Recueil des lettres missives de Henri IV/1581/Vers le commencement de novembre ― Au roy, mon souverain seigneur

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[1581. — vers le commencement de novembre.]

Orig. autographe. — Collection de M. Libri, membre de l’Institut.


AU ROY, MON SOUVERAIN SEIGNEUR.

Monseigneur, Je vous ay faict entendre par ma precedente les contreventions qu’on faict à vostre edict de pacification, tant en ceste province que autres de vostre royaume, et la confiance que j’ay prins des remedes par la venue de messrs de Matignon et de Bellievre. Mais c’est avec une telle patience qu’encores que hyer je receusse advertissement certain d’une grande troupe et assemblée de gens de guerre, que mr le mareschal de Biron avoit faicte à l’entour de sa maison, et que ce me fust occasion suffisante de me mouvoir et me mettre aux champs pour m’y opposer, neantmoins pour eviter le peril que ceste mutation eust pu aporter d’un renouvellement de guerre, je me resolus de ne bouger. Dont est advenu que la dicte troupe, qui estoit bien de trois cens hommes à cheval, s’est retirée. Le pretexte de ceste assemblée a esté prins et fondé sur la compaignye du capitaine Belsunce qui est aux environs de Perigueux, en attendant qu’elle soyt remise dedans, disans que c’estoit pour la tailler en piéces. Mais j’ay eu advis que l’entreprinse estoit sur Bergerac, au devant duquel la dicte troupe se presenta. Quoy qu’il y ait, ce m’est occasion, Monseigneur, de m’en plaindre à Vostre Majesté pour l’interest de votre service et du pouvoir que m’avez donné, qui est en cella trop mesprisé, en ce que le dict sr de Biron entreprend telles assemblées contre le gré et volonté (comme je sçay) de Vostre dicte Majesté. Par quoy je vous supplie trés humblement, Monseigneur, de vouloir pourvoir sur ce comme l’importance de l’affaire le requiert, et, à ceste fin, de faire haster les srs de Matignon et de Bellyevre, attendu que de la longueur et retardement de leur venue s’est engendrée la licence des maux qui par l’impunité d’iceux s’accroissent tous les jours, comme l’experience le monstre, et croire neantmoins que je ne souffriray poinct que personne se remue de mon cousté, si je ne suis pas trop pressé. De quoy, cella advenant, je serois le plus marry du monde, pour le mal qui s’en ensuyvroit au prejudice de vostre service et le bien et repos de vostre royaume, comme le sr du Plessys, present porteur, vous en rendra plus certain ; dont je vous supplye tres humblement de le croyre comme

Vostre tres humble et tres obeissant subject

et serviteur,


HENRY.