Souvenirs d’égotisme/06

La bibliothèque libre.
Texte établi par Henri MartineauLe Divan (p. 83-114).
◄  Chapitre 5
Chapitre 7  ►


CHAPITRE 6



Quelquefois j’écrivais une date sur un livre que j’achetais et l’indication du sentiment qui me dominait. Peut-être trouverai-je quelques dates dans mes livres. Je ne sais trop comment j’eus l’idée d’aller en Angleterre. J’écrivis à M…, mon banquier, de me donner une lettre de crédit de mille écus sur Londres ; il me répondit qu’il n’avait plus à moi que cent vingt-six francs. J’avais de l’argent je ne sais où, à Grenoble peut-être, je le fis venir et je partis.

Ma première idée de Londres me vint ainsi en 1821. Un jour, vers 1816, je crois, à Milan, je parlais de suicide avec le célèbre Brougham (aujourd’hui lord Brougham, chancelier d’Angleterre, et qui bientôt sera mort à force de travail.)

— Quoi de plus désagréable, me dit M. Brougham, que l’idée que tous les journaux vont annoncer que vous vous êtes brûlé la cervelle, et ensuite entrer dans votre vie privée pour chercher les motifs ?… Cela est à dégoûter de se tuer.

— Quoi de plus simple, répondis-je, que de prendre l’habitude d’aller se promener sur mer, avec les bateaux pêcheurs ? Un jour de gros temps, on tombe à la mer par accident.

Cette idée de me promener en mer me séduisit. Le seul écrivain lisible pour moi était Shakespeare, je me faisais une fête de le voir jouer. Je n’avais rien vu de Shakespeare en 1817, à mon premier voyage en Angleterre.

Je n’ai aimé avec passion en ma vie que Cimarosa, Mozart et Shakespeare. À Milan, en 1820, j’avais envie de mettre cela sur ma tombe. Je pensais chaque jour à cette inscription, croyant bien que je n’aurais de tranquillité que dans la tombe. Je voulais une tablette de marbre de la forme d’une carte à jouer.



ERRICO BEYLE

MILANESE


Visse, scrisse, amo
Quest’anima
Adorava
Cimaroza, Mozart è Shakespeare
Mori de anni…
il… 18.


N’ajouter aucun signe sale, aucun ornement plat, faire graver cette inscription en caractères majuscules. Je hais Grenoble, je suis arrivé à Milan en mai 1800, j’aime cette ville. Là j’ai trouvé les plus grands plaisirs et les plus grandes peines, là surtout ce qui fait la patrie, j’ai trouvé les premiers plaisirs. Là je désire passer ma vieillesse et mourir.

Que de fois, balancé sur une barque solitaire par les ondes du lac de Côme, je me disais avec délices :

Hic captabis frigus opacum !

Si je laisse de quoi faire cette tablette, je prie qu’on la place dans le cimetière d’Andilly, près Montmorency, exposée au levant. Mais surtout je désire n’avoir pas d’autre monument, rien de parisien, rien de vaudevillique, j’abhorre ce genre. Je l’abhorrais bien plus en 1821. L’esprit français que je trouvais dans les théâtres de Paris allait presque jusqu’à me faire m’écrier tout haut : Canaille !… Canaille !… Canaille ! Je sortais après le premier acte. Quand la musique française était jointe à l’esprit français, l’horreur allait jusqu’à me faire faire des grimaces et me donner en spectacle. Mme de Longueville me donna un jour sa loge au théâtre Feydeau. Par bonheur, je n’y menai personne. Je m’enfuis au bout d’un quart d’heure, faisant des grimaces ridicules et faisant vœu de ne pas rentrer à Feydeau de deux ans : j’ai tenu ce serment.

Tout ce qui ressemble aux romans de Mme de Genlis, à la poésie de MM. Legouvé, Jouy, Campenon, Treneuil, m’inspirait la même horreur.

