Recueil des lettres missives de Henri IV/1580/20 septembre ― À messieurs des eglises

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[1580. — vers le 20 septembre[1].]

Cop. – Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, n° 50, Lettres historiques, p. 79. Communiqué par M. le préfet.


À MESSRS [DES EGLISES.]

Messrs, Combien que les armes que nous avons prises pour nostre deffense et pour l’inexecution de la paix qui avoit esté accordée soient d’aultant plus legitimes qu’elles nous sont necessaires, et qu’avec juste occasion nous les puissions retenir, puisque de tous les edicts qui ont esté cy-devant faicts, on a plus tasché à la dissipation de nos eglises qu’à nostre bien et repos, toutefois considerant les miseres et calamitez que la guerre a portées, ayant compassion du pauvre peuple qui en souffre, induict et convié par tant de bonnes demonstrations que Monsieur nous faict de vouloir procurer la paix, se rendre moyenneur et protecteur d’icelle[2], et à présent qu’il est appelé pour seigneur des Pays-Bas, rejecter le mal sur celuy qui en est le vray aucteur[3], et qui pendant nos divisions s’accroist à nostre ruine, j’ay estimé que nous ne pouvions justement fermer l’oreille à telles et aultres grandes occasions qui se presentent maintenant, desquelles Dieu se peut servir pour mectre fin à nos miseres, comme il peut aussy susciter beaucoup de grands et saincts personnaiges qui restent encore amateurs du bien et tranquillité publique, pour maintenir et garder ce qui nous sera promis. Joinct que le Roy mon seigneur, usant de sa bonté, benignité et prudence, nous ouvre le chemin et nous tend comme les bras pour parvenir à ce bien. Mais d’aultant que j’ay tousjours eu desir de me tenir entierement uni et conjoinct avecques vous, aussy n’ay-je rien voulu traicter et accorder, sans vous en communiquer ; mais bien ay-je receu sauf-conduicts et passeports du Roy pour ceulx qui seroient depputez, lesquels je n’ay voulu faillir vous envoyer par le sr d’Iolet, present porteur, lequel j’ay chargé vous remonstrer et faire entendre plusieurs aultres particularitez dont je vous prie le croire, et si vous trouvez bon d’entendre à quelque paix, deputer le plus promptement qu’il vous sera possible ceulx que vous adviserez, pour se rendre soubs la seureté desdicts sauf-conduicts en la ville de Tours près mondict Sieur au plus tost que faire se pourra, et que lesdicts depputez viennent garnis de memoires et de pouvoirs si amples qu’ils n’ayent occasion de retourner vers vous comme ils firent à la derniere paix, et par ce, moyen retarder le bien d’icelle......


[HENRY.]


  1. Cette date résulte de ce qui est dit ci-après dans la lettre à M. de Bèze : que les députés avaient été convoqués plus de deux mois avant la fin de la conférence. Or, elle fut terminée dans les derniers jours de novembre.
  2. C’est ce que fit en effet le duc d’Alençon, au mois de novembre de cette année.
  3. Le roi d’Espagne.