Sonnets (Fuster)/Les Croix

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. vol. 38) (p. 6).


LES CROIX



Duis que sur la croix, au temps des vieux Romains,
Un homme, un dieu peut-être, et sans doute un prophète.
Exhala son soupir, après cette œuvre faite
Qui devait effacer les crimes des humains,

Depuis, dans tous les temps et sur tous les chemins,
On a dressé des croix où le passant s’arrête.
Mais jamais le dieu mort n’a remué la tête
Près des foules en pleurs qui lui tendaient les mains.

L’homme n’a jamais su, nul ne pouvant le dire,
S’il était bien sauvé par le sanglant martyre :
Il lève en vain ses yeux vers les infinis froids.

Est-ce donc à toujours que doit douter la terre,
Et ne t’ouvriras-tu, ciel gonflé de mystère,
Que sur le dernier homme et la dernière croix ?