Recueil des lettres missives de Henri IV/1578/Vers le 7 mai ― À mon cousin monsieur le mareschal de Dampville

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[1578. — vers le 7 mai[1].] – IIme.

Orig. autographe. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8834, fol. 9 recto.

Cop. – B. R. Suppl. fr. no 1009-4.


À MON COUSIN MONSR LE MARESCHAL DAMPVILLE.

Mon Cousin, Parce que mon cousin le sr de Foix[2] est arrivé en ce lieu avec charge expresse de s’employer à l’establissement de la paix en ceste province et en celles de Languedoc et Daulphiné, portant pour cest effect tout ce qui se peut d’asseurances, promesses et bonnes paroles du Roy mon seigneur, et que premier que passer en Languedoc il a commandement de mettre peine de lever tous les obstacles et empeschemens qu’on donne à la paix en ce pays, ce qui sera cause de retarder prés d’un mois le voyage de mon cousin monsieur de Turenne, j’ay bien voulu vous en tenir adverty expressement par le sr de Merles[3], present porteur, auquel j’ay donné charge de vous dire bien particulierement de mes nouvelles, et vous faire entendre le devoir en quoy je me mets chascun jour pour parvenir à l’establissement de la paix (à quoy tous les gens de bien doyvent tendre), comme aussy la continuation et confirmation de ma bonne volonté en vostre endroict. Dont je vous prie, mon Cousin, le croire comme moy-mesmes, et faire tousjours estat de moy, et vous asseurer de tous les effects de ma bonne affection, comme de celuy qui desire demeurer toute sa vie

Vostre affectionné cousin et parfaict amy,
HENRY.


Ledit Merles vous dira ce qui est depuis arrivé par deçà. C’est le malheureux assassinat du sr de Beauville et sa ville prise.

Le faict de Marsillargues[4] a troublé beaucoup de gens. Ce n’est pas pour parvenir au bien de la paix, laquelle beaucoup desyrent par paroles, mais les effects sont contraires.


  1. D’après la date de réception mise au dos de la lettre : « Reçue le 10 may 1578. »
  2. « Le Roi commit, par des lettres du dernier de mars, Paul de Foix, conseiller au conseil privé, pour l’exécution de l’édit de pacification et la cessation des troubles dans les provinces de Languedoc, Provence, Dauphiné et Guyenne. Mais, malgré les soins de ce magistrat, qui étoit un homme d’un mérite distingué, il resta toujours beaucoup de défiance dans les religionnaires ; ce qui empêcha l’entière exécution de l’édit. » (Dom Vaissète, Hist. génér. de Languedoc, l. XL.)
  3. S’il s’agit ici du fameux capitaine Merle, c’était Mathieu de Merle, né à Uzès, fils d’Antoine de Merle et de Marguerite de Virgilli. Il acquit de Jean, baron d’Apchier, les seigneuries de la Gorce et de Salavas, ce qui le fait également désigner sous le nom de baron de Salavas par quelques historiens. Le capitaine Gondin a écrit ses exploits dans un récit chronologique que le marquis d’Aubais a imprimé dans le deuxième volume de ses Pièces fugitives. Le 25 juin 1580 le capitaine Merle obtint une commission du roi de Navarre, pour commander dans Mende. Cette lettre pourrait nous révéler les relations qui étaient déjà entre eux un an auparavant.
  4. Marsillargues, près d’Aigues-Mortes, avait été prise par les catholiques au mois d’avril. Mais les protestants la reprenaient le 3 mai, peut-être au moment même où le roi de Navarre écrivait cette lettre.