Recueil des lettres missives de Henri IV/1581/15 octobre ― À la royne mere du roy mon seigneur

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1581. — 15 octobre. — IIme.

Orig. — Biblioth. impér. de Saint-Pétersbourg, Ms. 913, lettre n° 56. Copie transcrite par M. Allier, correspondant du ministère de l’Instruction publique.


À LA ROYNE [MERE DU ROY MON SEIGNEUR.]

Madame, Le sieur d’Estrasbourg, qui est un gentilhomme de ce pays, de la Religion, ayant durant la derniere guerre esté outragé et offensé par ung nommé Bourron, qui estoit aussy de la Religion et portoit les armes pour le party d’icelle, il feist en sorte que le mesme jour qu’il receut le tort il en eust la raison, et tua le dict Bourron. De quoy, à la poursuicte du dict Estrasbourg, je fiz informer ; et trouvant, par les informations, qu’il n’avoit faict que son devoir, je luy donnay lettres d’absolution du dict murtre, durant mesme la dicte guerre. Neantmoins vostre procureur general en la court de parlement de Bordeaulx, à la requeste d’aulcuns parens du mort, a faict informer et decreter prinse de corps, non seulernent contre le sieur d’Estrasbourg, mais aussy contre aultres qui en sont totalement innocens, comme je l’ay desclaré, suppliant trez humblement le Roy mon seigneur, à qui j’en escris, de confirmer par lettres patentes mon jugement et la desclaration que j’ay faict pour l’innocence de ceulx qui ont esté accusez à tort et sans cause, afin que pour ce moyen l’edict de pacification, par lequel tel cas, en vertu du dict jugement, est esteint et assoupy, ne soit poinct enfreint ne violé au prejudice du service de Sa Majesté et de l’establissement de la paix et tranquillité publique. En quoy, Madame, je vous supplie tres humblement disposer la volonté du dict seigneur Roy, et estre si favorable que la dicte confirmation puisse estre octroyée par Sa Majesté en faveur du dict d’Estrasbourg et aultres poursuivis et accusez, qui me sont si affectionnez serviteurs, que, moyenant ce bien-là pour eulx, je vous en auray aultant d’obligation que si c’estoit pour moy—mesme, qui prie Dieu,

Madame, vous donner, en parfaicte santé, tres longue et tres heureuse vie, vous baisant tres humblement les mains. Escript à Nerac, ce xve jour d’octobre 1581.

Vostre trez humble et trez obeissant fils,

serviteur et subject.


HENRY.