Recueil des lettres missives de Henri IV/1580/10 février ― À monsieur de ***

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1580. — 10 février.

Cop. – B. R. Fonds St-Germain-Harlay, Ms. 329-2, pièce 34.


[À MONSR DE[1] ***.]

Monsr de ***, Voyant les desordres et confusions qui sont de present partout, pour les soubçons et meffiances naissans de chasque costé, et que la pluspart du monde se laisse transporter à suivre le dessein de son party, conduict par l’impetuosité de quelques turbulens qui ne s’estudient qu’à mal, sans aulcun respect aux bonnes intentions du Roy mon seigneur, et nostres, j’ay de tant plus desiré y apporter quelque remede. Et n’estoit qu’on s’efforce d’aneantir mon authorité et la rendre par tout suspecte, on en eut jà senty le fruict. Ne voulant toutesfois ceder à la malice de ceux-là, je me suis advisé de prier quelques gentilzhommes, ou autres seigneurs du conseil de Sa Majesté, de me venir assister, tant pour m’estre temoings de mes deportemens[2] que pour fortiffier toutes deliberations de leurs bons et prudens avis, regarder ensemblement d’où procedent tant de maulx et y apliquer les remedes. À quoy je n’ay pensé que personne peust apporter plus de zele, d’affection et de sincerité que vous. Je vous prie donc, Monsr de ***, prendre ceste peyne de me venir trouver avec autres que j’ay mandés pour mesme effect, non tant en consideration de mon particulier que du service du Roy mon dit seigneur, et especiallement du repos et tranquillité de ceste province. M’asseurant que Sa Majesté l’aura tres agreable et que me ferez ce plaisir, je ne vous en diray davantage que pour prier Dieu, Monsr de ***, vous avoir en sa tres saincte garde. De Nerac, ce xe jour de febvrier 1580.

Vostre bien bon et asseuré amy,


HENRY.


  1. Le nom est resté en blanc parce que cette lettre est, comme on va le voir, une espèce de circulaire adressée aux seigneurs de la cour de Henri III.
  2. Cette manière d’appeler de lui-même sur ses actions la surveillance de la cour était une ruse destinée à entretenir de ce côté la sécurité, au moment où il préparait tout pour une prise d’armes.