Recueil des lettres missives de Henri IV/1579/Vers le 10 juillet ― Au roy, mon souverain seigneur

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[1579. — vers le 10 juillet.]

Orig. autographe. – Collection de M. F. Feuillet de Conches.


AU ROY, MON SOUVERAIN SEIGNEUR.

Monseigneur, Lorsque je receus celles qu’il vous a pleu m’escrire par ce corrier, je n’estois encore du tout guery de la maladie que j’ay en ce lieu[1], nous en retournans ma femme et moy en Bearn pour nostre entrée en la tenue des Estats, laquelle nous avons esté contraincts remettre et differer à un aultre fois pour le pouvoir faire avec plus d’opportunité[2]. Qui me gardera, Monseigneur, de pouvoir adviser maintenant à ce que vous m’escrivés si expressement et affectionneement, et qui est chose laquelle n’ayant esté faicte par moy, ains par la defuncte Royne ma mere, avec l’advis des Estats, d’où l’on s’est contenté et y a-on vescu en paix et repos sans qu’aulcun se soit plainct, vous trouverés bon, Monseigneur, s’il vous plaist, qu’il en soit traicté et advisé en pleine assemblée des dicts Estats, là où les necessitez du pays peuvent estre mieulx representées et les remedes propres plustost treuvez que tout aultre part ; attendu aussy que ce qu’a esté ordonné pour le regard de la religion au dict pays a esté redigé entre les lois et coustumes d’iceluy, l’observation d’icelles je doibs jurer en recevant leur serment de fidelité. Il me sera, Monseigneur, recogneu d’un chascun que le bonheur des Estats et provinces gist et consiste en l’observation des lois et coustumes qui leur sont propres, encor que quelquefois elles semblent estranges. Ce qui se descouvre mieulx et apparoist plus clairement ez lois qui ont traict et suite à la conscience, comme ce qui concerne le faict de la religion et exercice d’icelle ; et se monstre en mon pays de Bearn plus qu’en tout aultre, y estant les personnes trop plus curieuses d’observer leurs lois et coustumes, jusques aux moindres. Ce que j’employeray, Monseigneur, pour toute excuse, si je ne puis maintenant vous faire aultre response sur le contenu en vos lettres, attendant l’assemblée des dicts Estats, et que y estant, je puisse en personne recevoir les justes plainctes de chascun, et y pourvoir avec le plus de contentement qu’il se pourra, desirant et desliberant, Monseigneur, en tout le reste qui est de vostre service, vous rendre la plus humble, fidele et affectionnée obeissance qui se peult attendre d’un

Vostre trez humble, et trez obeissant subject et serviteur,
HENRY.


  1. À Eause. C’est la reine Marguerite qui nous l’apprend dans ses Mémoires : « Dressans nostre chemin vers Montauban, nous passasmes par une petite ville nommée Eause, où la nuict que nous y arrivasmes, le Roy mon mary tomba malade d’une grande fievre continue, avec une extresme douleur de teste, qui lui dura dix-sept jours, durant lesquels il n’avoit repos ny jour ny nuict, et le falloit perpetuellement changer de lict à autre. » (Mémoires, édit. déjà citée, p. 162 et suiv.) Les comptes mss. originaux de la dépense du roi de Navarre nous font connaître d’une manière précise l’époque de cette maladie, en constatant le séjour de ce prince à Eause, du 19 au 30 juin. Le mois de juillet manque dans ces comptes à l’année 1579. Mais d’après la durée que Marguerite assigne à cette maladie, le séjour de Henri dut se prolonger à Eause une grande partie de la première quinzaine de juillet.
  2. Ces états furent convoqués pour le 1er juin 1580, par lettres closes du 27 mars la même année.