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Soleils d’Hiver/23

La bibliothèque libre.
A. Lemerre (p. 82-84).

NOËL DU MIDI



Jetant follement ses notes perlées

Dans le bleu du ciel,

La cloche s’en donne à toutes volées…

Noël ! C’est Noël !


Loin de la langueur pâle et monotone

Du Nord engourdi,

En me captivant, ton éclat m’étonne,

Noël du Midi.


Pour moi, jusqu’ici, Noël, c’était l’âtre

Tant de fois chanté,

Sa douce chaleur, sa vapeur bleuâtre,

Son intimité ;


C’était, sous la neige épaisse et serrée

Tombant d’un ciel gris,

L’immensité blanche et comme sucrée

De mon vieux Paris ;


C’était, aux lueurs jaunes des boutiques,

Les gens très pressés,

Suivant, à minuit, ombres fantastiques,

Les trottoirs glacés ;


Bref, Noël avec sa neige ou ses brumes

Toujours me semblait

La fête du Froid, apportant les rhumes

Sous son mantelet.



Ici, c’est l’aimable et rieuse fête

Du Soleil d’hiver,

Réchauffant gaîment le cœur et la tête

De son rayon clair ;


Au loin, dans l’azur des flots immobiles

Tout pointillés d’or,

C’est le groupe blanc et coquet des îles

Pour fond de décor ;


Partout, sur le port et sur la Croisette,

C’est le bruit joyeux

D’une foule vive, en fraîche toilette,

Le bonheur aux yeux ;


Et sur ce tableau qui brille et rayonne

En tons éclatants,

Le sourire étrange et doux d’un automne

Qui serait printemps !



Chez un confiseur, à la devanture,

Soudain j’aperçois

Un bonhomme Hiver, couvert de fourrure,

Soufflant dans ses doigts.


Timide et fluet sous sa barbe blanche,

Son grand chapeau blanc,

Le bâton en main, la hotte à la hanche,

Les verges au flanc.


Que peux-tu bien faire ici, mon bonhomme ?

Sous ce ciel rosé

Tu me fais l’effet d’un vieil astronome

Très dépaysé.


Va ! dépêche-toi de fuir la Provence !

Et suis mon conseil…

Car voici ton nez qui déjà commence

À fondre au soleil !