Recueil des lettres missives de Henri IV/1571/6 août ― À mon cousin, monsieur le marquis de Villars

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[1571.] — 6 août.

Orig. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8766, fol. 4 recto.

À MON COUSIN, MONSR LE MARQUIS DE VILLARS,

LIEUTENANT POUR LE ROY MON SEIGNEUR, AU GOUVERNEMENT DE GUYENNE, EN MON ABSENCE.

Mon Cousin, Sur l’advertissement que j’eus dernierement de l’arrest et detention que l’on avoit faict de quelques soldats qui s’en venoient à la ville de la Rochelle pour me trouver, suivant le mandement que j’en avois auparavant faict au sr de Pilles[1], de les amasser et m’envoyer, et que la court de parlement de Bourdeaulx s’estoit saisie de la cognoissance de ce fait, tout incontinent je despeschay vers le Roy pour luy faire entendre entierement le faict ; le suppliant qu’en conservant l’auctorité et dignité dont il luy a pleu m’honorer de gouverneur en ce pays, il lui plust interdire à ladicte court la cognoissance de ce fait et l’evoquer à soy. Ce que je m’attends qu’il fera, suivant mesmement la recharge que j’en ay faicte par ledict sr de Pilles, qui est allé trouver Sa Majesté despuis quatre ou cinq jours en çà. Et pour ce, mon Cousin, que j’ay entendu que puis n’aguaires vous avés mandé à ladicte court de parlement de commander au lieutenant criminel de Guyenne qu’il eust à faire et parfaire le proces à l’encontre de ces soldats (ce que j’estime, mon Cousin, que vous avez faict, n’ayant sceu ni entendu que lesdicts soldats se fussent acheminés par mon commandement et ordonnance, et que par adventure l’on ne vous aura pas à la verité faict entendre la modestie de leur acheminement, comme j’en suis bien asseuré, aussy que n’avés sceu que j’en eusse escript à Sadicte Majesté, de laquelle ladicte court en attend, de jour à aultre, son intention et juste volonté), je vous ay bien voulu faire ce mot pour vous prier, mon Cousin, craignant que ceulx de ladicte court de parlement ne pensent que avés, despuis ma despesche faicte à Sa Majesté, eu mandement d’elle de faire ce que vous leur mandés, de vouloir incontinent escrire à ladicte court de parlement de suppercedder et faire suppercedder par ledict lieuctenant criminel et tous aultres, toutes proceddures qui pourroient estre faictes à l’encontre desdicts soldatz pour raison de leurdict acheminement. Ce que je m’asseure, mon Cousin, que vous ferez d’aultant plus volontiers que vous cognoissez qu’il iroit en cecy du mespris de mon auctorité ; aussy qu’il ne seroit bien seant que entre vous et moy il se peust recognoistre qu’il y eust contrarieté, comme indubitablement ladicte court de parlement le pourroit juger (luy ayant mandé, lorsque je faisoy la despesche au Roy, de suppercedder jusques à ce qu’il luy eust pleu leur en faire entendre son bon voulloir) s’ilz ne voyent que vous leur escrivez et faictes entendre ce que dessus. Je leur en fais encores une bonne recharge, affin qu’ils ne passent oultre, comme je me veulx bien persuader qu’ilz sont si bons serviteurs du Roy et veullent bien tant respecter mon auctorité et dignité, qu’ils s’en abstiendront jusques à ce qu’aultrement Sa Majesté y ait pourveu. Qui est tout ce que je vous puis dire pour ceste heure, se n’est de vous prier derechef vouloir promptement envoyer ladicte lettre à ladicte court. Et sur ce je feray fin pour prier Dieu qu’il vous ait, mon Cousin, en sa tres saincte et digne garde. De la Jarrye pres la Rochelle, ce vje aoust 1571.

Vostre bien bon cousin et meilleur amy,
HENRY.


  1. Armand de Clermont de Piles, l’un des meilleurs capitaines du parti protestant, tué à la Saint-Barthélemy.