Rien de plus plat à écrire en 1832, tout le monde pense ainsi. En 1821, Lussinge se moquait de mon insupportable orgueil quand je lui montrais ma haine convulsive. Il en concluait que sans doute M. de Jouy ou M. Campenon avait fait une sanglante critique de quelques-uns de mes écrits. Un critique qui s’est moqué de moi m’inspire un tout autre sentiment. Je rejuge, à chaque fois que je relis sa critique, qui a raison de lui ou de moi.

Ce fut, ce me semble, en septembre 1821, que je partis pour Londres. Je n’avais que du dégoût pour Paris. J’étais aveugle, j’aurais dû demander des conseils à Madame le comtesse de Tracy. Cette femme adorable et de moi aimée comme une mère, non, mais comme une ex-jolie femme, mais sans aucune idée d’amour terrestre, avait alors soixante-trois ans. J’avais repoussé son amitié par mon peu de confiance. J’aurais dû être l’ami, non l’amant de Céline. Je ne sais si j’aurais réussi alors comme amant, mais je vois clairement aujourd’hui que j’étais sur le bord de l’intime amitié. J’aurais dû ne pas repousser le renouvellement de connaissance avec Mme la comtesse Berthois.

J’étais au désespoir, ou pour mieux dire profondément dégoûté de la vie de Paris, de moi surtout. Je me trouvais tous les défauts, j’aurais voulu être un autre. J’allais à Londres chercher un remède au spleen et je l’y trouvais assez. Il fallait mettre une colline entre moi et la vue du dôme de Milan. Les pièces de Shakespeare et l’acteur Kean (prononcer Kîne) furent cet événement.

Assez souvent je trouvais, dans la société, des gens qui venaient me faire compliment sur un de mes ouvrages ; j’en avais fait bien peu alors. Et le compliment fait et répondu, nous ne savions que nous dire. Ces complimenteurs parisiens, s’attendant à quelque réponse de vaudeville, devaient me trouver bien gauche et peut-être bien orgueilleux. Je suis accoutumé à paraître le contraire de ce que je suis. Je regarde et j’ai toujours regardé mes ouvrages comme des billets à la loterie. Je n’estime que d’être réimprimé en 1900. Pétrarque comptait sur son poème latin de l’Africa et ne songeait guère à ses sonnets.

Parmi les complimenteurs, deux me flattèrent. L’un, de cinquante ans, grand et fort bel homme, ressemblait étonnamment à Jupiter Mansuetus. En 1821, j’étais encore fou du sentiment qui m’avait fait écrire, quatre ans auparavant, le commencement du second volume de l’Histoire de la Peinture. Ce complimenteur si bel homme parlait avec l’afféterie des lettres de Voltaire ; il avait été condamné à mort à Naples en 1800 ou 1799. Il s’appelait di Fiori et se trouve aujourd’hui le plus cher de mes amis. Nous avons été dix ans sans nous comprendre ; alors je ne savais comment répondre à son petit tortillage à la Voltaire.

Le second complimenteur avait des cheveux anglais blonds superbes, bouclés. Il pouvait avoir environ trente ans et s’appelait Edouard Edwards, ancien mauvais sujet sur le pavé de Londres et commissaire des guerres, je crois, dans l’armée d’occupation commandée par le duc de Wellington. Dans la suite, quand j’appris qu’il avait été mauvais sujet sur le pavé de Londres, travaillant pour les journaux, visant à faire quelque calembour célèbre, je m’étonnai bien qu’il ne fut pas chevalier d’industrie. Le pauvre Edouard Edwards avait une autre qualité : il était naturellement et parfaitement brave. Tellement naturellement que lui, qui se vantait de tout avec une vanité plus que française, s’il est possible, et sans la retenue française, ne parlait jamais de sa bravoure.

