Réseau des chemins de fer

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DU RÉSEAU
DES
CHEMINS DE FER
tel qu’il pourrait être établi aujourd’hui
EN FRANCE.[1]

Les grandes lignes de chemins de fer en faveur desquelles l’opinion publique et l’administration semblent maintenant se trouver d’accord, et sur lesquelles, abstraction faite des grandes questions d’administration publique et de politique que soulève l’entreprise d’un vaste réseau, il ne peut guère y avoir de débats qu’en ce qui concerne, soit les localités intermédiaires qu’elles doivent traverser, soit l’ordre dans lequel il convient de les entreprendre en totalité ou par parties, soit enfin le mode d’exécution par l’État ou par les compagnies, par les ponts-et-chaussées ou par les officiers du génie et de l’artillerie assistés de l’armée ; ces grandes lignes qu’on a, avec raison, dénommées politiques, sont au nombre de cinq, savoir :

1o  Celle de Paris vers la Méditerranée, par Lyon et Marseille.

2o  Celle de Paris vers l’Angleterre, la Belgique et les provinces rhénanes.

3o  Celle de Paris à la Péninsule espagnole, par Bordeaux et Bayonne, avec ramification sur Nantes.

4o  Celle de Paris vers l’Allemagne centrale, vers Vienne et le Danube, par Strasbourg.

5o  Celle de Paris à la mer, par Rouen.


À ces cinq lignes parisiennes, il y aurait lieu d’en joindre deux autres, dirigées, l’une du golfe de Gascogne vers la Méditerranée ou de Bordeaux à Marseille, l’autre de la Méditerranée vers la mer du Nord, ou de Marseille au Rhin. Aboutissant à la Méditerranée, celle-ci serait, qu’on me passe l’expression, un Danube artificiel aussi utile à l’Allemagne, et surtout à celle du nord, que l’est à l’Allemagne du midi le Danube lui-même par sa liaison avec la mer Noire. Le chemin de fer de la Méditerranée à la mer du Nord n’est réellement possible que par la France. Pour aller de Gênes, de Venise ou de Trieste à Hambourg, il faudrait se frayer un passage à travers des chaînes de montagnes en présence desquelles l’art doit s’incliner. Au contraire, la ligne de Marseille au Rhin est une voie sûre et courte que la nature semble s’être plu à indiquer. On n’y rencontre ni Alpes du Tyrol ni Alpes rhétiennes, ni faîtes de trois à quatre mille mètres d’élévation ; l’unique barrière à franchir est un contrefort du Jura élevé de trois cent cinquante mètres seulement au-dessus de la mer, contrefort qu’a déjà surmonté le canal du Rhône au Rhin, et qui serait de nouveau gravi sans peine par un chemin de fer.

Pour ouvrir cette communication, il suffirait, sur le sol français, d’un chemin de fer partant de Strasbourg pour venir vers Lyon s’embrancher sur celui de Paris à la Méditerranée[2].

Si la navigation à vapeur prenait dans l’Atlantique le développement que d’audacieuses tentatives semblent faire pressentir[3], il deviendrait nécessaire d’exécuter une autre ligne dirigée vers notre port le plus occidental, c’est-à-dire vers Brest, car Brest deviendrait le point de départ pour les régions du Nouveau-Monde avec lesquelles nous aurions alors des relations fort multipliées ; mais l’hypothèse sur laquelle se motiverait l’exécution de la ligne de Brest est encore si incertaine, qu’elle est exclusivement du domaine de la politique spéculative.

Il est difficile de dire exactement quel serait le développement total du réseau. Cependant on peut l’évaluer à mille vingt-quatre lieues ; savoir :

Route de la Méditerranée 
220 lieues.
Route d’Angleterre et de Belgique ou du Nord :
De Paris à Calais, par Lille 
87
109
Prolongement jusqu’à la frontière belge dans la direction de Gand, par Lille 
4
Embranchement sur Valenciennes, et prolongement jusqu’à la frontière belge, vers Mons et Bruxelles. 
18
Route d’Espagne, par Bordeaux et Bayonne 
200
247
Embranchement de Nantes 
47
Route de Paris vers l’Allemagne centrale, par Strasbourg
116
Route de Paris à la mer, en profitant d’une partie du chemin du Nord 
50
Route de la Méditerranée à la mer du Nord :
De Saint-Symphorien (sur la route de la Méditerranée) à Lauterbourg, par Strasbourg et Bâle 
148
Route du golfe de Gascogne à la Méditerranée :
De Bordeaux à Beaucaire (sur la route de la Méditerranée) 
134
Total 
1024 lieues.

Nos savans ingénieurs ont évalué à un milliard un réseau de onze cents lieues, ce qui mettrait la lieue à 900,000 fr. moyenne. Cette évaluation est inadmissible, si l’on adopte le mode de construction proposé par les ingénieurs et adopté par l’administration des ponts-et-chaussées, car ce système a été emprunté aux Anglais ; et, en dépit de tous devis préalables, il exige en Angleterre deux millions environ par lieue. Or, si de l’autre côté du détroit les chemins de fer coûtent deux millions, nous ne comprendrions pas qu’en France, sur un sol ordinairement plus accidenté, avec les mêmes données de pentes, de rayons de courbure et de double voie, ils coûtassent moins de la moitié. En supposant que nos ingénieurs s’appliquent rigoureusement à construire dans un style simple et nullement monumental, il n’est ni impossible, ni improbable que, tout en payant le fer plus cher que leurs émules d’Angleterre, ils parviennent à restreindre la dépense à 1,500,000 fr., par exemple ; mais il serait imprudent d’espérer un plus fort rabais, quelles que puissent être les promesses des devis. La réputation de véracité des devis n’est pas plus proverbiale que celle des bulletins ; et ce qui se passe quotidiennement sous nos yeux prouve qu’en cela la voix publique n’a pas tort.

À raison de 1,500,000 fr. par lieue, la dépense totale du réseau de 1024 lieues serait de 1,536,000,000 fr.

Cette somme est plus que considérable ; elle est effrayante. Il y aurait beaucoup d’inconvéniens à ce que le gouvernement, cédant au louable désir de donner satisfaction à l’impatience du public qui veut jouir des chemins de fer, cherchât à se la procurer dans un bref délai, ou, ce qui, sous beaucoup de rapports, et surtout sous celui du bon aménagement de la fortune publique, revient à peu près au même, à la faire consacrer aux chemins de fer par les compagnies. Distraire de propos délibéré une pareille masse de fonds des autres usages auxquels l’industrie applique le capital national,ce serait vouloir plonger le pays dans une perturbation commerciale semblable à celle dont l’Amérique a récemment été la victime. En fait de capitaux, quoique ce soit une matière naturellement douée d’une certaine élasticité, tout déplacement qui n’est pas ménagé est dangereux. Là aussi se vérifie cette loi de la mécanique rationnelle que tout choc brusque occasionne une perte de forces vives.

L’un des moyens d’obvier à cette difficulté consisterait à diminuer les frais de premier établissement des chemins de fer, en adoptant un autre système de construction. Il y a donc lieu de se demander jusqu’à quel point il convient que nous nous tenions scrupuleusement dans la ligne des erremens anglais, nous qui avons un territoire beaucoup plus vaste que nos voisins d’outre-Manche et dont par conséquent les lignes seraient beaucoup plus longues ; nous qui disposons de beaucoup moins de capitaux ; nous qui aurons à transporter une population beaucoup moins riche, et par conséquent hors d’état de payer les places aux prix qu’il faut cependant établir lorsque la mise de fonds a été extrêmement forte, si l’on veut que les chemins de fer s’entretiennent eux-mêmes et donnent quelque revenu. Ne conviendrait-il pas de pencher un peu vers le système de construction des Américains, système qui, comme l’atteste l’arbitre suprême de ce monde, l’expérience, n’entraîne pas d’accidens et n’a d’autre défaut que d’accroître, dans une proportion médiocrement considérable pourtant, les frais courans d’exploitation, et que de ralentir d’un tiers ou d’un quart la vitesse, mais qui a l’inappréciable avantage de coûter huit fois moins que le système anglais ?

Placés, sous le rapport de l’étendue du territoire et sous celui de l’abondance des capitaux, dans le juste milieu entre l’Angleterre et les États-Unis, ne devrions-nous pas nous tenir également dans ce juste milieu, en ce qui concerne le mode de construction de nos chemins de fer, à moins que nous ne voulions expérimenter sur la fortune publique après avoir épuisé les expériences sur les formes du gouvernement, ou que, dans un débordement d’abnégation et de longanimité, nous ne consentions à procéder à l’ouverture de ces communications rapides au travers de notre France, avec une lenteur qui permettrait à nos petits-enfans seuls d’en apprécier le bienfait ?

La dépense excessive qu’entraînerait l’exécution des chemins de fer, si nous les établissions dans le système auquel l’administration des ponts-et-chaussées a accordé la préférence, tiendrait à certaines règles que nos ingénieurs se sont imposées, et parmi lesquelles on en distingue trois surtout qui sont onéreuses. Ce sont :

1o  Un maximum de pente qui n’est que le dixième ou même le vingtième du maximum fixé pour les routes ordinaires. De là la nécessité de combler les vallées et de trancher les montagnes.

2o  Un minimum très élevé pour le rayon de courbure à employer dans les tournans. De là l’obligation de ne tenir aucun compte des difficultés naturelles du sol, et encore une fois, de combler les vallées et de trancher les montagnes au lieu de se conformer dans une certaine limite aux contours du terrain et à ses inégalités.

3o  L’établissement d’une double voie tout le long du chemin, de manière à en avoir une exclusivement réservée aux transports qui s’opèrent dans un sens, et une seconde pour les trains qui vont en sens contraire.

Il serait bon d’examiner :

1o  Si nous devons absolument et toujours nous imposer pour les pentes un maximum de trois ou de trois et demi millièmes ;

2o  Si nous devons nous interdire des rayons de courbure de moins de mille mètres[4] ;

3o  Si partout et toujours les grandes lignes ont besoin d’avoir deux voies, et s’il ne vaudrait mieux les réduire provisoirement à une seule en construisant cependant les travaux d’art et particulièrement les ponts pour deux voies, et en établissant de distance en distance des places de croisement où les deux voies subsisteraient.

Je ne prétends aucunement déterminer avec quelque précision jusqu’à quel point il convient de s’écarter des règles que nos ingénieurs se sont tracées. Je me réduis à demander qu’avant de considérer ces règles comme devant être rigoureusement maintenues dans tous les cas, comme sacramentelles, on leur fasse au moins subir la formalité d’une enquête non-seulement mathématique, mais aussi commerciale, financière et administrative. Certes, un chemin de fer où il aurait été possible de les observer, vaudrait mieux qu’un autre où on les aurait enfreintes. Mais deux chemins de fer de cent lieues chacun, par exemple, lors même qu’ils présenteraient sous le rapport des pentes ou des courbures quelques imperfections, et sous celui de la continuité des deux voies quelques lacunes, valent mieux, ce me semble, qu’un seul chemin de fer de cent lieues où sur ces trois points on se serait religieusement incliné devant les arrêts de la théorie abstraite. Respectons profondément les sciences mathématiques ; consultons-les, c’est une excellente pierre de touche ; mais les mathématiques ne peuvent prétendre ni à gouverner ni même à administrer seules l’état ; et l’expérience, encore un coup, vaut tous les A + B du monde. Si donc l’expérience démontre que la sécurité publique n’a rien à redouter de pentes de cinq millièmes, et que, pour de courts intervalles on peut sans danger en admettre qui soient de sept millièmes et plus[5] ; si elle déclare que l’on peut très aisément guider les locomotives sur des courbes dont le rayon n’est que la moitié, le quart ou même le dixième du minimum[6] recommandé par le conseil-général des ponts-et-chaussées, il me semble que le public profane peut, sans manquer aux égards qu’il doit au savoir de nos ingénieurs, appeler de leur décision. L’économie publique est aussi en droit de réclamer voix délibérative en matière de chemins de fer, comme dans toutes les circonstances où il s’agit de grandes entreprises d’intérêts positifs ; et je doute fort qu’elle sanctionne les raisonnemens de nos ingénieurs sur les capitaux[7]

