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Soleils d’Hiver/19

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A. Lemerre (p. 66-67).


RETOUR DE PROMENADE



Et depuis le matin en landau découvert
(Un de ces vieux landaus dont le siège en drap vert
Porte un cocher douteux rasé tous les dimanches),
Nous avons, au grand trot, suivi les routes blanches,
Que borde le rempart des oliviers poudreux,
Et vu, dans le lointain, comme un trait vigoureux,
Paraissant, se cachant pour reparaître encore,
La mer aux flots unis que le soleil colore.

Oh ! l’exquise journée, et le doux far-niente
Sous ce beau ciel d’hiver plus clair qu’un ciel d’été,
Parmi cette coquette et pimpante nature,
Délicieusement bercés par la voiture,
Un vent tiède au visage, et les yeux éblouis
Par mille fins tableaux trop vite évanouis…
Peu à peu le soir vient : dans la mer violette
Le soleil s’est couché, merveilleuse palette
Qui tout le long du jour prodigua ses couleurs :
Sur les champs rembrunis d’indécises pâleurs

S’accentuant en gris, en noir toujours plus sombre,
S’étendent lentement comme des crêpes d’ombre ;
Les verts eucalyptus, les rigides cyprès
S’agitent brusquement sous un souffle plus frais…

Fermons notre landau, prenons nos shalls de laine,
Et tandis que la nuit enveloppe la plaine,
Regagnons sans tarder le logis bien fermé
Où, sous la lampe claire, attend un livre aimé.