Soleils d’Hiver/2
LA CANNEBIÈRE
n nom retentissant ainsi qu’une fanfare
Qui sonne le réveil ;
Un fouillis lumineux, un grouillement bizarre
De têtes au soleil ;
D’étincelants cafés où la foule s’entasse
Sous de larges auvents,
Où les « Coquin de sort ! » et les « Boun Dious ! » par masse
Volent à tous les vents ;
Sur le cours Saint-Louis les brunes bouquetières
Aux kiosques coquets,
Vous offrant pour les yeux et pour les boutonnières
Sourires et bouquets ;
Des portefaix du port à la calotte rouge ;
Des Nervi pommadés ;
De noirs Algériens dont aucun trait ne bouge
Sous les burnous brodés ;
Des marins le col nu, la démarche roulante
Comme aux gros temps de mer,
Croisant les bons lignards qui vont, l’allure lente,
Naïfs, le nez en l’air ;
Un Musulman qui rêve, un Anglais qui s’agite
Son Bœdeker en main ;
Le Nord et le Midi, chaos cosmopolite,
Se heurtant en chemin ;
Et pour toile de fond le Vieux Port qui scintille
Sous un rayon de feu,
Et l’enchevêtrement des mâts de la flottille
Noire sur le ciel bleu.
Quel éblouissement de vie et de lumière !
Quel tableau vif et fin !…
« Ah ! si jamais Paris avait sa Cannebière !… »
Lecteur, à toi la fin !