Quant au doublement de la voie, je crois que c’est un sujet sur lequel, sans être un membre éminent de l’Académie des sciences, on peut se former une opinion éclairée. Sur ce point, tout homme de sens est compétent, et j’écouterais plus volontiers l’avis d’un inspecteur des postes ou d’un directeur de messageries que celui du théoricien le plus versé dans les profondeurs du calcul infinitésimal. Que deux voies soient nécessaires à tout chemin de fer aboutissant à Paris dans un rayon de dix ou de quinze lieues, c’est ce que tout le monde accordera, parce qu’il faut, dans ce cas, un départ et une arrivée à chaque heure ou même à chaque demi-heure ; et, cependant, disons qu’avec une seule voie on a eu, sur le chemin de fer de Saint-Germain, un service plus que passablement régulier et qu’aucun accident n’est venu troubler, soit pendant les jours de l’inauguration, soit depuis, malgré la foule qui s’y précipitait avec frénésie, et quoique, à l’origine, les employés, tous novices, ne fussent pas familiarisés avec leurs attributions. Mais entre Paris et Lyon, par exemple, il suffirait, chaque jour et dans chaque direction, de deux départs séparés l’un de l’autre de cinq ou six heures. Entre New-York et Philadelphie, villes de deux cent cinquante mille ames chacune, sur cette terre ou les hommes ne tiennent pas en place, il n’y en a pas davantage, et un seul des deux est très couru. Sur chaque point du chemin, il ne passerait donc que quatre trains de voitures chargées de voyageurs. En y ajoutant un train dans chaque direction pour les marchandises, le nombre total des trains ne serait que de six. Dès-lors, avec une seule voie, en distribuant dans un ordre aisé à découvrir pour chaque cas, les heures de départ, et en déterminant d’avance quelques points de station où l’un des convois devrait attendre l’autre, il serait possible d’assurer aux voyageurs une marche à peu près non interrompue, sans leur faire courir aucun risque, sans qu’un convoi fût exposé à se heurter contre un autre convoi allant en sens contraire. L’organisation du service deviendrait très facile sous ce rapport, si, d’espace en espace, et particulièrement aux abords des grandes villes, on doublait la voie sur un développement de deux ou trois lieues.

Avec deux trains pour les voyageurs dans chaque direction, l’on n’aurait à subir, entre Paris et Marseille, que deux momens d’arrêt, dont la durée ne dépasserait pas une demi-heure ; ce serait donc une heure seulement ajoutée au voyage. Le train des marchandises ne retarderait nullement celui des voyageurs, parce qu’il leur laisserait le champ libre en se tenant dans des gares d’évitement convenablement échelonnées sur toute la distance. Lors même que les délais qu’il subirait devraient, pour le plus grand avantage et la plus grande sécurité des hommes, être de quelques heures, il n’en résulterait aucun inconvénient. Au moyen de stationnemens, on pourrait, sans entraver la circulation entre les points extrêmes, ajouter un autre train spécialement destiné aux voyageurs allant et venant entre les points intermédiaires. En un mot, ce n’est pas se faire illusion que d’espérer qu’au lieu d’établir une double voie partout sur une grande ligne, on pourrait sans difficulté pour le service et sans danger pour le public, se borner à une seule pour la moitié ou les deux tiers du parcours. L’expérience des États-Unis, où l’on voyage plus que chez nous, et celle de la Belgique, qui est la portion plus peuplée du continent européen, ne justifie-t-elle pas cette espérance ?

Il est présumable également qu’il y aurait lieu à ce qu’on se relâchât de la rigueur avec laquelle on exige que toute route royale et départementale, et même vicinale, ne soit traversée qu’au moyen d’un pont par-dessus ou par-dessous. Dans les environs de Paris et aux abords des grandes villes, cette précaution est indispensable. Au milieu des campagnes, ce serait fort souvent une sûreté tout-à-fait superflue que l’on donnerait au public, et une inutile dépense qu’on infligerait au Trésor ou aux compagnies. Avec un passage de niveau, une barrière et un gardien garantiraient amplement la sécurité publique dans un très grand nombre de cas.

Or, si à l’égard des pentes, des rayons de courbure et du doublement de la voie, et pour quelques autres faits moins essentiels, nous gardions le milieu entre les Anglais et les Américains, il est probable que la dépense de nos chemins de fer tiendrait le milieu entre celle des chemins de fer d’Angleterre et des railroads d’Amérique, et qu’elle serait d’environ 700,000 à 800,000 fr. au lieu de 1,500,000 fr. qu’ils devront absorber par lieue, si nous suivons la mode anglaise. En prenant pour base d’évaluation le chiffre de 800,000 fr., les mille vingt-quatre lieues du réseau général coûteraient 819,000,000 fr., c’est-à-dire 717,000,000 fr. de moins que si on les exécutait dans le système proposé par nos ingénieurs.

Même en supposant que l’on réduise la dépense des chemins de fer par l’adoption de règles autres que celles qui semblent aujourd’hui prévaloir, l’exécution du vaste réseau projeté pour la France exigerait beaucoup d’argent, et ce qui est plus fâcheux encore beaucoup de temps. Il y a urgence, cependant, à mettre le pays en possession de moyens de transport qui permettent aux classes bourgeoises de se déplacer suivant les principales directions, d’un bout à l’autre du territoire, avec une vitesse de plus de deux lieues à l’heure, et s’il se peut à moins de frais que quarante à soixante centimes par lieue. Telle est l’influence de la facilité des voyages sur le progrès de la richesse, et tel est le poids dont pèse aujourd’hui dans la balance politique la considération, toute matérielle pourtant, du bien-être, que ce n’est qu’au prix de pareils services que notre système politique méritera la qualification de gouvernement de bourgeoisie que beaucoup de ses amis lui donnent. À plus forte raison, ceux qui regardent la dynastie nouvelle comme destinée à améliorer le sort de toutes les classes sans exception, et qui pensent que l’épithète de populaire est la plus glorieuse que puisse ambitionner le trône de juillet, ceux-là désirent avec raison la création prompte d’un vaste ensemble de communications à l’aide duquel l’immense majorité de nos concitoyens puisse voyager autrement qu’à pied au milieu de la boue qui borde nos chaussées. C’est là un des motifs pour lesquels ils se prononcent hautement en faveur des chemins de fer. Enfin la nature de notre régime représentatif semble exclure l’idée d’entamer le réseau des chemins de fer, si ce n’est sur une grande échelle et sur beaucoup de points à la fois ; car comment obtenir le vote de la chambre des députés, en faveur des chemins de fer, si l’on ne fait jouir à peu près simultanément de la célérité magique qui les distingue, toutes les grandes divisions du territoire, le centre et les extrémités, l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud.

Que faire donc si d’une part la saine politique, les nécessités représentatives, l’intérêt de toutes les classes et celui du gouvernement interdisent d’ajourner ou de pousser autrement qu’avec énergie et ensemble l’établissement de nouvelles voies qui transportent les voyageurs rapidement et à bas prix, et si d’une autre part il semble impossible d’entreprendre immédiatement, avec vivacité, l’exécution de notre réseau de chemins de fer, soit parce que les chambres, malgré le désir qu’a chaque député de doter son arrondissement, ou son département, ou sa région de l’Est ou de l’Ouest, du Midi ou du Nord, se refuseraient à voter, à brûle-pourpoint, tous les fonds que ce réseau obligerait à dépenser, à la suite de toutes nos autres charges ordinaires et extraordinaires, soit parce que la question n’a pas été suffisamment élaborée et mûrie ?

La question paraît insoluble, et elle l’est en effet, si l’on se borne à mettre en jeu les chemins de fer seuls ; mais elle devient moins inextricable si l’on combine les chemins de fer avec les lignes navigables qu’il faudrait exécuter ou améliorer dans tous les cas.

En compliquant ainsi la question, il arrive, comme souvent, qu’on la simplifie. Moyennant cette partie liée, il serait possible de combler, sans compromettre les finances du pays, un des désirs les plus ardens des populations, celui qui fait réclamer de toutes parts des moyens rapides de transport et des facilités nouvelles de déplacement pour les hommes ; moyennant l’alliance des bateaux à vapeur et des chemins de fer, on pourrait, sans efforts surhumains, contenter à la fois, dans un assez bref délai, toutes les grandes divisions de la France, en leur donnant un système de communications qui les couvrirait toutes, qui remplirait, je ne dis pas dans la perfection, je ne dis pas au même degré que le réseau de chemins de fer commencé en Angleterre, mais deux ou trois fois mieux que nos routes ordinaires avec leurs diligences embourbées, l’importante condition de la rapidité des voyages, et qui, mieux que les ruineux rail-ways de la Grande-Bretagne, satisferait à la clause du bas prix des places, clause plus importante encore que celle d’une vitesse aérienne pour les dix-neuf vingtièmes de nos compatriotes qui sont pauvres, et dont il faut pourtant que nous nous habituions à tenir compte désormais dans toute entreprise nationale.

En menant de front la création de lignes praticables pour les bateaux à vapeur, ou l’amélioration de celles sur lesquelles déjà ces bateaux circulent, et l’établissement de quelques chemins de fer, on pourrait constituer en peu d’années un système provisoire de communications accélérées et économiques, dont toutes les parties, sans exception, malgré le caractère transitoire de l’ensemble, rentreraient sans modification dans le système général et définitif des communications et de la viabilité du pays, et qui plus tard serait converti en un réseau complet de chemins de fer non-interrompus. Ce serait, en un mot, un premier acte qui ne diminuerait pas notre désir d’arriver au dénouement, mais qui, nous permettant de l’entrevoir et nous en faisant jouir à moitié en réalité et pleinement en espérance, grâce aux inépuisables ressources de l’imagination française, modérerait notre élan et nous déterminerait à prendre patience.

Pour la réalisation de ce mezzo termine, la nature elle-même a beaucoup fait par l’admirable disposition de nos fleuves. Si, en effet, l’on prenait une à une les grandes lignes de chemins de fer, on verrait que nos grandes artères de navigation peuvent être avantageusement employées pour suppléer à la moitié du réseau, de telle sorte que provisoirement, pour accroître dans une proportion énorme la facilité des communications d’un bout à l’autre du pays, il suffirait d’améliorer nos fleuves, ce à quoi tout le monde est décidé, et de relier par des chemins de fer les points à partir desquels les fleuves sont ou peuvent devenir navigables pour de beaux bateaux à vapeur à grande vitesse, c’est-à-dire parcourant au moins 4 lieues à l’heure, en eau morte. Ainsi, provisoirement, les chemins de fer s’arrêteraient là où commenceraient les bateaux à vapeur. Les bateaux à vapeur fournissent, on ne saurait trop le répéter, le moyen de voyager très vite ; sous le rapport du bon marché, de l’agrément et de la commodité, ils dépassent les chemins de fer. Déjà nous les voyons se multiplier, malgré le mauvais état de nos fleuves, sur la Saône et le Rhône, sur la Seine, la Garonne et la Loire, sur notre littoral de l’Océan et sur la Méditerranée. Là où la communication par bateaux à vapeur est déjà facile et possible, là où le cours des rivières peut être amélioré de manière à offrir aux bateaux à vapeur un chenal suffisamment profond pendant toute l’année, il y aurait de la précipitation à établir dès aujourd’hui de dispendieux chemins de fer. Ce n’est point par là qu’il faut entrer en matière, ce n’est pas ce qui presse le plus.

