Sonnets (Fuster)/La Retraite

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 10).
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LA RETRAITE



Un soir, en entendant la retraite passer
Loin des éclats de voix de la foule distraite,
À l’heure où l’on soupire, à l’heure où l’on regrette,
J’ai senti, tout à coup, mon âme se glacer.

Et je demeurais là, grave et triste, à penser
Qu’un jour, lorsqu’à demi notre œuvre sera prête,
Pour nos cœurs déjà froids sonnera la retraite
Et que nous serons morts avant de trépasser.

Par de là cette nuit de tant d’autres suivie
Je songeais au déclin suprême de la vie.
Voilà pourquoi, le soir, je tressaille toujours.

Voilà pourquoi j’ai mal, voilà pourquoi je doute,
Quand, pleurant sur mon cœur qui se fait vieux, j’écoute
La retraite passer le long des noirs faubourgs.