Souvenir (Émile Van Arenbergh)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 14).


Souvenir


Ô le printemps d’avril ! les premiers rendez-vous !
— Ils s’attendaient, là-bas, sur le vieux pont de pierre
Croulant sous un assaut d’herbe folle et de lierre,
Et s’y sentant bien seuls, ils l’appelaient : — chez nous.

Par moments, l’air, comme eux, vibrait d’un souffle doux ;
Rêvant, ils regardaient s’allonger la rivière
Frissonnant au soleil d’écailles de lumière,
Et d’un rayon sous l’onde allumer les cailloux…

Ils se parlaient tout bas, et sans s’écouter même :
Tout ce qu’ils se disaient voulait dire : — je t’aime !
C’était le gazouillis de l’aube dans leur cœur.

Et lui songe, — à présent qu’elle s’en est allée, —
Qu’il n’aura plus d’amour, et que son âme en fleur
A laissé son parfum au pied qui l’a foulée.