Ainsi, par exemple, de Paris à Marseille, l’espace qui doit être le premier comblé par un chemin de fer, ne nous paraît point être la vallée du Rhône. Le chemin de fer de Paris à Châlons-sur-Saône doit passer bien avant celui de Lyon à Marseille, parce qu’il est déjà aisé de se rendre, à très peu de frais, très commodément et en peu de temps, de Châlons à Marseille, ou au moins de Châlons à Arles. Les améliorations que l’on apporte au cours de la Saône et pour lesquelles les fonds sont votés, et celles qu’il est possible d’établir dans le lit du Rhône, justifient l’ajournement de tout chemin de fer entre Châlons et les environs d’Arles. Le chemin de fer de Paris à Châlons mettra Lyon à 24 heures de Paris, ce qui lui importe plus que d’être à 12 heures de l’embouchure du Rhône ; il contribuera bien plus que celui de Lyon à Marseille à multiplier les rapports de Paris et des départemens du nord avec la Méditerranée. Sous le rapport stratégique, le chemin de fer de Paris à Châlons ou à Lyon, a une bien autre valeur que celui de Lyon à Marseille. En matière d’administration intérieure, il présente aussi bien plus d’avantages ; car les localités qu’il rapproche de Paris sont bien plus nombreuses. À l’égard des relations avec Paris, il profiterait à tout ce qui est au midi de Lyon, au même degré que le chemin de Lyon à Marseille, et il desservirait de plus tout ce qui est situé entre Lyon et Paris. Il ne serait même pas impossible de diriger le chemin de Paris à Châlons, de manière à le faire servir sur la moitié de son cours aux communications entre Paris et l’Allemagne. Enfin, en temps de paix, il permettrait de diminuer dans une proportion considérable les forces militaires échelonnées dans le midi, car la garnison de Paris serait alors en même temps la garnison de Lyon. De ce point de vue, le chemin de fer de Paris à Châlons économiserait à l’état sur l’énorme budget du ministère de la guerre, par le fait seul de la réduction qu’il autoriserait dans le nombre des régimens stationnés à Lyon, une somme de quatre à cinq millions par an, représentant à peu près l’intérêt de la somme qu’il aurait coûté.

Il est même très probable, à cause de l’ample allocation dont la Saône a été l’objet en 1837, que la navigation à vapeur, à grande vitesse, pourrait partir d’un point situé en amont de Châlons, de Saint-Symphorien, par exemple, de manière à desservir l’extrémité méridionale des deux canaux de Bourgogne et du Rhône au Rhin. Dans ce cas, il suffirait que le chemin de fer venant du nord fût poussé jusque-là.

Marseille est le premier port de France. L’importance que la Méditerranée acquiert tous les jours, la civilisation qui renaît à Constantinople, à Smyrne et à Alexandrie, en Grèce comme sur les bords de la mer Noire, et que nous devons ressusciter à Alger, tout promet à Marseille un immense avenir. Il ne peut donc entrer dans la pensée de personne de sacrifier Marseille. Mais un peu d’examen suffit pour reconnaître que le chemin de fer de Paris à Châlons, accouplé à l’amélioration du Rhône, serait bien autrement favorable à Marseille qu’un chemin de fer latéral au fleuve. Si l’on commençait en même temps le chemin de fer de Paris à la Méditerranée, du côté du midi, par un tronçon jeté entre Marseille et Arles ou Marseille et Avignon, ou plutôt Marseille et Beaucaire, les intérêts de Marseille seraient parfaitement satisfaits quant à présent. Dans l’intérêt exclusif du commerce de Marseille, on peut même citer plusieurs travaux locaux plus urgens que le chemin de fer de Lyon à Arles. Tels sont les docks et la nouvelle passe que les Marseillais attendent avec impatience, tel est le canal de Marseille à Bouc, qui compléterait la grande ligne ou plutôt les grandes lignes de navigation intérieure entre Marseille et Paris, Marseille et la mer du Nord, Marseille et l’Océan. Tel est le canal projeté depuis long-temps, et qui amènerait de la Durance à cette grande cité l’eau dont elle est dépourvue ; tel serait un système général d’irrigation qui rendrait à la culture, sur le littoral de la Méditerranée, de vastes terrains que les Romains cultivaient jadis, et qui, selon la tradition, étaient d’une admirable fertilité, parce que le peuple-roi avait su les arroser. Tel serait aussi un système hydraulique qui renouvellerait sans relâche l’eau empestée du port de Marseille.

Ainsi le chemin de fer de Paris à la Méditerranée pourrait, quant à présent, être réduit à deux tronçons, l’un de Paris à Châlons ou plutôt à Saint-Symphorien, l’autre de Marseille à Avignon ou seulement à Beaucaire, car la navigation du Rhône n’est pas plus mauvaise entre Avignon et Beaucaire qu’au-dessus d’Avignon. Le Rhône conserve même bien au-dessous de Beaucaire un régime identique à celui qui le caractérise plus haut ; il conviendrait cependant de choisir Beaucaire pour point d’arrivée du chemin de fer parti de Marseille, tel qu’il devrait être exécuté dans le réseau provisoire. Beaucaire tend à devenir un carrefour de chemin de fer, et il le sera très prochainement. C’est là que le chemin d’Alais au Rhône va se terminer ; c’est là aussi que le chemin de Cette au Rhône, premier tronçon partiellement en construction aujourd’hui du chemin venant de Toulouse et de Bordeaux, rencontrera le fleuve. Il est donc nécessaire que le chemin qui doit de Marseille se diriger vers le nord, afin d’éviter aux voyageurs la traversée en mer de Marseille à l’embouchure du Rhône, atteigne Beaucaire ; mais il suffit que jusqu’à nouvel ordre il s’arrête là.

Il serait possible aussi de raccourcir, du côté de Paris, le chemin de la Méditerranée, en profitant de l’une des rivières qui affluent vers la capitale, c’est-à-dire de la Seine ou de la Marne. Nous reviendrons tout à l’heure sur ce sujet.

La ligne de Paris vers l’Angleterre, la Belgique et les provinces Rhénanes, ne paraît pas susceptible d’être réduite par la substitution de la navigation à vapeur aux chemins de fer.

Celle de Paris à la Péninsule, par Bordeaux et Bayonne, avec ramification sur Nantes, s’y prêterait mieux. Il serait indispensable de construire un chemin de fer de Paris à Orléans. Au-delà d’Orléans, jusqu’à Tours et même un peu plus loin, la Loire, convenablement améliorée, dispenserait du chemin de fer. Pour tout le reste de la distance jusqu’à Bayonne, il serait fort difficile de substituer les bateaux à vapeur aux machines locomotives, à moins de couper par un canal assez large pour que ces bateaux puissent s’y mouvoir, l’angle aigu qui est compris entre le cours de la Loire et celui de la Vienne, afin de rejoindre directement cette dernière rivière que l’on remonterait ensuite jusqu’à Châtellerault. Ce canal pourrait n’avoir que sept à huit lieues de long. Ce serait un ouvrage dont la largeur et la profondeur dépasseraient les bornes que l’on s’impose pour les canaux ordinaires ; il n’aurait cependant rien d’insolite à côté de quelques canaux aujourd’hui existans ; il pourrait même être sur de moindres dimensions que le canal Calédonien, ou le canal d’Amsterdam au Helder, ou le canal latéral au Saint-Laurent[8]. Il serait possible aussi de se servir, d’Orléans à Châtellerault, du canal latéral à la Loire prolongé jusqu’aux environs de cette dernière ville, et sur lequel on emploierait des bateaux rapides analogues à ceux des canaux d’Écosse.

Sur une bonne partie du trajet, au-delà de Châtellerault, c’est-à-dire entre Bayonne et Bordeaux, le chemin de fer serait fort dispendieux ; le sol des Landes est naturellement nivelé, les bois abondent. Les Landes offrent une ressemblance frappante avec la région sablonneuse, couverte de pins et inhabitée, qui forme le littoral de l’Atlantique, dans l’Amérique septentrionale, de la Chesapeake à la Floride. Il semble évident qu’un chemin de fer pourrait y être établi aux prix américains, c’est-à-dire à raison de 200,000 ou 250,000 fr. par lieue.

Quant à l’embranchement par Nantes, la Loire suffisamment perfectionnée en autoriserait l’ajournement.

La ligne de Paris vers l’Allemagne centrale par Strasbourg pourrait pareillement être remplacée en partie par la navigation à vapeur. La Marne coule dans une direction qui serait à peu près celle du chemin de fer. Douze millions ont été votés, l’an dernier, pour le perfectionnement de cette rivière, il serait possible d’effectuer les travaux de telle sorte qu’un bateau à vapeur à grande vitesse pût remonter jusqu’à Châlons, ou jusqu’à Vitry, ou même jusqu’à Saint-Dizier[9]. Cette ligne pourrait aussi se confondre, pendant une cinquantaine de lieues, à partir de Paris avec celle de la Méditerranée, en adoptant pour l’une et pour l’autre une direction moyenne qui alongerait d’une heure seulement le voyage de Marseille et qui ajouterait moins encore au voyage de Strasbourg. Enfin il serait possible de remplacer temporairement, en totalité ou en majeure partie, ce tronc commun au chemin de fer de la Méditerranée et à celui de l’Allemagne, par la Marne ou par la Seine, rendues navigables en amont de Paris pour des bateaux à vapeur à grande vitesse.

L’exécution complète d’un chemin de fer de Paris au Havre serait indispensable, c’est la seule solution possible de la grande question de Paris port de mer. La circulation des hommes est d’ailleurs extrêmement animée dans la riche vallée de la Seine.

On concevrait cependant à la rigueur que le chemin de fer ne fût voté immédiatement dès cette année qu’entre Paris et Rouen, sauf à pourvoir dans une des plus prochaines sessions à l’achèvement de la ligne. La navigation à la vapeur est très perfectionnée entre Rouen et le Havre ; La Normandie n’emploie que 7 heures 15 minutes moyennement pour faire à la descente ce trajet de trente-cinq lieues. Elle met moins de temps à la remonte, ainsi qu’il arrive sur d’autres fleuves sous l’influence de la marée ; la durée moyenne du trajet est alors de 6 heures 20 minutes. Avec un chemin de fer entre Paris et Rouen, on se rendrait de Paris au Havre en onze heures environ, et l’on en reviendrait en dix. Ce serait une amélioration sensible sur ce qui est, car en diligence le trajet dure vingt heures.

Quelques personnes ont pensé que le chemin de fer de Paris à Rouen n’était pas un de ces travaux urgens pour lesquels aucun délai n’est admissible. « N’est-il pas plus pressant, disent-elles, de rendre parfait le régime de cette belle Seine, qui déjà, dans l’état de nature, est sous le rapport de la navigabilité le premier des fleuves de France, et cette perfection est-elle donc pour la Seine si difficile à atteindre ? Faudrait-il de si grands efforts pour faire disparaître les bancs de sable qui y gênent la navigation, et pour réduire, par quelques coupures, les coudes qu’imposent ses détours multipliés ? Si moyennant 12 ou 15 millions, il est possible d’assurer en toute saison, sur la Seine, la circulation des plus grands bateaux à vapeur et de tous les autres bateaux, de diminuer de trente pour cent ou même de moitié les frais et la durée du transport des marchandises, n’est-on pas fondé à soutenir que l’amélioration de ce fleuve magnifique doit précéder l’établissement d’une voie entièrement nouvelle qui coûterait trois ou quatre fois autant et ne satisferait pas aux mêmes conditions de transport économique ? À l’aide des bateaux à vapeur et d’un chemin de fer partant de Paris pour aboutir à Poissy, par exemple, ne parviendrait-on pas à conduire promptement et à peu de frais les voyageurs de Paris à Rouen ? »

Mais en raison des nombreuses sinuosités de la Seine qui, de Poissy à Rouen, décrit un parcours de quarante et une lieues, tandis qu’il n’y en a que vingt-cinq par la route de terre, l’avantage des bateaux à vapeur serait dans ce cas presque annulé. En supposant le fleuve amélioré, il faudrait huit heures pour aller ainsi de Paris à Rouen, et onze pour remonter de Rouen à Paris. Il serait difficile d’établir au travers des coteaux qui bordent la Seine, quelques coupures qui abrégeassent sensiblement le voyage. À cause du voisinage de Paris, de la richesse de la vallée, du nombre des voyageurs qui la sillonnent, et de l’immense mouvement de marchandises et de denrées qui se dirigent par le fleuve, il y a lieu à mener de front le chemin de fer et le perfectionnement de la Seine, perfectionnement qui n’entraînerait que des frais médiocres, dont, si l’on y tenait absolument, le Trésor pourrait se couvrir au moyen d’un péage momentané. À partir de Pontoise, où il pourrait s’embrancher sur le chemin de fer du Nord, le chemin de Rouen n’aurait que vingt-cinq lieues.

