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Rencontres et entretiens/AUX LECTEURS

La bibliothèque libre.
Le Devoir (p. 9-11).


Aux lecteurs



Un soir, en entrant chez moi, je surpris mon ami R… commodément installé dans un fauteuil près de ma table de travail, et fouillant sans scrupule dans un amas de paperasses que, avant ma sortie j’avais oublié de mettre en lieu sûr.

Ces écrits contenaient une foule de notes prises au hasard sur les faits et gestes des premiers Canadiens établis dans les États de la Nouvelle-Angleterre. « Je vois, me dit l’ami R…, sans se déranger, que tu sais employer ton temps avec profit, si j’en juge par ces nombreux écrits, tu nous ménages sans doute une agréable surprise ; nous aurons bientôt le plaisir de savourer quelques élucubrations de ton esprit observateur.

Voilà précisément ce en quoi tu te trompes, lui répliquai-je, car j’aurai grand soin de laisser ce souci à des plumes plus habiles que la mienne, et capables de faire quelque chose, si toutefois on découvre quelque valeur aux notes que j’ai jetées sur ces feuilles.

Tu auras grandement tort, reprit mon ami. Il y a certainement du mérite dans tout cela et je t’engage fortement à le publier, pour la plus grande satisfaction des Franco-Américains des États-Unis, qui, sois en bien convaincu, seront très heureux et très fiers de lire les écrits d’un compatriote qui a grandi et vécu en ce pays.

— Tu as d’autant plus de mérite que tu n’as fréquenté que nos écoles franco-américaines. »

L’évocation de nos écoles franco-américaines me fit sourire de joie, et ma pensée se transporta en 1873, époque où, pour la première fois je me rendis à l’école de monsieur Daragon, à Woonsocket, R. I., la première école canadienne de l’endroit et peut-être aussi de toute la Nouvelle-Angleterre. Plus tard, je fréquentai l’école canadienne de la paroisse Notre-Dame de Lourdes de Fall River ; entre temps, à Albion, R. I., je dus aller six mois à l’école publique.

Longtemps je réfléchis aux paroles de mon ami R…

C’est avec plaisir que je publie ces pages, dans l’espérance de convaincre quelques compatriotes de la nécessité, de l’obligation même, d’envoyer leurs enfants aux écoles franco-américaines qui aujourd’hui sont de beaucoup supérieures aux écoles publiques, tant sous le rapport de la morale, de la religion, que sous le rapport de l’étude des langues française et anglaise qui, dans les écoles franco-américaines, sont enseignées sur un pied d’égalité.

À cette considération, ami lecteur, j’ajouterai ceci : dans ce petit volume, je ne viens pas vous offrir des pages remplies de sensation d’un romancier expert, ce sont tout simplement des notes recueillies ici et là sur les Canadiens émigrés aux États-Unis, notes que j’ai cherché à rendre aussi intéressantes que possible.


A. LAMBERT