des locaux dans lesquels nous avons organisé nos pensionnats, ont toujours distribué leurs dividendes annuels. Il n’en est pas une, à ma connaissance, qui ait dérogé à cette règle.

Nous nous sommes imposé le devoir de ne point frustrer des légitimes intérêts de leurs capitaux les amis qui nous prêtent leur concours dans notre œuvre d’éducation. Aussi les directeurs de nos pensionnats s’attachent-ils scrupuleusement à satisfaire à toutes les obligations qui leur incombent envers les sociétés civiles propriétaires. C’est la première de leurs obligations financières.

M. le Président. Vous arrivez à faire une concurrence qui est redoutable, non pas seulement aux établissements publics, mais aux collèges ecclésiastiques. Partout on le constate[7].

Concurrence redoutable sans doute, mais j’ajouterai, bienfaisante et utile, et il serait à souhaiter qu’elle se fût développée encore. Je ne suis pas suspect, je pense, de cléricalisme, mais j’avoue que si j’étais Ministre de l’Instruction publique, mon premier acte serait de nommer directeur de l’enseignement primaire et secondaire en France le Supérieur des Écoles chrétiennes qui a obtenu de tels résultats. Je lui laisserais toute liberté quant au choix des méthodes et des professeurs, exigeant simplement qu’il renonçât rigoureusement à toute prédication religieuse, de façon à laisser aux parents une liberté totale sur ce point.

Je me suis étendu sur la déposition qui précède plus que sur aucune autre parce que au point de vue de l’enseignement secondaire, les Frères arrivent à des résultats supérieurs à ceux de nos meilleurs lycées, et qu’au point de vue de l’enseignement agricole et professionnel, si nécessaire aujourd’hui, ils sont sans rivaux. La première chose à faire pour rivaliser avec eux serait d’étudier leurs méthodes. On est libre d’avoir, au point de vue religieux, des opinions différentes des leurs, mais nous devons tâcher d’acquérir assez d’indépendance d’esprit pour reconnaître leur supériorité, surtout quand elle est aussi manifestement écrasante.

Le Directeur de tels maîtres méritait une statue. Leur sauvage expulsion doit être considérée comme un désastre national. Personne et surtout l’Université n’est capable de donner l’enseignement industriel, agricole et technique qui va nous manquer maintenant.

  1. Enquête, t. II, p. 651. Rocafort, professeur d’histoire.
  2. Enquête, t. II, p. 419. Pequignat, répétiteur à Henri-IV.
  3. Enquête, t. II, p. 436. Gaufrès, ancien chef d’institution.
  4. Enquête, t. II, p. 83. Max Leclerc, chargé de missions relatives à l’enseignement.
  5. Enquête, t. II, pp. 592 et suiv. Frère Justinus.
  6. Enquête, t. II, pp. 598 et suiv. Frère Justinus, assistant du Supérieur général des Frères des Écoles chrétiennes.
  7. Enquête, t. II, p. 602. Frère Justinus.