Le chemin de Paris à Rouen ne suffirait pourtant pas, même pour un réseau provisoire. Quoique moins sinueuse en aval de Rouen qu’en amont, la Seine décrit encore bien des courbes entre Rouen et le Hâvre. La distance de ces deux villes est de trente-cinq lieues par eau ; elle n’est que de vingt et une par la route royale. D’ailleurs pour entrer au Hâvre ou pour passer du Hâvre en Seine, le bateau à vapeur est obligé de choisir le moment de la marée, ce qui occasionne une mobilité perpétuelle dans les heures de départ et d’arrivée. Le problème de Paris port de mer ne sera résolu que lorsque, entre le lever et le coucher du soleil, le négociant parisien pourra aller au Hâvre, y faire ses affaires et rentrer dans sa famille. Il faut pour cela que le chemin de fer soit complet de Paris à la mer.

Le chemin de fer de la Méditerranée à la mer du Nord, au lieu de venir chercher jusqu’à Lyon celui de Paris à la Méditerranée, devrait se terminer, du côté du sud, sur la Saône, au point jusques auquel de beaux bateaux à vapeur pourraient la remonter, une fois améliorée ; nous avons supposé que ce serait Saint-Symphorien. Du côté du nord, il devrait s’arrêter à Strasbourg, si le gouvernement badois réalisait son projet d’en exécuter un parallèle au Rhin jusqu’à Manheim en passant par Kehl. Comme une compagnie s’est chargée du chemin de fer de Strasbourg à Bâle, il n’y aurait plus à entreprendre qu’une ligne venant de Saint-Symphorien s’embrancher sur celui-ci à Mulhouse.

Le chemin de fer de la Méditerranée au golfe de Gascogne ou de Marseille à Bordeaux devrait de même, du côté de l’ouest, ne pas dépasser Moissac sur la Garonne, et, du côté de l’est, s’arrêter à la ville de Cette qui, infailliblement, sera, avant peu, reliée à Beaucaire par des chemins de fer appartenant à des compagnies.

Moyennant ce système, au lieu de mille vingt-quatre lieues, le réseau général des chemins de fer pourrait être provisoirement considéré comme réduit à six cent dix-huit,

Savoir :

1o  Ligne de la Méditerranée, par Lyon et Marseille :
Chemin de Paris à Saint-Symphorien 
83
108 lieues.
Id.de Marseille à Beaucaire 
25
2o  Ligne de Paris vers l’Angleterre, la Belgique et les provinces rhénanes 
109
3o  Ligne de Paris à la Péninsule, par Bordeaux et Bayonne :
Chemin de Paris à Orléans 
29
164
Id.de Tours à Bordeaux 
85
Id.de Bordeaux à Bayonne 
50
4o  Ligne de Paris vers l’Allemagne, par Strasbourg :
Chemin de Châlons ou de Vitry[10] à Strasbourg 
75
5o  Ligne de Paris à la mer :
Chemin de fer de Paris au Havre, à partir de Pontoise. 
47
6o  Ligne directe de la Méditerranée à la mer du Nord :
Chemin de Saint-Symphorien à Mulhouse 
51
7o  Ligne directe de la Méditerranée au golfe de Gascogne :
Chemin de Moissac à Cette 
64
Total 
618 lieues.

Qui coûteraient au prix de 800,000 fr. par lieue, la somme de 494,000,000 fr.

Il y aurait donc une réduction de quatre cent six lieues sur l’étendue du réseau et de 325,000,000 fr. sur la dépense.

Mais ce n’est pas tout :

Dans le calcul précédent je crois avoir accepté, sur plusieurs points, l’hypothèse la moins favorable aux réductions. Et, par exemple, je n’ai tenu compte ni de la facilité qu’il y aurait probablement à se servir de la Seine pour la communication de Paris à Marseille, ni de l’éventualité d’un canal jeté transversalement de la Loire à la Vienne, près de l’embouchure de celle-ci, canal qui permettrait de continuer le trajet par eau, au-delà de Tours jusqu’à Châtellerault. En tenant compte de ces circonstances diverses, on aurait, pour le développement réduit du réseau, le chiffre de cinq cent cinquante-neuf lieues[11] et pour la dépense probable, toujours dans le cas où l’on se déciderait en faveur d’un mode économique de construction, la somme de 447,000,000 fr.

Répétons que la dépense du réseau entier serait, avec le même mode de construction, de 819 millions, et qu’avec le mode préféré par l’administration des ponts-et-chaussées, elle s’élèverait à 1,536 millions.

Ce n’est pas tout encore :

Sans doute il conviendrait que le réseau réduit des chemins de fer fût décidé en masse. Toutefois, pendant quelques années, on pourrait différer l’ouverture des travaux sur quelques portions du territoire qui recevraient en compensation, et dès à présent, des canaux destinés à en changer la face, et dans quelques directions où le besoin d’un chemin de fer est moins pressant qu’ailleurs. Ainsi, puisqu’il est décidé que l’on établira un magnifique canal de Paris à Strasbourg, le chemin de fer qui doit relier Strasbourg à Paris n’est pas d’une extrême urgence. Les populations intéressées comprendraient aisément que l’on en retardât la construction, s’il leur était solennellement promis pour un prochain avenir. Il en résulterait une diminution de 75 lieues. Si l’on dotait la France de l’ouest des grands ouvrages de navigation qui lui sont nécessaires, l’ouverture des travaux du chemin de fer de la Méditerranée au golfe de Gascogne pourrait aussi être remise ; on pourrait également ajourner l’entreprise du chemin de fer de la Méditerranée à la mer du Nord. De là encore 115 lieues à défalquer.

Il semble aussi que le chemin de fer du Nord pourrait n’avoir, provisoirement au moins, qu’une entrée en Belgique. Il faudrait alors opter entre la direction de Valenciennes et celle de Lille. La supériorité commerciale et manufacturière de Lille et du pays qui l’entoure, et la facilité qu’il y aurait à rejoindre Calais à peu de frais, avec un embranchement partant de Lille, sont de puissans motifs de préférence que la ligne de Lille peut invoquer. Mais d’un autre côté, à cause des détours qu’elle imposerait aux voyageurs de Paris à Bruxelles, puisqu’elle obligerait à passer par Malines, elle a un grand désavantage sur le tracé rival ; elle allongerait, en effet, le trajet de vingt lieues au moins, c’est-à-dire de plus de deux heures. On n’attache aucun prix à économiser deux heures dans un voyage de longue haleine ; il est même presque indifférent de rester en route deux heures de plus ou de moins quand il s’agit d’un trajet tel que celui de Paris à Londres, qui ne peut être effectué qu’une fois dans la journée. Tout ce qui est nécessaire alors, c’est que le voyage soit aisément praticable entre le lever et le coucher du soleil, c’est-à-dire qu’alors quatorze heures et douze se valent. Mais toutes les fois que la distance est telle qu’il soit facile, moyennant certaines combinaisons, de la franchir deux fois, du matin au soir, l’hésitation n’est plus possible entre deux systèmes dont l’un permet ainsi l’aller et le retour dans les vingt-quatre heures, tandis que l’autre interdirait le double voyage. Il est donc indispensable que le chemin de Paris à Bruxelles passe par Valenciennes[12]. Mais Lille mérite un embranchement, et l’on ne saurait le lui refuser, surtout s’il veut concourir à la dépense ; d’ailleurs l’embranchement dirigé des environs de Douai sur Lille ferait partie de la route de Paris à Londres[13], ligne du premier ordre.

Le chemin de fer de Bordeaux à Bayonne semble au premier abord être l’un des tronçons dont l’ajournement serait le plus naturel, car quelle urgence y a-t-il à établir les communications les plus perfectionnées dans une région aussi misérable ? Pourquoi créer ces rapides moyens de transport pour les hommes, là où il n’y a pas d’hommes à transporter ? — Mais ce chemin de fer importe aux bonnes relations de la France et de l’Espagne ; il hâtera le jour où le défrichement des Landes sera opéré dans la limite où il est possible ; il coûterait incomparablement moins que tout autre chemin de fer ; enfin, considération qui me paraît décisive, il dispenserait le Trésor d’établir ou d’entretenir à très grands frais une route royale au travers des Landes. On sait que dans ces plaines sablonneuses il n’y a de bonnes routes que moyennant un pavage, et il faut y charroyer les pavés de fort loin.

Moyennant les nouvelles réductions qui viennent d’être signalées, le chiffre du réseau tomberait à 369 lieues, dont la dépense, à raison de 800,000 francs par lieue, serait de 295,000,000 fr.

Mais il devrait être bien entendu qu’il ne s’agit, pour le reste du réseau, que d’un ajournement à courte échéance, et qu’on ne s’y détermine qu’en vue d’éviter des embarras au Trésor et d’épargner au monde financier une perturbation qui réagirait fatalement sur toutes les branches de l’industrie nationale.

Les 369 lieues de chemin de fer seraient réparties comme il suit :

1o  Ligne de la Méditerranée, par Lyon et Marseille :
Chemin de fer de Troyes à Saint-Symphorien 
43
68 lieues.
Id.de Marseille à Beaucaire 
25
2o  Ligne de Paris vers l’Angleterre, la Belgique et les provinces rhénanes 
109
3o  Ligne de Paris à la Péninsule, par Bordeaux et Bayonne :
Chemin de Paris à Orléans 
29
145
Id.de Châtellerault à Bordeaux 
66
Id.de Bordeaux à Bayonne 
50
4o  Ligne de Paris vers l’Allemagne, par Strasbourg 
»
5o  Ligne de Paris à la mer :
Chemin de Paris au Havre, à partir de Pontoise 
47
6o  Ligne directe de la Méditerranée à la mer du Nord 
»
7o  Ligne directe de la Méditerranée au golfe de Gascogne 
»
Total. 
369 lieues.
Si l’on y ajoutait, pour la ligne de Paris vers l’Allemagne, par Strasbourg, le chemin de fer de Vitry à Strasbourg, par Metz, dont la longueur serait d’environ 
75 lieues.
Et pour la ligne directe de la Méditerranée à la mer du Nord, le chemin de fer de Saint-Symphorien à Mulhouse, dont la longueur serait de 
51
On aurait un total de 
495 lieues.

Il faut reconnaître que, pour un réseau réduit ainsi à un petit nombre de lignes de choix, 800,000 fr. par lieue ne suffiraient pas. Sur la tige principale du chemin du Nord, sur celui d’Orléans et sur celui de Paris à la mer, au moins jusqu’à Rouen, le service serait trop actif pour qu’une seule voie pût y satisfaire. Les terrains et la main-d’œuvre y coûteraient plus cher qu’ailleurs. Enfin ces trois chemins devraient être établis de manière à comporter une grande vitesse. Cependant, avec une économie bien entendue, et en tenant compte de diverses circonstances favorables, telles que la configuration aplanie du sol entre Paris et Orléans, le nivellement parfait des Landes et les bois qu’on y trouve à vil prix, et que l’on utiliserait pour la construction du chemin de fer, le réseau ramené à sa plus simple expression devrait être construit pour 338,000,000 fr.

Savoir :

1o  Ligne de la Méditerranée 
68 lieues à 800,000 fr. = 54,400,000 fr.
2o  Ligne d’Angleterre et de Belgique 
109 à 1,200,000 fr. = 130,800,000 fr.
3o  Ligne de Paris à la Péninsule
Chemin d’Orléans 
29 à 1,000,000 fr. = 29,000,000 fr.
Id.de Châtellerault à Bordeaux 
66 à 800,000 fr. = 52,800,000 fr.
Id.de Bordeaux à Bayonne 
50 à 300,000 fr. = 15,000,000 fr.
4o  Ligne de Paris à la mer
Chemin de Pontoise au Hâvre 
47 à 1,200,000 fr. = 56,400,000 fr.
Totaux 
369 lieues. fr. = 338,400,000 fr.
Si l’on ajoute pour le chemin de Vitry à Strasbourg. 
75 à 800,000 fr. = 60,000,000 fr.
Et pour celui de Saint-Symphorien à Mulhouse 
51 à 800,000 fr. = 40,800,000 fr.
On aurait le total de 
439,200,000 fr.

