Revue des Romans/Elizabeth Helme

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Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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HELME (mistress Élisabeth),
romancière anglaise, morte au commencement du XIXe siècle.


*SAINT-CLAIR DES ÎLES, ou les Exilés à l’île de Barra, trad. par Mme de Montolieu, 4 vol. in-12, 1808. — L’auteur de ce roman ne s’est pas traîné servilement sur les traces de la plupart de ses prédécesseurs ; on ne lui reprochera pas d’avoir donné à ses héros des sentiments fades et doucereux ; leur caractère est franc et vigoureux, même un peu outré, ce qui amène parfois des situations extrêmement dramatiques. On peut cependant lui reprocher d’avoir beaucoup trop multiplié ses personnages. À qui doit-on s’attacher ? À qui faut-il s’intéresser ? sera-ce à Saint-Clair des Îles, à Randolphe, au chef Monthey, au comte Roskelin et autres, à la comtesse, à Ambroisine, à Éléonore, à Zina, à Mathilde ? Ambroisine et Zina sont celles sur qui l’auteur a eu l’intention de fixer l’intérêt. Zina est une jeune fille douce et timide ; elle aime sans s’en douter Randolphe qu’elle croit son frère. Ambroisine qui, lorsque l’action commence, est une autre jeune fille, d’un tout autre caractère ; elle s’est éprise de Saint-Clair sur le récit de ses malheurs, et se travestit en homme pour aller l’examiner à son aise dans l’île où il est exilé. Saint-Clair ne s’aperçoit nullement de la métamorphose, ce qui n’est point à l’avantage d’Ambroisine, car si elle est bien faite en homme, elle doit être très-mal faite en femme. Quoiqu’elle ne soit plus de la première jeunesse il lui reste encore assez de beauté pour séduire Saint-Clair, qui ne forme plus d’autres vœux que d’obtenir sa main. Ambroisine ne le fait pas attendre longtemps ; elle lui donne rendez-vous à minuit dans une longue galerie où ils conviennent de leurs faits ; les convenances, il est vrai, sont légèrement blessées, mais Ambroisine est bien supérieure à tous ces petits préjugés. Il y a un caractère qui frappe davantage, c’est celui d’Éléonore, femme dont les passions sont extrêmement violentes, qui se porte même aux plus grands excès ; mais elle est femme, elle est belle, et on lui pardonne en quelque sorte parce qu’elle a beaucoup aimé. — Ce roman pique vivement la curiosité et se fait lire avec intérêt : on y rencontre de temps en temps des scènes véritablement dramatiques, rendues avec force et énergie.

LE FERMIER DE LA FORÊT D’INGLEWOOD, ou les Effets de l’ambition, traduit par M. H. Villemain, 4 vol. in-12, 1818. — En ouvrant ce roman, on croit lire la description d’un tableau de l’école flamande : un vénérable père de famille est assis devant son habitation, sous un chêne antique dont le feuillage épais s’empreint des rayons mourants du soleil, et reproduit d’heureux accidents de lumière. Sa famille est groupée autour de lui ; une bible ouverte repose sur ses genoux ; il suspend un moment sa lecture pour faire part à ses enfants des réflexions qui viennent de s’offrir à son esprit. Ses deux fils, William et Edwin, sont devant lui et l’écoutent avec déférence ; Emma, sa fille, cherche à lire dans ses yeux pour mieux l’entendre. Une pipe, un pot de bière placés sur une table rustique, révèlent les jouissances habituelles du fermier, dont la demeure était l’asile de toutes les vertus. Le voyageur ne quittait jamais son humble toit sans lui désirer des richesses égales à sa bienfaisance ; heureux si tous se fussent montrés également dignes de la généreuse hospitalité qu’il leur accordait ! — Dix heures venaient de sonner à la vieille horloge sur le cadran de laquelle on avait représenté les amours de Henri II et la mort de la belle Rosemonde, lorsqu’un bruit implorant des secours se fit entendre dans la forêt. Edwin, le plus jeune des fils du fermier, courut au secours des voyageurs dont la voiture venait de se briser. On les accueillit avec la plus tendre sollicitude ; c’étaient une dame et son frère qui se rendaient à Londres. Mme Delmer avait vingt-huit ans ; dans son premier choix, le bonheur avait été sacrifié à l’opulence. Son frère Whitzmore était l’époux d’une femme à la mode, dont les caprices lassaient souvent la patience. Dès le lendemain, la voiture était raccommodée, mais ni le frère ni la sœur n’étaient pressés de repartir. Le jeune Edwin avait fait la plus vive impression sur le cœur de Mme Delmer, et Whitzmore avait été ravi de la beauté d’Emma ; il est facile d’imaginer que dans ces dispositions ils s’efforcèrent d’être aimables. Après avoir énuméré tous les plaisirs dont on jouit dans une grande ville et tous les avantages qu’elle présente pour arriver à la fortune, Whitzmore proposa d’emmener Edwin à Londres et de le placer avantageusement. Edwin accepte, en assurant à sa fiancée au désespoir que c’est pour elle qu’il désire la fortune, et part. Arrivé à Londres, il ne tarde pas à y contracter des liaisons dangereuses ; Mme Delmer lui offre sa main, et la cupidité le porte à accepter cette offre ; chargé d’aller chercher sa sœur pour l’amener à Londres, il séduit sa jeune fiancée dans la maison même de son père, en lui rappelant les engagements qu’il savait bien ne plus pouvoir remplir ; la victime, réduite à fuir pour cacher sa faute, meurt en donnant le jour à une fille. Emma, entourée de séductions, cède à la passion de Whitzmore, s’enfuit avec son séducteur, qui est tué par Edwin ; dénuée de tout, elle est forcée de se confier à un second protecteur, de celui-ci à un autre, et de protecteur en protecteur, l’infortunée tombe dans l’avilissement, et retrouve son frère, nous n’osons dire en quel lieu ni en quelle circonstance ; dévorée de remords, elle se dirige vers la chaumière de la forêt d’Inglewood, où elle meurt après avoir reçu le pardon de son père. — L’auteur porte ensuite l’attention du lecteur sur la jeune Anna, élevée dans la maison d’Inglewood, par le vertueux frère d’Edwin. Parvenue à l’âge de quinze ans, cette jeune fille est poursuivie par un séducteur, nommé Fitz-Morris, qui est sur le point de la déshonorer, lorsqu’on arrive à son secours. Dans ce séducteur on reconnaît Edwin, qui, apprenant qu’Anna est sa fille, se tire un coup de pistolet et meurt. — Ce roman est une imitation de deux ouvrages de Rétif de la Bretonne, et quoiqu’on y trouve quelques pages assez pathétiques, il est loin d’approcher de la singulière énergie de l’original.

On a encore de cet auteur : Louise, ou la Chaumière dans les marais, 2 vol. in-12, 1787. — *Clara et Emmeline, 2 vol. in-12, 1788. — Jacques Manners, in-12, 1801. — Le Pèlerin de la Croix, 3 vol. in-12, 1807. — La Caverne de Sainte-Marguerite, 4 vol. in-12, 1813.