Recueil des lettres missives de Henri IV/1583/18 juillet ― Ad comitem…

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1583. — 18 juillet. — IIme.

Imprimé. — Henrici, Navarrorum regis, epistolæ, etc. Utrecht, 1679, in-12, p. 280.


AD COMITEM ***.

[1] Illustris ac Generose Comes, Cum nihil, post Dei gloriam Evangeliique propagationem, nobis fuit antiquius quam illustrissimorum principum et in Ecclesia præstantium virorum consuetudine frui, mutuamque cum illis anticitiam colere, institueramus ipsi, reges et principes cæterosque illustres viros qui puriorem religionem sectantur, invisere, si modo quid nobis superesset temporis a laboribus publicis et periculis illis vacuum, quibus Ecclesias Gallicas, per absentiam nostram, obnoxias fore plerique judicabant. Verum cum hoc sine discrimine ipsarum, propter insidias Pontificis Romani fieri nequiret, observantibus passim in hoc regno monstri illius emissariis, et pacem qua fruimur, Christianissimi Regis beneficio, per cuniculos oppugnantibus, mutato proposito, nobis adhuc in Gallia commorandum esse duximus.

Itaque cum profectionis illius differendum esset institutum, dominum Segurium, interiori nostro consilio præfectum, ad illustrissimos principes cæterosque Sacri Imperii ordines delegavimus, per quem eos de nostra voluntate certiores faceremus, quantumque exoptemus benevolentiam eorum et mutuam caritatem, propensissimo nostro erga eos studio, consimilem experiri. Altera missionis causa fuit, ut vota nostra, industriam et operam cum his conjungeremus, qui Ecclesiam orthodoxam et ab intestinis dissidiis immunem, et adversus exterorum injurias sartam tectamque esse cupiunt, simul ut illustrissimorum Germaniæ principum consilio juvaremus, et illa qua apud Regem Galliæ serenissimum pollent gratia, quo voluntas ipsius ad pacem in regno retinendam propensissima, in tam sancto et necessario instituto confirmetur.

Quoniam autem non ignoramus, Illustris et Generose Comes, qualis semper vestra fuit erga Ecclesiam Dei voluntas, et quanto favore sanctissimum et honestissimum domini Thruchsesii, Electoris Coloniensis[2], institutum promoveri cupiatis, jussimus dictum dominum Segurium vos nomine nostro salutare, vobis omne genus officii a nobis offerre, aut saltem deferri curare, ac vestrum consilium in rebus nostris et ad Ecclesiæ universæ statum pertinentibus rogare. Quod pro illa vestra humanitate erga omnes, pro vehementi religionis et gloriæ Dei studio, proque summa erga nos benevolentia impetratum iri confidimus. Deus Optimus Maximus Illustrem Generositatem vestram Ecclesiæ suæ incolumem diu conservet.

Neraci, xv calendas augusti, anno 1583.


HENRICUS :
ALLIARIUS.


  1. Voici la traduction de cette lettre :

    AU COMTE DE ...

    Illustre et noble comte,

    Après la propagation de la gloire de Dieu et du saint Evangile, rien ne nous eût été plus cher que de jouir de la conversation des princes illustres et des personnages éminents de l’Église, et d’entretenir avec eux les relations d’une amitié réciproque. Aussi avions-nous formé le projet de visiter successivement les divers rois, princes et seigneurs attachés à la religion réformée, dans le cas toutefois où les traverses et les dangers auxquels, selon l’opinion de plusieurs, les Églises de ce royaume auraient été exposées par notre absence, eussent fait quelque trêve. Mais nous avons en vain espéré ce repos. Voyant donc que notre départ ne pouvait s’exécuter sans préjudice pour les Églises, à cause des embûches qui leur sont incessamment dressées par le pontife de Rome, les émissaires de ce monstre, toujours aux aguets, cherchant à troubler, par leurs machinations ténébreuses, la paix que nous goûtons, grâce au Roi très-chrétien, nous avons changé de dessein et nous sommes décidé à ne point encore quitter le royaume.

    Notre voyage se trouvant ainsi différé, nous avons délégué le sieur de Ségur, chef de notre conseil privé, auprès des illustrissimes princes et autres dignitaires du Saint-Empire, pour les assurer de notre dévouement et leur témoigner combien nous désirons obtenir leur bienveillance et leur affection, en retour de celle que nous leur avons vouée. Un autre objet de sa mission est de combiner nos vœux et nos efforts avec ceux de tous les princes qui désirent le triomphe de l’Église orthodoxe, veulent la préserver de toute guerre intestine et la mettre à l’abri de toutes les attaques extérieures, comme aussi de chercher aide et conseil auprès des illustres princes de l’Allemagne afin que, grâce à l’influence dont ils jouissent auprès du sérénissime Roi de France, ce monarque, déjà plein de bonne volonté pour maintenir la paix dans son royaume, sont de plus en plus confirmé dans ce saint et salutaire dessein.

    N’ignorant pas, illustre et noble comte, l’amour dont vous êtes animé pour l’Église de Dieu, et quel intérêt vous portez au triomphe de la pure et sainte cause de monsieur Truksess, électeur de Cologne, nous avons ordonné audit sieur de Ségur de vous offrir, soit en personne, soit par lettre, nos salutations et témoignages de dévouement de toute espèce, en vous demandant conseil sur la direction de nos affaires et de celles de toutes les Églises. Votre bonne grâce envers tout le monde, votre zèle ardent pour la religion et la gloire de Dieu, la bienveillance toute particulière dont vous êtes animé à notre égard, nous donnent toute certitude d’obtenir ce que nous demandons. Nous prions le Dieu tout-puissant de conserver longtemps en bonne santé votre illustre seigneurie.

    Nérac, ce xv des calendes d’août 1583.

    HENRY :
    L’ALLIER.
  2. Ghebhard Truksess, fils de Guillaume, baron de Walbourg et de Jeanne de Furstemberg, prévôt d’Augsbourg, doyen de Strasbourg et chanoine de Cologne, élevé à l’archevêché de cette ville le 5 décembre 1577. Il se montra d’abord catholique zélé, au point de n’admettre que des catholiques dans toutes les magistratures de son duché de Westphalie. Mais, en 1581, séduit par les charmes d’une chanoinesse de Geresheim, qu’il épousa secrètement au commencement de l’année suivante, il adopta les idées de la réforme, pour laquelle il se déclara publiquement en 1583. Il chercha dès lors à l’introduire dans l’électorat ; le pape le déposa et l’excommunia par une bulle du fut 1er avril de cette année. Une guerre civile s’ensuivit ; le duc Ernest de Bavière, évêque de Liège, qui ambitionnait l’archevêché de Cologne, vint attaquer avec une armée les forces qu’avait réunies Ghebhard Truksess. Après les chances diverses de plusieurs combats, ce dernier fut entièrement défait, à Flockembourg, le 31 mars 1584. Il mourut à Strasbourg en 1589, suivant les uns, en 1601, suivant les autres.