Rappelons que le réseau entier exécuté dans un système dont j’ai essayé d’établir la praticabilité, coûterait, au lieu des 338 millions qu’exigerait le réseau réduit, 819 millions, et que dans le système de construction proposé par les ponts-et-chaussées, la dépense serait d’au moins 1,500 millions.

Passons à l’évaluation du temps qui serait nécessaire pour traverser le pays d’une extrémité à l’autre au moyen du réseau provisoire minimum de trois cent soixante-neuf lieues, combiné avec un service de bateaux à vapeur sur les lignes navigables convenablement perfectionnées.

En admettant, ce que rigoureusement les faits déjà accomplis autorisent, sur les chemins de fer une vitesse de dix lieues à l’heure ; sur les rivières une vitesse de six lieues à la descente et de quatre à la remonte, excepté pour le Rhône où il n’est pas possible d’espérer à la remonte plus de trois lieues, même après que le fleuve aura été amélioré, on trouve que le voyage d’une extrémité à l’autre de la France, suivant les principales directions, durerait[14] :

Du Hâvre à Marseille 
42 heures. 52 minutes.
De Marseille au Hâvre 
51 32
De Lille à Bayonne 
34 6
De Bayonne à Lille 
34 6
De Lille à Nantes 
25 32
De Nantes à Lille 
28 27
De Strasbourg à Bayonne[15] 
73 47
De Bayonne à Strasbourg 
79 42
De Strasbourg à Nantes 
65 16
De Nantes à Strasbourg 
76 6
De Strasbourg à Marseille 
50 50
De Marseille à Strasbourg 
66 «
De Bordeaux à Marseille[16] 
52 33
De Marseille à Bordeaux 
48 28
De Paris à la mer 
5 24
De Paris à Calais 
8 18
De Paris à Londres 
13 18

Voici quelle est, en ce moment, dans les circonstances les plus favorables, sur les mêmes lignes, la durée du voyage par les diligences, en supposant que dans la vallée du Rhône on profite du bateau à vapeur à la descente entre Châlons et Arles, à la remonte entre Lyon et Châlons, et non compris le temps que l’on passe dans les villes où l’on change de voiture ou de véhicule, telles que Paris, Bordeaux et Lyon.

Du Hâvre à Marseille 
108 heures.
De Marseille au Hâvre 
131
De Lille à Bayonne et vice versâ 
110
De Lille à Nantes, id. 
65

De Strasbourg à Bayonne, id. 
150
De Strasbourg à Nantes, id. 
105
De Strasbourg à Marseille 
75
De Marseille à Strasbourg 
103
De Bordeaux à Marseille et vice versâ 
86
De Paris à la mer, id. 
86
De Paris à Calais, id. 
86
De Paris à Londres, id. 
86

Mais, je le répète, ce sont là des minima que, sur presque toutes les lignes, les diligences atteignent à peine pendant quelques semaines chaque année, et où rien n’est compté pour les stations obligées dans les centres intermédiaires, c’est-à-dire à Paris, à Bordeaux et à Lyon. Il se passera plusieurs années encore avant que l’état de nos routes et de nos voitures permette de réduire à ces chiffres la durée habituelle des voyages en diligences, même déduction faite de ces stations. Dans tous les cas, il convient de porter vingt-quatre ou douze heures en sus, selon les diverses lignes, pour les temps d’arrêt qu’il faut ainsi subir dans les villes où les messageries se correspondent, c’est-à-dire douze heures pour les lignes aboutissant à Nantes, et vingt-quatre pour les autres, ce qui donne pour la durée du trajet :

Du Hâvre à Marseille 
132 heures, ou 5 jours et 12 heures.
De Marseille au Hâvre 
155  6 jours et 11
De Lille à Bayonne et vice versâ 
134  5 jours et 14
De Lille à Nantes, id. 
77  3 jours et 5
De Strasbourg à Bayonne, id. 
174  7 jours et 6
De Strasbourg à Nantes, id. 
117  4 jours et 21
De Strasbourg à Marseille 
99  4 jours et 3
De Marseille à Strasbourg 
127  5 jours et 7
De Bordeaux à Marseille et vice versâ 
110  4 jours et 14

On peut cependant penser que les vitesses sur lesquelles sont basés les calculs présentés plus haut, pour les voyages par bateaux à vapeur et par chemins de fer, seront très difficiles à atteindre dans la réalité comme résultats moyens et continus. Il n’est donc pas inopportun d’établir parallèlement d’autres calculs en adoptant des hypothèses moins favorables.

Si l’on suppose une vitesse effective de huit lieues à l’heure sur les chemins de fer[17] ; de cinq lieues à la descente, et de trois et demie à la remonte sur les rivières, en maintenant cependant pour le Rhône six lieues à la descente avec trois à la remonte ; si l’on admet que dans la vallée de la Loire jusqu’à l’embouchure de la Vienne, ainsi qu’entre Tours et Châtellerault, le voyage ait lieu sur un canal latéral à la Loire prolongé de la Loire à la Vienne, à raison de trois lieues et demie dans les deux sens, rapidité que maintenant l’on dépasse notablement sur les canaux d’Écosse ; si, enfin, l’on compte un quart d’heure de retard[18] pour chaque transition de la navigation au chemin de fer et réciproquement, et, en outre, deux heures perdues par jour pour les repas ou autre cause, on arrive aux résultats suivans[19] :

Du Hâvre à Marseille 
55 heures 30 minutes
De Marseille au Hâvre 
67 45
De Lille à Bayonne 
41 45
De Bayonne à Lille 
45 »
De Lille à Nantes 
29 30
De Nantes à Lille 
33 30
De Strasbourg à Bayonne 
89 »
De Bayonne à Strasbourg 
102 »

De Strasbourg à Nantes 
77 15
De Nantes à Strasbourg 
91 »
De Strasbourg à Marseille 
59 »
De Marseille à Strasbourg[20] 
71 »
De Bordeaux à Marseille 
61 15
De Marseille à Bordeaux 
57 15

Pour se faire une idée exacte de l’économie de temps qui résulterait de l’établissement du réseau provisoire de 369 lieues, de chemins de fer combiné avec l’amélioration des lignes navigables et un service de bateaux à vapeur à grande vitesse, il n’y a qu’à comparer ces derniers nombres avec ceux précédemment cités qui indiquent la durée du voyage en diligence, ce qui se réduit à déterminer le rapport qui existe entre la durée du voyage par les moyens actuels, pour les diverses grandes lignes, telle qu’elle est évaluée au tableau ci-dessus, et le nombre d’heures nécessaires par chemins de fer et lignes navigables, tel qu’il vient d’être exposé pour les mêmes lignes. Ce rapport est tel que, si l’on représente par le même nombre 100 le temps de chaque voyage en diligence, le temps suffisant pour parcourir chacune des grandes lignes correspondantes par le système proposé, se trouvera représenté par les nombres suivans :


Tableau comparatif des vitesses obtenues avec le service actuel des messageries, et de celles que l’on obtiendrait avec le système proposé de chemins de fer et de bateaux à vapeur.
1re  Ligne.
Du Hâvre à Marseille 
41 6/10
De Marseille au Hâvre 
43 6
2e  Ligne.
De Lille à Bayonne 
31 2
De Bayonne à Lille 
33 4
3e  Ligne.
De Lille à Nantes 
38 3
De Nantes à Lille 
43 5
4e  Ligne[21].
De Strasbourg à Bayonne 
51 »
De Bayonne à Strasbourg 
58 6

5e  Ligne.
De Strasbourg à Nantes 
68 8
De Nantes à Strasbourg 
77 7
6e  Ligne.
De Strasbourg à Marseille 
59 8
De Marseille à Strasbourg 
55 9
7e  Ligne.
De Bordeaux à Marseille 
55 5
De Marseille à Bordeaux 
52 »

C’est-à-dire que pour la ligne de Lille à Bayonne, le temps du trajet serait réduit des deux tiers ; pour celle du Havre à Marseille, des trois cinquièmes.

Établissons la même comparaison pour les prix, en distinguant deux sortes de places.

Nous adopterons, pour les divers modes de transport, des prix qui paraissent très plausibles d’après les faits actuellement constatés en France et ailleurs[22]. Voici ce que coûterait le trajet pour le système mixte de viabilité proposé pour chacune des grandes lignes :


Tableau du prix des premières et des secondes places suivant les diverses diagonales tracées d’une extrémité à l’autre de la France, par chemins de fer et lignes navigables[23].
DÉSIGNATION DES LIGNES PLACES
Premières. Secondes.
1re  Ligne. — Du Hâvre à Marseille et vice versâ 
69 fr. » c. 36 fr. 10 c.
2e  Ligne. — De Lille à Bayonne 
71 fr. 40 c. 45 fr. 45 c.


3e  Ligne. — De Lille à Nantes 
43 fr. 40 c. 26 fr. 75 c.
4e  Ligne. — De Strasbourg à Bayonne 
100 fr. 40 c. 67 fr. 35 c.
5e  Ligne. — De Strasbourg à Nantes 
73 fr. 40 c. 48 fr. 65 c.
6e  Ligne. — De Strasbourg à Marseille 
62 fr. 90 c. 37 fr. 45 c.
7e  Ligne. — De Bordeaux à Marseille 
60 fr. 25 c. 40 fr. 45 c.

Par les moyens actuels les prix seraient :


Tableau du prix des places par les moyens actuels de transport, sur les diverses grandes lignes[24].
DÉSIGNATION DES LIGNES. PLACES.
Premières. Secondes.
Du Hâvre à Marseille 
107 fr. 75 c. 81 fr. » c.
De Marseille au Hâvre 
123 fr. 25 c. 92 fr. 70 c.
De Lille à Bayonne et vice versâ 
132 fr. » c. 99 fr. » c.
De Lille à Nantes, id. 
76 fr. » c. 57 fr. » c.
De Strasbourg à Bayonne, id. 
162 fr. 75 c. 121 fr. 90 c.
De Strasbourg à Nantes, id. 
106 fr. 75 c. 79 fr. 90 c.
De Strasbourg à Marseille 
85 fr. 50 c. 64 fr. 15 c.
De Bordeaux à Marseille et vice versâ 
86 fr. » c. 64 fr. 50 c.
De Paris à Calais, id. 
32 fr. 75 c. 24 fr. 55 c.

En représentant successivement par le même nombre 100 les divers prix des diverses places en diligence, on trouve que les prix des places par chemins de fer et lignes navigables seraient représentés par les nombres suivans :


Valeurs comparatives des prix des places par le système mixte proposé, les prix correspondans par les moyens actuels étant figurés par 100[25].
DÉSIGNATION DES LIGNES. PLACES.
Premières. Secondes.
Du Hâvre à Marseille et vice versâ 
64 44 5/10
De Lille à Bayonne, id. 
54 45 8/10

De Lille à Nantes, id. 
58 4/10 46 8/10
De Strasbourg à Bayonne, id. 
61 6/10 55 2/10
De Strasbourg à Nantes, id. 
68 7/10 60 8/10
De Strasbourg à Marseille, id. 
73 5/10 64 9/10
De Bordeaux à Marseille, id. 
69 7/10 62 9/10

Ainsi la réduction du prix des places serait considérable pour les voyageurs de toutes les classes. Elle le serait surtout pour les classes peu aisées. Entre le Havre et Marseille, par exemple, l’économie ne serait que d’un tiers aux premières places ; elle serait de près de trois cinquièmes aux secondes.

