Recueil des lettres missives de Henri IV/1583/25 juillet ― Ad Carolum Sudermanensem, designatum Sueciæ heredem

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1583. — 25 juillet.

Imprimé. — Henrici, Navarrorum regis, epistolæ, etc. Utrecht, 1679, in-12, p. 165.


AD CAROLUM SUDERMANENSEM, DESIGNATUM SUECIÆ HEREDEM[1].

[2] Illustrissime Princeps, Consanguinee et Amice charissime, Post-eaquam regnum Gallicum per multos jam annos misere direptum, a bellis tandem civilibus conquievit, decreveramus idque anno superiori, navigationem in Angliam et Scotiam instituere, atque inde in Belgium, Germaniam, Daniam et Sueciam ; partint ut serenissimos plerosque reges et illustissimos principes, quorum opera emendata Religio defenditur, conveniremus ac cum iis amicitiam firmaremus, partim ut de controversiis illis inure Fidei componendis ageremus, quæ ambitione quorumdam theologorum Ecclesias puriores undique misere vexant, partim denique ut Pontificis dolos, et perditos adversus Ecclesiam Dei conatus illustrissimorum principum oculis subjiceremus, ac cum iis do fœdere contra vim Antichristi illius coe indo verba faceremus.

Verum cum in pace Gallica constituenda difficultatos quædam subinde exorientes, nobis sæpius ad profectionem istam accinctis et paratis remoram injecerint, quod ipsi præstare non potuimus, id ut per alium fieret statim operam dedimus. Dominum itaque Segurium Pardolianum, interiori nostro consilio præfectum, ad serenissimos illarum regionum reges et illustrissimos principes ablegavimus, eique potestatem fecimus cum iis agendi de gravissimis illis et concordiæ et fœderis instituendi negotiis.

Cum autem Celsitudinis vestræ summam esse prudontiam et eximiam virtutem intelleximus, imprimis vero religionis et pietatis studium singulare, idcirco eidem Segurio nostro mandavimus, tum ut sinceram nostram et minime fucatam amicitiam et benevolentiam erga Celsitudinem vostram aperiret, tum etiam ut de legationis suæ causis cum Celsitudine vestra, ex mandati sui formula, serio ageret, postularetque ut negotium istud, Ecclesiæ Dei perutile et prorsus necessarium, totus viribus præsertim apud serenissimum regem Sueciæ Celsitudo vestra promoveat. Quod quoniam, propter istam pietatem qua cæteris plerisque præstat, a Celsitudine vestra exoratum iri confidimus, quæ vero desunt epistolæ nostræ dominus Segurius industria sua, pro muneris ratione, explicabit, literis istis finem imponemus, si prius officia nostra omnia Celsitudini vestræ detulerimus, ac Deum oraverimus, ut Celsitudinem vestram ad Ecclesiæ salutem diutissime incolumem servet.

Neraci, xxv julii 1583.


[HENRICUS.]


  1. Ce titre, donné dès lors par les huguenots de France à Charles, frère du roi de Suède, zélé protestant au détriment de l’héritier direct Sigismond, dont la mère s’était toujours montrée ardente catholique, prouve la persévérance avec laquelle les protestants préparèrent les voies au trône pour le troisième fils de Gustave Wasa, qui finit en effet par détrôner son neveu Sigismond, se fit décerner la couronne par les États, le 29 mars 1604, et devint roi de Suède, sous le nom de Charles IX. Il était né le 4 octobre 1550 et mourut le 8 novembre 1611. De sa seconde femme, Christine de Holstein, il eut Gustave-Adolphe, qui lui succéda.
  2. Voici la traduction de cette lettre :
    À CHARLES DUC DE SUDERMANIE,
    HÉRITIER PRÉSOMPTIF DE LA COURONNE DE SUÈDE.

    Illustrissime prince, très-cher et bien-amé Cousin, Depuis que le royaume de France, si longtemps et si misérablement déchiré par les guerres civiles, commence enfin à se reposer, nous avions formé le dessein, et cela notamment l’année dernière, de nous embarquer pour l’Angleterre, l’Écosse, et de là passer en Belgique, en Allemagne, en Danemarck et en Suède, pour visiter les sérénissimes et illustrissimes rois et princes qui défendent la religion réformée, et resserrer les liens d’amitié qui nous lient à eux pour travailler à apaiser les controverses en matière de foi qui, nées de l’esprit d’orgueil de quelques théologiens, affligent les églises réformées ; enfin pour faire connaître à tous les princes quelles ruses et quels efforts désespérés sont incessamment pratiqués par le pontife de Rome contre l’Église de Dieu, et pour conclure avec eux un traité d’alliance contre les violences de cet Antechrist.

    Mais des difficultés soudaines pour l’établissement de la paix nous ayant toujours forcé de différer notre voyage, au moment même où nous étions disposé et prêt à l’entreprendre, nous avons décidé qu’un autre l’entreprendrait, ne pouvant le faire nous-même. En conséquence nous avons délégué le sr de Ségur-Pardaillan, chef de notre conseil privé, auprès des sérénissimes et illustrissimes rois et princes, et nous lui avons donné plein pouvoir de traiter avec eux sur toutes les questions, même les plus graves, d’alliance et d’union.

    Connaissant la haut sagesse et la vertu éminente de votre altesse ; et surtout son zèle particulier pour la Religion, nous avons ordonné au sr de Ségur, notre envoyé, de lui offrir les témoignages de la pure et sincère amitié et de bienveillance dont nous sommes animé à son égard, comme aussi de traiter avec elle, d’après les instructions que nous lui avons données, de l’objet de sa mission ; qui est de solliciter votre altesse de faire avancer de tous ses efforts, soit par elle-même, soit en s’adressant au sérénissime roi de Suède, l’établissement de ce traité d’alliance si utile pour le salut de l’Église Dieu, et si nécessaire dans les circonstances présentes.

    La piété qui distingue votre altesse nous fait espérer qu’elle ne nous refusera pas ce que nous lui demandons. Notre envoyé achevera d’exposer à votre altesse ce qui n’a pu trouver place dans cette lettre : à laquelle nous mettrons fin, en lui offrant les témoignages de notre dévouement, et en priant Dieu qu’il conserve longtemps et en bonne santé votre altesse pour le salut de l’Église.

    Nérac, le 25 juillet 1583.

    [HENRY.]