Recueil des lettres missives de Henri IV/1583/31 janvier ― À monsieur de Favas

La bibliothèque libre.



1583. — 31 janvier.

Cop. — B. R. Fonds Leydet, Mém. mss. sur Geoffroy de Vivans, p. 87.


À MONSR DE FAVAS.

Monsr de Favas, J’espere partir demain de ce lieu pour aller à Casteljaloux, ayant ce pendant donné ordre que les troupes qui se sont assemblées de leur auctorité et sans commission ni commandement, si elles passent oultre, soient chargées et reduictes à l’obeissance deuë. Je porte l’abolition que le sr de Luzignan a apportée, qui est telle que nous l’avons demandée, afin de mettre un chascun hors de peine, et faire cesser les exactes recherches et poursuictes qu’on a faict jusqu’icy contre ceulx de la Religion, et couper chemin à la diversité d’interpretations qui ont esté laissées sur l’edict de pacification et conferances, à nostre prejudice ; et partant chascun a occasion de lever les grandes desfiances qu’a cy-devant engendré la dicte recherche, et vivre paisiblement soubs le benefice et obeissance des edicts, afin d’oster l’occasion à ceulx qui ne taschent qu’à prendre fondement sur nos actions et deportemens, de troubler et remuer le repos des Eglises, lequel fault, de tout nostre pouvoir, maintenir, et empescher par tous moyens la dissipation d’ycelles, en pourvoyant à leur seureté par voyes et moyens legitimes ; à quoy, tout ainsy qu’il est besoing que tous s’employent, et un chascun en particulier, je ne doubte poinct que de vostre part vous ne fassiez vostre debvoir ; et ce faisant, ferez chose qui me sera agreable et dont j’auray singulier contentement. Le dict sr de Luzignan m’a faict entendre que les dictes troupes se retiroient, dont j’ay esté bien ayse, afin que l’alarme qu’elles donnent cesse, et que la tranquillité de ceste province continue ; aultrement j’avois resolu de les faire tailler en pieces, et punir les conducteurs, de punition exemplaire, comme perturbateurs du repos public. Si elles estoient levées avec commission de Monsieur, ce n’estoit le chemin de venir de devers Perigord vers la Garonne. La licence est si grande, et l’impunité a tellement lasché la bride à telles gens, qu’il est necessaire de les reprimer. J’ay au reste trouvé bon que vous m’ayez adverty de ce qui se passoit ; en quoy je vous prie continuer, comme aussy je prie Dieu vous tenir, Monsr de Favas, en sa saincte et digne garde. De Nerac, le dernier janvier 1583.

Vostre bon et asseuré amy,


HENRY.