Pour comparer numériquement avec exactitude le système de viabilité proposé avec celui que nous possédons aujourd’hui, il faut tenir compte à la fois et de la vitesse et du prix. Si l’on admet que les titres respectifs des deux systèmes soient géométriquement proportionnels au degré de vitesse et au degré de bon marché qui leur sont propres, on trouvera qu’en adoptant le nombre 100 pour représenter successivement dans chacune des directions et à chaque sorte de places, le mérite du mode de voyager actuellement en usage, le système résultant de la combinaison du réseau minimum de chemins de fer avec les bateaux à vapeur sera représenté, pour la série des lignes et aux deux places, par la série des nombres suivans :


Tableau indiquant pour chacune des grandes lignes et pour chacune des deux sortes de places, les nombres qui représentent le degré de supériorité du système mixte proposé, en supposant que le mode de voyager actuellement en usage soit, pour les lignes et places correspondantes, représenté par 100[26]
DÉSIGNATION DES LIGNES. PLACES.
Premières. Secondes.
1re  Ligne
Du Hâvre à Marseille 
370 540
De Marseille au Hâvre 
360 520

2e  Ligne
De Lille à Bayonne 
590 700
De Bayonne à Lille 
550 650
3e  Ligne
De Lille à Nantes 
440 550
De Nantes à Lille 
390 480
4e  Ligne
De Strasbourg à Bayonne 
320 340
De Bayonne à Strasbourg 
270 310
5e  Ligne
De Strasbourg à Nantes 
220 250
De Nantes à Strasbourg 
190 210
6e  Ligne
De Strasbourg à Marseille 
230 300
De Marseille à Strasbourg 
240 310
7e  Ligne
De Bordeaux à Marseille 
270 290
De Marseille à Bordeaux 
290 300

Moyennant ce système de viabilité, nous économiserions donc notre temps et notre argent dans une proportion considérable. Nous aurions infiniment plus d’agrément et de comfort; hygiéniquement même nous y gagnerions en bien-être et en santé, car pour nous Français, race nerveuse, un voyage à pas de tortue est un supplice, et la lenteur des postillons de diligence nous agite la bile et nous fouette le sang.

D’ailleurs l’entreprise serait réalisable dans un délai de moins de dix ans; ainsi elle profiterait à d’autres qu’aux races futures. Le principe de l’hérédité est en baisse chez nous, et nos plans de travaux publics doivent porter l’empreinte de cette tendance du siècle. Lorsqu’un duc et pair, ou un conseiller au parlement, ou un simple échevin pouvaient se dire avec une confiance mêlée d’orgueil que leurs arrière-petits-enfans figureraient parmi les plus brillans seigneurs de la cour, dans les rangs d’une magistrature indépendante, ou sur le siége municipal, il était naturel de penser aux générations à venir, autant qu’à celles du présent. Aujourd’hui que, passant d’un extrême à l’autre, nous nous sommes soustraits à une immobilité cyclopéenne pour nous livrer à une débauche d’instabilité ; aujourd’hui que la notion de l’avenir semble effacée de nos cervelles, tout projet qui devrait profiter à la postérité seule ne peut plus être accueilli qu’avec froideur, sinon avec dédain. C’est donc un titre à faire valoir hautement en faveur d’un nouveau système de communications, que la facilité d’être exécuté dans le cours de peu d’années, et d’arriver à bonne fin, pourvu que l’on y consacre seulement le temps que la diplomatie moderne accorde à des négociations qui ne concluent pas et à des chapelets de protocoles qui ne finissent rien.

Ce réseau donnerait satisfaction à toutes les parties du territoire, au Midi, jusqu’à présent si négligé, tout comme au Nord, jusqu’ici privilégié, à l’Ouest comme à l’Est.

Enfin il serait de nature à être accompli moyennant une allocation annuelle de 25 millions, seulement de la part de l’état, même en supposant que l’on ne put décider les départemens et les villes à s’imposer aucun sacrifice pour jouir de ces voies extraordinaires ; car il n’y a pas d’exagération à espérer que, lorsqu’on le voudra, on rencontrera des concessionnaires qui exécuteront à leurs risques et périls le chemin d’Orléans et celui de Rouen. Il est même probable qu’on en trouverait qui prolongeraient ce dernier jusqu’à la mer, moyennant une subvention modique. Il resterait alors à exécuter au compte de l’état, dans le Nord, le chemin de fer de Londres et de Bruxelles, dans le Midi, du côté de l’Ouest, celui de Châtellerault à Bayonne, et du côté de l’Est ceux de Troyes à Saint-Symphorien, et de Beaucaire à Marseille. Ainsi les prétentions de l’esprit naissant d’entreprise seraient comblées sans que le gouvernement perdît son droit, sacré en France, de se mettre à la tête de toutes les grandes entreprises nationales, de toutes les améliorations populaires. Quant au perfectionnement des fleuves, sur la portion de leur cours qui ferait partie des grandes lignes que nous avons passées en revue, perfectionnement qu’il faut exécuter dans tous les cas, il n’exigerait pas plus de 50 millions[27], ce qui porterait à 300 millions en totalité, ou à 30 millions par an, pendant dix ans, la dépense à la charge du Trésor. Le public retrouverait les trois quarts de la somme nécessaire aux chemins de fer, par le seul effet de la diminution du prix des places et de la réduction des subsides qu’il paie aux hôteliers[28]. 300 millions, ce n’est que les deux tiers de ce que nous coûta la campagne de 1823 en Espagne !

Ce réseau ne serait pas, à beaucoup près, aussi parfait que celui qu’il est possible de concevoir lorsqu’on examine les faits des hauteurs de la théorie, et qu’il est permis aux optimistes d’espérer fermement pour une époque plus ou moins éloignée. Cependant n’est-il pas vrai, d’après ce qui précède, qu’il serait incomparablement supérieur à ce qui sert aujourd’hui au déplacement des hommes ? Ne courons pas après la perfection absolue, quand il y a, autour de nous et chez nous, tant d’imperfections désolantes ; n’aspirons de prime-saut qu’à la demi-perfection, et estimons-nous heureux si nous pouvons l’atteindre. S’il est certain qu’en nous évertuant dix ou douze ans, nous puissions arriver à ce résultat, que, tout en terminant la vaste entreprise de la canalisation complète du territoire, ce qui n’absorbera pas moins de 700 millions ; en achevant nos routes, qui en réclament 200 ; en dotant nos ports des belles constructions qui distinguent ceux de la Grande-Bretagne, nous ayons rendu aisé aux voyageurs de toutes les classes et de toutes les fortunes, de se transporter, en moins de deux jours et demi, du Havre à Marseille, et en un peu plus d’un jour et demi, de Lille à la frontière d’Espagne, il me semble que nous devrions borner là notre ambition présente, et oublier pour un moment, sauf à nous en ressouvenir plus tard, qu’avec des chemins de fer jetés de la frontière du Nord à celle du Midi, et de l’Est à l’Ouest, la France pourrait être traversée, de part en part, en vingt-quatre heures. Certes, parcourir le pays d’un bout à l’autre, en un seul jour, serait mieux que d’être obligé d’y en consacrer deux ; mais ce serait déjà bien que d’avoir réduit à deux jours un voyage auquel nos pères, il y a cinquante ans, en mettaient quinze, qui, actuellement, en prend cinq ou six à la bourgeoisie allant en diligence, et vingt-cinq à la démocratie qui chemine à pied. Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Le bien en faveur duquel j’ai essayé de plaider ici n’exclurait pas le mieux ; il le préparerait ; il redoublerait nos forces, nos ressources, et notre ardeur pour y parvenir.


Première série.[29]


No1 DISTANCES
en
lieues
de 4000 mètres

DURÉE
du trajet
en
heures et minutes

VOYAGE
ENTRE LE HÂVRE ET MARSEILLE Partielles Depuis le point de départ. Trajets
partiels.
Depuis le point de départ.
Du Hâvre à Marseille.
Du Hâvre à Paris, en chemin de fer 
54 54 5 24 5 24
De Paris à Troyes, par la Seine 
53 107 13 15 18 39
De Troyes à Saint-Symphorien, en ch. de f. 
43 150 4 18 22 57
De Saint-Symphorien à Lyon, par la Saône 
52 202 8 40 31 37
De Lyon à Beaucaire, par le Rhône 
52 1/2 254 1/2 8 45 40 22
De Beaucaire à Marseille, en chemin de fer 
25 279 1/2 2 30 42 52
Retour de Marseille au Hâvre.
De Marseille à Beaucaire, en chem. de fer 
25 25 2 30 2 30
De Beaucaire à Lyon, par le Rhône 
52 1/2 77 1/2 17 30 20 »
De Lyon à Saint-Symphorien, par la Saône 
52 129 1/2 13 » 33 »
De Saint-Symphorien à Troyes, en ch. de f. 
43 172 1/2 4 18 37 18
De Troyes à Paris, par la Seine 
53 225 1/2 8 50 46 8
De Paris au Hâvre, en chemin de fer 
54 279 1/2 5 24 51 32
No2
VOYAGE
ENTRE LILLE ET BAYONNE.
De Lille à Bayonne.
De Lille à Paris, en chemin de fer 
61 61 6 6 6 6
De Paris à Orléans, en chemin de fer 
29 90 2 54 9 »
D’Orléans à Tours, par la Loire 
29 3/4 119 3/4 7 30 16 30
De Tours à Châtellerault, par la Loire, la Vienne, et un canal de jonction entre ces deux rivières 
24 143 3/4 6 » 22 30
De Châtellereault à Bordeaux, en ch. de fer 
66 209 3/4 6 36 29 6
De Bordeaux à Bayonne, en chemin de fer 
50 259 3/4 5 » 34 6
Retour de Bayonne à Lille.
De Bayonne à Bordeaux, en chemin de fer 
50 50 5 » 5 »
De Bordeaux à Châtellereault, en ch. de fer 
66 116 6 36 11 36
De Châtellereault à Tours, par la Vienne, la Loire, et un canal de jonction entre la Loire et la Vienne 
24 140 6 » 17 36
De Tours à Orléans, par la Loire 
29 3/4 169 3/4 7 30 25 6
D’Orléans à Paris, en chemin de fer 
29 198 3/4 2 54 28 »
De Paris à Lille, en chemin de fer 
61 259 3/4 6 6 34 6

No3
VOYAGE
ENTRE LILLE ET NANTES.
De Lille à Nantes.
De Lille à Paris, en chemin de fer 
61 61 6 6 6 6
De Paris à Orléans, en chemin de fer 
29 90 2 54 9 »
D’Orléans à l'embouchure de la Vienne, par un canal latéral à la Loire 
42 3/4 132 3/4 10 42 19 42
De l’embouchure de la Vienne à Nantes, par la Loire 
35 167 3/4 5 50 25 32
Retour de Nantes à Lille.
De Nantes à l’embouchure de la Vienne, par la Loire 
35 35 8 45 8 45
De l’embouchure de la Vienne à Orléans, par un canal latéral à la Loire 
42 3/4 77 3/4 10 42 19 27
D’Orléans à Paris, en chemin de fer 
29 106 3/4 2 54 22 21
De Paris à Lille, en chemin de fer 
61 167 3/4 6 6 28 27
No4
VOYAGE
ENTRE STRASBOURG ET BAYONNE.
De Strasbourg à Bayonne.
De Strasbourg à Vitry, en diligence 
68 68 34 » 34 »
De Vitry à Paris, par la Marne 
71 139 11 50 45 50
De Paris à Orléans, en chemin de fer 
29 168 2 54 48 44
D’Orléans à Châtellereault, par la Loire, la Vienne, et un canal de jonction 
53 3/4 221 3/4 13 27 62 11
De Châtellereault à Bordeaux, en ch. de fer 
66 287 3/4 6 36 68 47
De Bordeaux à Bayonne, en ch. de fer 
50 337 3/4 5 » 73 47
Retour de Bayonne à Strasbourg.
De Bayonne à Bordeaux, en ch. de fer 
50 50 5 » 5 »
De Bordeaux à Châtellereault, en ch. de fer 
66 116 6 36 11 36
De Châtellereault à Orléans, par la Vienne, la Loire, et un canal de jonction 
53 3/4 169 3/4 13 27 25 3
D’Orléans à Paris, en chemin de fer 
29 198 3/4 2 54 27 57
De Paris à Vitry, par la Marne 
71 269 3/4 17 45 45 42
De Vitry à Strasbourg, en diligence 
68 337 3/4 34 » 79 42


