Recueil des lettres missives de Henri IV/1584/13 juillet ― À messieurs les conseillers de la religion reformée

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1584. — 13 juillet.

Orig. — Arch. de M. le baron de Scorbiac, à Montauban. Copie transmise par M. Gustave de Clausade, correspondant du ministère de l’Instruction publique.


À MESSRS LES CONSEILLERS DE LA RELIGION REFORMÉE,

TENANT LA CHAMBRE DE JUSTICE ESTABLIE À LISLE.

Messrs, j’ay receu nouvelles certaines, que la Royne, mere du Roy mon seigneur, avoit traicté et resolu avec messrs de Guyse la revocation de l’eedict de pacification[1], et qu’elle y avoit faict condescendre le dict seigneur Roy. Touteffois Sa Majesté, ayant despuis receu une declaration que j’ay faicte, auroit suspendu la dicte revocquation et estoit aprés à prendre quelque aultre deliberation[2]. De quoy je vous ay bien voulu advertir, afin que vous advisyez à vostre conservation. Sur quoy il me semble que vous pourrez tousjours continuer la tenue de la Chambre, en attendant aultre resolution, comme j’espere que nous en aurons une meilleure ; de quoy je vous advertiray incontinent, estimant que vos compaignons catholicques ne vouldront point pour cela se retirer. Toutesfois vous pourrez en tout cas vous regler selon leurs deliberations et deportemens, et s’ils s’en alloyent, vous pourriez en faire de mesme et non aultrement ; vous priant de croyre que je tesmoigneray tousjours l’affection que je porte à vostre repos, soulagement et seureté, et la procureray par tous moyens : priant Dieu vous avoyr, Messrs, en sa saincte et digne garde. De Lectoure, ce xiije jour de juillet 1584.

Vostre bien affectionné amy,


HENRY.


  1. « La reyne mere, qui ne se soucioit gueres des loix fondamentales de la France, vouloit appeller à la couronne les enfans de sa fille et du duc de Lorraine. Elle avoit souvent sondé l’esprit du Roy sur cela et tasché de luy persuader que le sang étoit bien morfondu au delà du sixiesme degré, que les Bourbons ne luy estoient plus parens que d’Adam et d’Eve, et qu’il estoit plus naturel de laisser sa succession à ses neveux qu’à des gens si esloignez. » (Mézeray, Abrégé chronol.)
  2. Les Guises commençaient à travailler le cardinal de Bourbon. « Le Roy, dit encore Mézeray, estoit bien adverty de toutes ces pratiques par le roy de Navarre ; et plus il connoissoit qu’ils avoient envie d’esloigner ce prince, plus il croyoit que c’estoit son interest de l’approcher. »