Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre/I/V/Sec 2/Art 3

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Art. III. — Mortalité.

Il est mort, du 1er janvier au 31 décembre 1839, 164 aliénés.

Dans ce chiffre se trouvent nécessairement compris les malades entrés dans l’année, et ceux qui, dans la division, depuis plus ou moins de temps, ont succombé au progrès de la folie ou à des maladies intercurrentes. Plus tard, nous distinguerons ceux qui dans ce nombre avaient été admis cette année, afin d’établir des rapports plus exacts et plus précis.

Quoi qu’il en soit, il ne sera pas sans intérêt d’examiner la relation qui existe entre le chiffre des admissions et celui des décès.

ANNÉES. CHIFFRE
des admissions.
NOMBRE
des morts.
1831 406 160
1832 471 252
1833 460 135
1834 491 183
1835 510 201
1836 556 225
1837 547 223
1838 522 178
1839 549 164

Nous avons cherché à connaître la proportion moyenne des décès de ces neuf années ; pour l’obtenir, nous avons ajouté au nombre des admissions de chacune d’elles celui des malades existant dans la division au 1er janvier.

Années. Admissions. Malades
restant
au
1er janvier.
Total. Chiffre
des morts.
Proportions.
1831 406 736 1142 160 1 sur 7,13
1832 471 779 1240 252 1 sur 4,91
1833 460 726 1186 135 1 sur 8,77
1834 491 764 1255 183 1 sur 6,80
1835 510 779 1289 201 1 sur 6,41
1836 556 780 1336 225 1 sur 5,98
1837 547 818 1365 223 1 sur 6,12
1838 522 831 1352 178 1 sur 7,60
1839 549 864 1413 164 1 sur 8,61

On voit que la mortalité est en raison du nombre des admissions, et qu’elle s’accroît à mesure qu’il s’élève ; il faut remarquer qu’en 1832 elle est beaucoup plus considérable qu’en 1831 ; l’épidémie du choléra rend compte de cette brusque augmentation, qui ne se fait pas sentir dans les années subséquentes. En 1838 et 1839, le chiffre des décès ne croît plus dans la même proportion, et il semblerait qu’il va suivre une progression décroissante ; doit-on chercher l’explication de ce fait dans la température assez égale de ces deux années, dans leur constitution médicale ou dans le nombre plus ou moins grand des paralytiques qui auraient été reçus ?

Doit-on l’attribuer au traitement mis en usage, ou aux améliorations apportées chaque jour dans les conditions hygiéniques de nos aliénés ? Peut-être toutes ces causes ont-elles une part distincte dans l’heureux résultat que nous nous empressons de noter ici.

Comparons maintenant la moyenne de la mortalité des autres auteurs.

MM. Esquirol, 1 sur 2,9
Desportes (Bicêtre), de 1825 à 1828, 1 sur 6,51
de 1831 à 1833, 1 sur 6,81
de 1828 à 1830, 1 sur 7
Bonacossa, 1 sur 3,1/2
Bouchet, 1 sur 10,25
Bertolini, 1 sur 11,
Rech, 1 sur 12,
De Boutteville, 1 sur 12,1
Vastel, 1 sur 13,2
À Gand, 310 sur 1,000
À Ghell, Tournay, Louvain, Anvers,
Termonde, Bruges,
405 sur 1,000
À Amsterdam, 485 sur 1,000

Voici l’ordre dans lequel se placent les différents hôpitaux suivant la fréquence de la mortalité dans chacun d’eux :

Charenton,
Turin (Bonacossa),
Bicêtre,
Nantes,
Turin (Bertolini),
Rouen et Montpellier,
Caen.

Nous n’avons donné que les proportions obtenues chez les hommes partout où elles ont été distinguées (Bicêtre, Charenton, Nantes, Rouen), afin de mieux établir les termes de comparaison ; dans ces établissements, ainsi que dans celui de Caen, on a opéré de la même manière que nous. Nous ignorons le procédé employé par les auteurs des statistiques d’Italie et des Pays-Bas ; le chiffre de la mortalité à Bicêtre n’a jamais été au delà de 1 sur 8. Si quelques hôpitaux d’aliénés annoncent une moyenne plus favorable (à Caen et Montpellier, par exemple), c’est que le mouvement y est moins actif, le nombre des déments paralytiques moins grand.

Nous croyons faire une chose utile en cherchant le rapport qui existe entre le nombre de nos aliénés admis cette année et celui des morts qu’ils ont donné.

Sur 549 malades admis cette année, 84 sont morts, c’est-à-dire 1 sur 6,53.

Ce chiffre est nécessairement plus fort que celui que nous avons obtenu par l’autre opération, puisque les déments paralytiques, qui donnent le plus grand nombre de décès, sont presque sans exception admis dans l’année.

Il faut insister ici sur la part que prennent dans la mortalité les malades évacués des hôpitaux. Sur 91 aliénés envoyés des différents hôpitaux de Paris à Bicêtre, 30, à l’époque où nous écrivons, sont déjà décédés. Deux d’entre eux ont été amenés dans un état tellement grave que, malgré tous les soins qui leur ont été prodigués, ils sont morts la nuit même qui a suivi leur admission, et plusieurs autres ont à peine vécu 7 à 8 jours.

On peut voir que le chiffre de la mortalité dans notre division, et pour toutes les maisons d’aliénés en général, tient le milieu entre celui des hôpitaux et celui des prisons. En effet, les individus qui s’y trouvent mènent une vie qui a beaucoup d’analogie avec celle des détenus, en même temps que, comme dans les hôpitaux destinés au traitement des maladies aiguës, ils y apportent avec eux des chances de mort, dues aux désordres cérébraux qu’ils présentent.

Suivant M. Villermé, la mortalité moyenne, pour toutes les prisons de Paris, en y comprenant le dépôt de mendicité, a été :

De 15,50 de 1815 à 1818.

Elle avait été

De 10,01 de 1819 à 1825.

À l’Hôtel-Dieu, d’après M. Bouchardat, elle aurait été

De 1 sur 4 93/100 de 1804 à 1814,
Et de 1 sur 5 [illisible]/100 en 1836.

Dans les recherches statistiques sur Paris, M. Villot, en réunissant les décès à domicile à ceux des hôpitaux et hospices, trouve que la mortalité est de :

1 sur 32 42/100 pendant la période de 1817 à 1821,
Et de 1 sur 36 44/100 pendant la période de 1822 à 1826.

Si l’on retranche les décès des hôpitaux et hospices, elle est de

1 sur 51 de 1817 à 1821,
Et de 1 sur 56 de 1822 à 1826.