No5
VOYAGE
ENTRE STRASBOURG ET NANTES.
De Strasbourg à Nantes.
De Strasbourg à Vitry, en diligence 
68 68 34 » 34 »
De Vitry à Paris, par la Marne 
71 139 11 50 45 50
De Paris à Orléans, en chemin de fer 
29 168 2 54 48 44
D’Orléans à l'embouchure de la Vienne, par un canal latéral à la Loire 
42 3/4 210 3/4 10 42 59 26
De l’embouchure de la Vienne à Nantes, par la Loire 
35 3/4 245 3/4 5 50 65 16
Retour de Nantes à Strasbourg.
De Nantes à l’embouchure de la Vienne, par la Loire 
35 35 8 45 8 45
De l’embouchure de la Vienne à Orléans, par un canal latéral à la Loire 
42 3/4 77 3/4 10 42 19 27
D’Orléans à Paris, en chemin de fer 
29 106 3/4 2 54 22 21
De Paris à Vitry, par la Marne 
71 177 3/4 17 45 40 6
De Vitry à Strasbourg, en diligence 
68 245 3/4 34 » 74 6


Deuxième série.[30]


No6 DISTANCES
en
lieues
de 4000 mètres

DURÉE
du trajet
en
heures et minutes

VOYAGE
ENTRE LE HÂVRE ET MARSEILLE Partielles Depuis le point de départ. Trajets
partiels.
Depuis le point de départ.
Du Hâvre à Marseille.
Du Hâvre à Paris 
54 54 6 45 6 45
De Paris à Marseille 
225 1/2 279 1/2 43 » 49 45
Pour les changements de chemins de fer en rivières, et réciproquement 
» » 1 15 51 »
Pour les repas et autres temps d’arrêt, à raison de 2 heures par 24 heures 
» » 4 30 55 30
Retour de Marseille au Hâvre.
De Marseille à Paris 
225 1/2 225 1/2 53 45 53 45
De Paris au Hâvre 
54 279 1/2 6 45 60 30
Pour les changements de chemins de fer en rivières, et réciproquement 
» » 1 15 61 45
Pour les repas et autres temps d’arrêt, à raison de 2 heures par 24 heures 
» » 6 » 67 45
No7
VOYAGE
ENTRE LILLE ET BAYONNE.
De Lille à Bayonne.
De Lille à Paris 
61 61 7 38 7 38
De Paris à Bayonne 
198 3/4 259 3/4 30 22 38 »
Pour les changements de rivière ou de canal en chemins de fer, et réciproquement 
» » » 45 38 45
Pour les repas et autres temps d’arrêt, à raison de 2 heures par 24 heures 
» » 3 » 41 45
Retour de Bayonne à Lille.
De Bayonne à Paris 
198 3/4 198 3/4 33 7 33 7
De Paris à Lille 
61 259 3/4 7 38 40 45
Pour les changements de rivière ou de canal en chemins de fer, et réciproquement 
» » » 45 41 30
Pour les repas et autres temps d’arrêt, à raison de 2 heures par 24 heures 
» » 3 30 45 »

No8
VOYAGE
ENTRE LILLE ET NANTES.
De Lille à Nantes.
De Lille à Paris 
61 61 7 38 7 38
De Paris à Nantes 
106 3/4 167 3/4 19 18 26 56
Pour les changements de rivière en chemin de fer, et réciproquement 
» » » 30 27 24
Pour les repas et autres temps d’arrêt 
» » 2 6 29 30
Retour de Nantes à Lille.
De Nantes à Paris 
106 3/4 106 3/4 22 30 22 30
De Paris à Lille 
61 167 3/4 7 38 30 8
Pour les changements de rivière en chemin de fer, et réciproquement 
» » » 30 30 38
Pour les repas et autres temps d’arrêt 
» » 2 52 33 30
No9
VOYAGE
ENTRE STRASBOURG ET BAYONNE.
De Strasbourg à Bayonne.
De Strasbourg à Paris 
139 139 51 » 51 »
De Paris à Bayonne 
1098 3/4 337 3/4 30 22 81 22
Pour les changements de moyens de transport 
» » 1 » 82 22
Pour les repas et autres temps d’arrêt 
» » 6 38 89 »
Retour de Bayonne à Strasbourg.
De Bayonne à Paris 
198 3/4 198 3/4 33 7 33 7
De Paris à Strasbourg 
139 337 3/4 60 40 93 47
Pour les changements de moyens de transpor 
» » 1 » 94 47
Pour les repas et autres temps d’arrêt 
» » 7 13 102 »

No10
VOYAGE
ENTRE STRASBOURG ET NANTES.
De Strasbourg à Nantes.
De Strasbourg à Paris 
139 139 51 » 51 »
De Paris à Nantes 
106 3/4 245 3/4 19 18 70 18
Pour les changements de moyens de transport 
» » » 45 71 3
Pour les repas et autres temps d’arrêt 
» » 6 12 77 15
Retour de Nantes à Strasbourg.
De Nantes à Paris 
106 3/4 106 3/4 22 30 22 30
De Paris à Strasbourg 
139 245 3/4 60 40 83 10
Pour les changements de moyens de transport 
» » » 45 83 55
Pour les repas et autres temps d’arrêt 
» » 7 5 91 »


Michel Chevalier
  1. Cet article et celui relatif aux chemins de fer qui a été inséré dans notre no du 15 mars sont extraits d’un Mémoire lu par l’auteur à l’Académie des Sciences morales et politiques, dans les séances des 10 et 17 mars.
  2. Le réseau des chemins de fer tel que l’administration le conçoit et qu’elle l’a fait connaître dans l’exposé des motifs de la loi présentée le 15 février ne différait de ce qui est indiqué ici qu’en ce qu’il comprend une ligne de plus, celle de Paris à Toulouse, par le centre de la France. Cette ligne serait d’une exécution fort difficile, et son utilité est fort contestable.
  3. On vient de reconstruire en Angleterre trois bateaux à vapeur destinés à faire le service entre New-York et les ports anglais de Londres, de Liverpool et de Bristol. Le départ de celui de Londres a eu lieu le 28 mars.

    L’opinion publique s’est occupée en Angleterre de la révolution qui surviendrait dans l’importance relative des divers ports nationaux, si la navigation à vapeur parvenait à s’organiser régulièrement et économiquement d’un bord de l’Atlantique à l’autre. Il a paru évident aux hommes les plus compétens que les ports situés sur la côte occidentale de l’Irlande lutteraient alors avec un avantage marqué contre ceux du canal Saint-George, qui sépare l’Irlande de la Grande-Bretagne, et que, par exemple, tel petit port irlandais obscur aujourd’hui, comme celui de Valentia, éclipserait peut-être alors Liverpool lui-même.

  4. Il y a un an, l’administration admettait des pentes de 5 millièmes, et des rayons de courbure de 500 mètres.
  5. Il est très fréquent de rencontrer sur des chemins de fer américains, desservis par des machines locomotives, des pentes de 40 à 50 pieds par mille anglais (7 1/2 à 9 4/10 millièmes). Dans quelques cas, on y établit des pentes doubles où cependant le service a lieu par locomotives. Sur le chemin de Liverpool, il y a une pente de 11 millièmes 4/10 desservie par locomotives ; sur ce même chemin, M. Minard mentionne une pente qui va à 22 millièmes, mais qui est munie d’une machine fixe, et traitée par conséquent comme un plan incliné.
  6. Sur la plupart des chemins de fer américains, on admet des courbes de moins de 1000 pieds (300 mètres) de rayon. Sur le chemin de Baltimore à l’Ohio, il y a beaucoup de courbes de 400 à 600 pieds anglais (120 à 180 met.). Il y en a même une de moins de 300 pieds (90 met.). Cependant sur ce chemin on emploie des locomotives ; il a fallu seulement rechercher pour ces machines quelques dispositions particulières qui remédient à tout danger. Les expériences récentes de M. Laignel ont démontré que, par une combinaison simple et ingénieuse, il était possible de conserver une grande vitesse, celle de 9 lieues à l’heure, par exemple, sur des courbes de 500 mètres de rayon.
  7. En matière de devis, il arrive fréquemment que l’on fasse un raisonnement tel que celui-ci : « Si l’on vise à l’économie du capital, on pourra effectuer telle portion de chemin de fer avec une dépense de 1,200,000 fr. au lieu de 1,500,000 ; mais alors la dépense de traction sera augmentée annuellement de 20,000 francs. En déboursant une fois pour toutes 300,000 fr. de plus pour frais de premier établissement, on évitera donc un déboursé annuel de 20,000 fr. Ainsi, en consentant à ajouter ces 300,000 fr. à la dépense primitive, on se trouvera avoir placé 300,000 fr. à 6 2/3 p. 100, ce qui est un excellent placement qu’il y aurait duperie à refuser. » Cette manière de raisonner est exacte quand il s’agit de petites sommes ; mais elle cesse de l’être lorsqu’il est question de 3 ou 400 millions, car elle suppose qu’il existe dans le pays une masse de capitaux indéfinis où il est possible de puiser ad libitum, comme dans l’Océan, sans qu’il en résulte de perturbation. Or, c’est une hypothèse tout-à-fait gratuite. La quantité des capitaux que l’on peut sans inconvénient distraire du marché financier est bornée en tout pays ; elle l’est particulièrement là où, comme en France, les institutions de crédit existent à peine et où l’organisation des capitaux est défectueuse.

    Au surplus, l’augmentation des frais courans d’un chemin de fer, à laquelle on se soumettrait, en adoptant sur quelques points des pentes supérieures à 3 ou même à 5 millièmes, et des courbes de moins de 1000 mètres ou même de 500 mètres de rayon, serait proportionnellement de beaucoup au-dessous de ce que j’ai supposé dans l’exemple ci-dessus. Avec des courbes d’un petit rayon, on est simplement astreint à ralentir la marche des convois pendant le court instant qu’on passe sur les courbes ; il paraît même qu’avec le système de M. Laignel, on pourrait se dispenser de cette précaution. Avec des pentes de plus de 3 millièmes, qui seraient maintenues sur une certaine longueur, la dépense additionnelle se réduirait, au cas où l’on voudrait conserver partout la même vitesse, à celle d’une machine de renfort qu’on attacherait aux convois pour monter la rampe, tout comme les rouliers prennent un cheval de renfort quand ils ont une côte à gravir. Il y a même des combinaisons de service qu’il serait trop long de détailler ici, et qui diminueraient cette dépense dans une forte proportion. Telles sont celles que j’ai vu recommander à la compagnie du chemin de fer de New-York au lac Érié par une commission d’ingénieurs composée de MM. M. Robinson de Philadelphie, B. Wright de New-York, et J. Knight de Baltimore.

  8. Le canal latéral au Saint-Laurent a 42 mètres 50 centimètres de large à la ligne d’eau et 3 mètres d’eau ; ses écluses ont 61 met. de long et 16 met. 70 centimet. de large. Le canal Calédonien a 37 met. de large et 6 met. 80 centimet. de profondeur ; ses écluses ont 52 met. 40 centimet. de long et 12 met. 20 centimet. de large. Le canal d’Amsterdam au Helder a 38 met. de large et 6 met. 20 centimet. de profondeur.
  9. L’administration voulait établir les écluses nécessaires à la canalisation de la Marne sur de belles dimensions, afin que les grands bateaux de la Basse-Seine pussent parcourir la Marne canalisée. Elle proposait, dans le projet de loi de 1837, de leur donner 7 mètres 80 centimètres de largeur. La commission de la chambre des députés n’approuva pas ce plan, et, conformément à sa proposition, l’allocation demandée par le ministre des travaux publics fut réduite à ce qu’il fallait pour construire des écluses larges seulement de 5 mètres 20 centimètres. On serait encore à temps de revenir à l’idée des ponts-et-chaussées, puisque les travaux ne sont pas en cours d’exécution.

