Recueil des lettres missives de Henri IV/1581/29 novembre ― À monsieur de Marion

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1581. — 29 novembre. — IIIme.

Orig. — Arch. de M. Melchior de Marion-Gaja, à Castelnaudary. Copie transmise par M. le baron Alexandre Guiraud, de l’Académie Française.


[À MONSR DE MARION.]

Monsr de Marion, J’ay entendu le refus que ceulx qui sont au lieu de la Planque ont faict au commandement que le sieur de Clairvant leur a faict de ma part, de quicter et rendre le dict lieu, suivant l’edict de pacification et articles des conferences, et ce pouvoir que j’ay donné au dict sieur de Clairvant pour l’execution du dict edict. Ce que j’ay trouvé bien estrange, et de pernicieuse consequence pour les aultres places qui se doivent rendre. De quoy ils sont grandement à reprendre et meritent un grief chastiment ; en quoy tous gens de bien et amateurs du bien et repos de cest Estat doivent intervenir pour moyenner et faire reparer la faulte qu’ils ont faicte, de laquelle, oultre le service du Roy mon seigneur et l’interest du public, j’ay occasion de me ressentir, voyant ainsy mon authorité et mes commandemens portés par un personnage honorable, comme est le dict sieur de Clervant, tombés en mespris entre ceulx qui y doivent rendre toute obeissance. En quoy ils montrent bien qu’ils sont tres mal conseillés, et ne considerent poinct le mal qui leur en peut advenir. Et pour ce que j’ay sceu que vous pouvez beaucoup pour les faire condescendre à leur devoir, je vous ay bien voulu faire la presente pour vous prier d’entreprendre et moyenner la reddition du dict lieu de la Planque, leur proposant leur faulte et le mal qui leur peut advenir s’ils n’en vuident. Car pour moy et pour mon debvoir, il faudroit que j’employasse contre eux tous les moyens que j’aurois et que je fis adjoindre les forces de ceulx de la Religion à celles de monsr de Joyeuse, voire mesme que je me rendisse sur les lieux ; ce que je suis deliberé de faire, s’ils se montrent si opiniastres que cela. Mais croyant que si j’y vais, j’en feray faire un tel chastiment que tous aultres y prendront exemple, ils peuvent eviter cela et se retirer en aultre ville de la Religion, en attendant qu’en l’assemblée qui se fera au dict pays ayt esté pourveu à leur seureté en leurs maisons ou en lieux et endroicts où ils se voudront retirer. Ce que je vous prie de leur representer, et user devant eulx de toutes persuasions que vous adviserez pouvoir servir à un tel subject, vous asseurant qu’oultre l’obligation que tous les gens de bien vous en auront, vous me ferez un bien grand et singulier plaisir, que je vous recognoistray aux occasions, selon le moyen que j’en auray, de mesme affection que je prie Dieu vous avoir, Monsr de Marion, en sa saincte garde.

Escript à Nerac, ce xxixe jour de novembre 1581.

Vostre bien bon amy,


HENRY.