Soleils d’Hiver/2

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A. Lemerre (p. 9-10).


LA CANNEBIÈRE



Un nom retentissant ainsi qu’une fanfare

Qui sonne le réveil ;

Un fouillis lumineux, un grouillement bizarre

De têtes au soleil ;


D’étincelants cafés où la foule s’entasse

Sous de larges auvents,

Où les « Coquin de sort ! » et les « Boun Dious ! » par masse

Volent à tous les vents ;


Sur le cours Saint-Louis les brunes bouquetières

Aux kiosques coquets,

Vous offrant pour les yeux et pour les boutonnières

Sourires et bouquets ;


Des portefaix du port à la calotte rouge ;

Des Nervi pommadés ;

De noirs Algériens dont aucun trait ne bouge

Sous les burnous brodés ;


Des marins le col nu, la démarche roulante

Comme aux gros temps de mer,

Croisant les bons lignards qui vont, l’allure lente,

Naïfs, le nez en l’air ;


Un Musulman qui rêve, un Anglais qui s’agite

Son Bœdeker en main ;

Le Nord et le Midi, chaos cosmopolite,

Se heurtant en chemin ;


Et pour toile de fond le Vieux Port qui scintille

Sous un rayon de feu,

Et l’enchevêtrement des mâts de la flottille

Noire sur le ciel bleu.


Quel éblouissement de vie et de lumière !

Quel tableau vif et fin !…

« Ah ! si jamais Paris avait sa Cannebière !… »

Lecteur, à toi la fin !