    D’après le plan adopté, la Marne sera remplacée, sur un développement assez étendu, par un canal latéral. Si l’on voulait faire de cette rivière une ligne praticable pour de beaux bateaux à vapeur, il faudrait creuser le canal sur une plus grande largeur. La construction d’un canal de 23 mètres de largeur n’a rien dont on doive s’effrayer. Nous avons déjà dit que la province du Haut-Canada, qui n’a pas une seule grande ville, où les capitaux sont fort rares, et dont la population totale est à peine égale à la population moyenne de nos quatre-vingt-six départemens (400,000 âmes), avait entrepris et avancé l’exécution d’un canal dont la largeur va à 42 mètres 50 cent.
  10. Il serait possible qu’au lieu d’être dirigée par la vallée de la Marne, cette ligne dût remonter la vallée de la Seine, et se confondre ainsi, sur une certaine distance, avec celle de Paris à la Méditerranée. Dans ce cas, l’économie resterait à peu près la même.
  11. En retranchant du chiffre précédent de 618 lieues : 1o  la distance de Tours à Châtellerault, qui forme 19 lieues sur le chemin de fer de Paris à la Péninsule ; 2o  40 lieues sur le chemin de Paris à la Méditerrannée, pour la distance comprise entre Paris et Troyes.
  12. De ce point de vue, le tracé par Saint-Quentin présenterait un léger avantage sur celui qui passe par Amiens. Suivant M. Vallée, en admettant que les deux tracés se confondissent entre Paris et Creil, la différence serait d’une lieue et demie au moins, dans un cas, et de trois lieues dans une autre hypothèse.
  13. En établissant un embranchement direct d’Amiens sur Boulogne et Calais, le trajet de Paris à Boulogne serait plus court de 23 lieues, c’est-à-dire d’environ 2 heures et demie, que par Lille. Celui de Paris à Calais serait par là raccourci de 14 lieues, c’est-à-dire d’une heure et demie. Le chemin de fer d’Amiens à la mer aurait, jusqu’à Calais, 40 lieues ; jusqu’à Boulogne, 32 lieues et demie. Celui de Lille à Calais aurait 26 lieues. Mais, moyennant une nouvelle ramification de 6 lieues et demie, le chemin de fer de Calais à Lille desservirait le port important de Dunkerque ; il pourrait même être tracé de manière à passer par Dunkerque, sans être allongé de plus de deux lieues.
  14. Voir à la fin de l’article les tableaux de la première série, nos 1, 2, 3, 4 et 5.
  15. En supposant le chemin de fer de Vitry à Strasbourg, le trajet sur les lignes aboutissant à Strasbourg, celle de Marseille exceptée, serait raccourci de 26 heures 30 minutes, et durerait :

    De Strasbourg à Bayonne 
    47 heures. 17 minutes.
    De Bayonne à Strasbourg 
    33 12
    De Strasbourg à Nantes 
    38 46
    De Nantes à Strasbourg 
    47 36

  16. En supposant le chemin de fer complet de Cette à Beaucaire, ce qui ne peut manquer d’être effectué, car le chemin de fer de Cette à Montpellier se construit. Celui de Nîmes à Beaucaire fait partie du chemin d’Alais à Beaucaire, actuellement en construction, et celui de Nîmes à Montpellier fait l’objet d’une demande en concession de la part de capitalistes sérieux.
  17. Pour le Hâvre et pour le Nord, il conviendrait cependant que le service fût organisé spécialement sur le pied de 10 lieues à l’heure. À cause des temps d’arrêt à Calais et à Douvres, le trajet de Paris à Londres se ferait alors en quatorze heures.
  18. Un quart d’heure serait plus que suffisant pour le passage des voyageurs d’un bateau à vapeur au chemin de fer et vice versâ, et pour le transbordement de leur bagage. En Amérique, cette combinaison des bateaux à vapeur et des chemins de fer se présente sur plusieurs lignes très fréquentées, telles que celles de New-York à Philadelphie et à Boston, et de Philadelphie à Baltimore. On va de New-York à Philadelphie au moyen de deux bateaux à vapeur, l’un dans la baie de New-York, l’autre sur la Delaware, et d’un chemin de fer jeté de South-Amboy (baie de New-York) à Bordentown sur la Delaware. De même entre Philadelphie et Baltimore, les voyageurs sont transportés par deux bateaux à vapeur allant et venant, l’un sur la Delaware, l’autre sur la Chesapeake, et aboutissant aux deux extrémités d’un chemin de fer traversant l’isthme qui sépare la Chesapeake de la Delaware. Chacun des changemens de véhicule ne prend ordinairement que 8 à 10 minutes tout compris, et quelquefois moins, quoiqu’il y ait chaque fois de 300 à 600 voyageurs. Tout s’opère cependant sans précipitation et dans le plus grand ordre. Avant de se rendre du bateau à vapeur au chemin de fer, chaque voyageur reçoit un billet indiquant le numéro de la voiture et de la section de voiture qui lui est destinée ; quant au bagage, il se transporte du bateau au chemin de fer et vice versa sans embarras, sans chance de perte, et en un clin d’œil, au moyen d’une disposition bien simple : au départ de New-York, par exemple, les effets des voyageurs qui vont à Philadelphie sont réunis dans un ou deux grands coffres. Quand le bateau est arrivé à sa destination, à South-Amboy, une grue, plantée sur le bord de l’eau, au débarcadère, enlève les coffres un à un et les place chacun sur une plate-forme munie de roues et se mouvant comme un wagon sur le chemin de fer. Ailleurs on se dispense de cette grue ; les coffres, à bord du bateau, sont posés sur une plate-forme que l’équipage du bateau fait rouler sur un plancher établi à cet effet sur le débarcadère, jusqu’au chemin de fer, lequel est immédiatement contigu au rivage. Le bagage des voyageurs, toujours en petit nombre, qui doivent s’arrêter aux points intermédiaires, est casé à part.
  19. Voir à la fin de l’article les tableaux de la deuxième série, nos 7, 8, 9 et 10.
  20. En supposant un chemin de fer entre Strasbourg et Vitry sur la Marne, et un autre de Saint-Symphorien à Mulhouse, le trajet sur les lignes aboutissant à Strasbourg durerait :

    De Strasbourg à Bayonne 
    60 heures » minutes
    De Bayonne à Strasbourg 
    69 40
    De Strasbourg à Nantes 
    45 40
    De Nantes à Strasbourg 
    55 30
    De Strasbourg à Marseille 
    56 »
    De Marseille à Strasbourg 
    49 30

  21. Pour les lignes aboutissant à Strasbourg et à Marseille, nous avons supposé que le chemin de fer de Vitry à Strasbourg, et celui qui, partant de Saint-Symphorien, irait rejoindre à Mulhouse le chemin de fer de Bâle à Strasbourg, ne seraient pas exécutés. Avec ces deux chemins, le temps nécessaire pour parcourir les lignes nos  4, 5 et 6 diminuerait et les nombres proportionnels correspondant à ces lignes deviendraient :

    4e  Ligne.
    De Strasbourg à Bayonne 
    34 5
    De Bayonne à Strasbourg 
    40 «
    5e  Ligne.
    De Strasbourg à Nantes 
    39 «
    De Nantes à Strasbourg 
    47 2
    6e  Ligne.
    De Strasbourg à Marseille 
    35 «
    De Marseille à Strasbourg 
    39 «
  22. D’après ce qui a lieu chez nous, et d’après ce qui se passe chez d’autres peuples, on peut évaluer comme il suit les prix des places en France avec les divers moyens de transport, pour une lieue :

    Premières Secondes
    Diligences 
    50 c. 50 à 40
    Chemins de fer 
    25 à 30 15 à 20
    Bateaux rapides des canaux 
    25 à 30 15 à 20
    Bateaux à vapeur 
    20 à 25 8 à 12

    C’est sur ces bases que les prix, indiqués ici, ont été calculés pour chaque sorte de places, en prenant dans chaque cas la moyenne entre les termes extrêmes. Ainsi pour les premières places des chemins de fer, par exemple, le chiffre qui a été adopté est celui de 27 cent. et demi par lieue.

  23. Les prix indiqués dans ce tableau supposent que les chemins de fer de Vitry à Strasbourg, et de Saint-Symphorien à Mulhouse, ne seraient pas exécutés, et que le trajet pour ces portions de la route se ferait en diligence.

    Si les chemins de fer de Mulhouse à Saint-Symphorien et de Strasbourg à Vitry étaient construits, les prix sur les lignes 4, 5 et 6 deviendraient :

    De Strasbourg à Bayonne, et vice-versâ 
    87 00 55 00
    De Strasbourg à Nantes, id. 
    60 00 36 30
    De Strasbourg à Marseille, id. 
    51 00 28 35

  24. Entre Strasbourg et Marseille, nous avons supposé que les voyageurs feraient par bateau à vapeur le trajet à la descente, de Châlons à Arles, et celui à la remonte de Lyon à Châlons. C’est ce qui a lieu aujourd’hui.
  25. Si les chemins de fer de Strasbourg à Vitry et de Mulhouse à Saint-Symphorien étaient exécutés, les nombres proportionnels deviendraient pour les lignes qui aboutissent à Strasbourg :

    De Strasbourg à Bayonne et vice-versâ 
    53 4/10 45
    De Strasbourg à Nantes 
    54 1/10 45 4/10
    De Strasbourg à Marseille 
    60 4/10 44 2/10

  26. Si les chemins de fer de Mulhouse à Saint-Symphorien et de Strasbourg à Vitry étaient exécutés, ces nombres changeraient pour les lignes 4, 5 et 6, et deviendraient :

    De Strasbourg à Bayonne 
    470 500
    De Bayonne à Strasbourg 
    340 400
    De Strasbourg à Nantes 
    370 420

    De Nantes à Strasbourg 
    350 380
    De Strasbourg à Marseille 
    370 450
    De Marseille à Strasbourg 
    340 410

  27. En effet, l’ensemble des lignes navigables comprises dans le système de viabilité exposé ici n’aurait que 192 1/2 lieues de développement, savoir :

    Seine : de Troyes à Paris 
    53 lieues.
    Rhône : de Lyon à Beaucaire 
    65 1/2
    Loire : de l’embouchure de la Vienne à Nantes 
    35
    Garonne : de Moissac à Langon 
    39
    Total 
    192 1/2

    À raison de 230,000 fr. par lieue, chiffre élevé, l’amélioration de ces portions de fleuves, dans leur lit, coûterait 48,125,000 fr.

    Nous ne comptons pas ici la Saône, parce que les fonds nécessaires pour la perfectionner ont été votés l’an dernier, ni le canal latéral à la Loire, parce que c’est un des premiers ouvrages qui doivent être proposés aux chambres.

    Nous pourrions faire remarquer aussi que déjà la Garonne, la Loire et le Rhône reçoivent, sur le budget ordinaire des ponts et chaussées, des allocations annuelles de 1,000,000 fr. pour la Garonne, de 1,100,000 fr. pour la Loire et de 800,000 fr. pour le Rhône, et que l’amélioration de la Seine de Paris à Nogent a été, l’an dernier, l’objet d’un vote de 1,170,000 fr.

  28. Lorsque l’on pourrait se rendre en deux jours moyennement et à très peu de frais d’une extrémité à l’autre de la France, le nombre des voyageurs augmenterait dans une forte proportion. En ne comptant que 1000 voyageurs par jour dans toutes les directions réunies et en n’évaluant l’économie qu’à 50 francs par voyageur, l’économie totale pour un an serait de 18 millions.
  29. Dans ce tableau et dans les autres de la première série, la vitesse sur les chemins de fer est supposée de 10 lieues à l’heure : sur les rivières, elle est comptée sur le pied de 6 lieues à la descente et de 4 lieues à la remonte. Pour le Rhône, on n’admet à la remonte qu’une vitesse de 3 lieues. Pour la Loire et la Vienne, on a supposé une vitesse moyenne de 4 lieues à la descente et à la remonte ; mais, à partir de l’embouchure de la Vienne, on a calculé pour la descente de la Loire sur le pied de 6 lieues à l’heure.
  30. Dans les tableaux de la deuxième série, la vitesse est supposée, sur les chemins de fer, de 8 lieues à l’heure ; sur les rivières, de 5 à la descente et de 3 et demie à la remonte, excepté sur le Rhône, où l’on n’a compté que sur 3 lieues à la remonte en maintenant l’hypothèse de 6 lieues à la descente, et sur la Loire, où l’on n'a compté que sur 3 lieues et demie dans les deux sens jusqu’à l’embouchure de la Vienne.