Recueil des lettres missives de Henri IV/1581/4 décembre ― À mon cousin monsieur de Matignon

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1581. — 4 décembre.

Orig. — B. R. Fonds Béthune, Ms. 8857, fol. 118 recto.


À MON COUSIN MONSR DE MATIGNON,

MARESCHAL DE FRANCE.

Mon Cousin, J’ay entendu les doleances que m’avez renvoyé du deputé de Rhodez, à aulcuns poinctz desquelles j’avois auparavant pourveu par plusieius despesches. Mais je ne lairray encores de faire une recharge pour pourveoir exactement aux desordres de ce quartier-là ; encores que je m’asseure que le sieur de Lavedan[1] et gentilzhommes du pays à qui j’en ay donné charge y feront tout debvoir. J’ay esté bien ayse et vous remercye de ce qu’avés pourveu au payement de la garnison de Montsegur ; et encores que j’ay faict exprès commandement et injonction au capitaine Meslon de faire vivre les soldats comme il appartient, au support et soulaigement des habitans, et mesmes des Catholiques, je ne fauldray de luy rescrire et reiterer mes commandemens pour faire cesser toute occasion de plaincte. Quant au reffuz et difficultez du sr de Lesignan, vous ne sçauriez croyre le desplaisir que j’en ay ; qui est cause que, vostre lettre receue, j’ay prins occasion de luy escrire aux fins de me venir trouver. Qui ne sera sans luy representer voz raisons et aultres que j’y adjousteray pour tascher à le faire condescendre. Cella toutes fois ne peut ni ne doibt servir de pretexte quelconque aux detempteurs de mes maisons et chasteaux pour differer à les rendre, comme ilz doibvent, au commandement que vous leur en ferez. Car le faict de Pemyrol ne leur touche de rien, et ne porte prejudice ne dommaige qu’à ceulx de la Religion, en ce qu’estant privez de Perigueux, ils sont en attente d’une aultre seureté. Si on se veut plaindre de la compaignie du cappitaine Belsunce, pour ce qu’elle tient les champs, j’avois avec occasion desiré qu’elle allast loger à Ste Baseille, en attendant qu’elle peust entrer au dict Pemyrol. Vous m’avez faict entendre par vostre precedente une aultre difficulté qui ayderoit encores à retarder l’entrée de la dicte compaignie au dict Pemirol, à cause des conditions faictes pour l’assignation et payement de la somme de cinquante mil escuz, tout aultrement que n’avions convenu par ensemble ; mais j’espere que vous moyenerez à y pourveoir, comme je vous en ay pryé par mes dernieres, et que ce pendant vous ne lairrez de continuer les effectz de vostre bonne affection en ce qui reste de l’execution de l’edict, et mesmes en la reddition de mes dictes maisons et chasteaux, ainsi que m’avés promis, comme de ma part je ne fauldray à effectuer tout ce qui despendra de moy à l’advancement de ce bon œuvre, avec l’ayde et assistance de Dieu, lequel je prie, mon Cousin, vous avoir en sa saincte et digne garde. Escript à Nerac, ce iiije jour de decembre 1581.

Vostre bien affectionné cousin et parfaict amy,


HENRY.


  1. Anne de Bourbon, vicomte de Lavedan, baron de Beaucen, etc. fils aîné de Jean de Bourbon et de Marguerite d’Anjou, était alors chef de cette branche bâtarde de la maison de Bourbon, descendant de Jean II, duc de Bourbon, connetable de France sous Charles VIII et de Louise d’Albret, dame d’Estouteville, dont ce prince avait eu plusieurs enfants naturels. Le vicomte de Lavedan mourut en 1594. On peut s’étonner que le roi de Navarre ne joigne pas ici à son nom le titre de cousin. Le membre de cette famille qu’il attacha à sa personne fut Henri de Bourbon, frère de M. de Lavedan, appelé le baron de Malause, qui le servit comme conseiller, chambellan et enseigne de sa compagnie d’ordonnance. Le baron de Malause devint ensuite lieutenant de la compagnie de gendarmes du roi Henri IV, et mourut un an après lui, à l’âge de soixante-sept ans. Il venait de prendre, en 1610, le titre de vicomte de Lavedan, par suite de la mort de son neveu, Jean-Jacques de Bourbon. Ce dernier seigneur, mourant sans enfants, laissa, par testament, sa vicomté de Lavedan à Marie de Gontaut, sa veuve, sœur de M. de St-Geniès. Elle avait épousé en secondes noces Jean-Marc de Montaut-Bénac, et légua, à son tour, Lavedan à un neveu de son premier mari, Philippe de Montaut. Le fils de celui-ci, qui fut père du maréchal de Navailles, devint, en 1650, duc de Lavedan, par érection de cette terre en duché. Mais les messieurs de Bourbon, descendants de Henri, baron de Malause, continuèrent à prendre le titre de vicomtes de Lavedan.