Je trouvai M. Edouard dans la diligence de Calais. Se trouvant avec un auteur français, il se crut obligé de parler et fit mon bonheur. J’avais compté sur le paysage pour m’amuser. Il n’y a rien de si plat (pour moi du moins) que la route par Abbeville, Montreuil-sur-Mer, etc. Ces longues routes blanches se dessinant au loin sur un terrain platement ondulé auraient [été] mon malheur sans le bavardage d’Edwards.

Cependant les murs de Montreuil et la faïence du déjeuner me rappelèrent tout à fait l’Angleterre.

Nous voyagions avec un nommé Smidt, ancien secrétaire du plus petitement intrigant des hommes, M. le conseiller d’État Fréville, que j’avais connu chez Mme Nardot, rue des Ménars, 4. Ce pauvre Smidt, d’abord assez honnête, avait fini par être espion politique. M. Decazes l’envoyait dans les congrès, aux eaux d’Aix-la-Chapelle. Toujours intriguant et à la fin, je crois, volant, changeant de facteur tous les six mois, un jour Smidt me rencontra et me dit que, comme mariage de convenance et non d’inclination, il allait épouser la fille du maréchal Oudinot, duc de Reggio, qui, à la vérité, a un régiment de filles, et demandait l’aumône à Louis XVIII tous les six mois.

— Épousez ce soir, mon cher ami, lui dis-je tout surpris.

Mais j’appris, quinze jours après, que M. le duc Decazes, apprenant malheureusement la fortune de ce pauvre Smidt, s’était cru obligé d’écrire un mot au beau-père. Mais Smidt était assez bon diable et assez bon compagnon.

À Calais, je fis une grosse sottise. Je parlai à table d’hôte comme un homme qui n’a pas parlé depuis un an. Je fus très gai. Je m’enivrai presque de bière anglaise. Un demi-manant, capitaine anglais au petit cabotage, fit quelques objections à mes contes, je lui répondis gaiement et en bon enfant. La nuit, j’eus une indigestion terrible, la première de ma vie. Quelques jours après Edwards me dit, avec mesure, chose très rare chez lui, qu’à Calais j’aurais dû répondre vertement et non gaiement au capitaine anglais.

Cette faute horrible, je l’ai commise une autre fois en 1813, à Dresde, envers M… depuis fou. Je ne manque point de bravoure, une telle chose ne m’arriverait plus aujourd’hui. Mais, dans ma jeunesse, quand j’improvisais, j’étais fou. Toute mon intention était à la beauté des images que j’essayais de rendre. L’avertissement de M. Edwards fut pour moi comme le chant du coq pour Saint-Pierre. Pendant deux jours nous cherchâmes le capitaine anglais dans toutes les infâmes tavernes que ces sortes de gens fréquentent près de la Tour, ce me semble.

Le second jour, je crois, Edwards me dit avec mesure, politesse et même élégance « Chaque nation, voyez-vous, met de certaines façons à se battre ; notre manière à nous, Anglais, est baroque, etc., etc. »

Enfin le résultat de toute cette philosophie était de me prier de le laisser parler au capitaine qui, il y avait dix à parier contre cent, malgré l’éloignement national pour les Français, disait qu’il n’avait nullement eu l’intention de m’offenser, etc. Mais enfin, si l’on se battait, Edwards me suppliait de permettre qu’il se battît à ma place. — Est-ce que vous vous f....z de moi ? lui dis-je.

Il y eut des paroles dures, mais enfin il me convainquit qu’il n’y avait de sa part qu’excès de zèle et nous nous remîmes à chercher le capitaine. Deux ou trois fois, je sentis tous les poils de mes bras se hérisser sur moi, croyant reconnaître le capitaine. J’ai pensé depuis que la chose m’eût été difficile sans Edwards, — j’étais ivre de gaieté, de bavardage et de bière à Calais. Ce fut la première infidélité au souvenir de Milan.

Londres me toucha beaucoup à cause des promenades le long de la Tamise vers Little Chelsea (little chelsy). Il y avait là de petites maisons garnies de rosiers qui furent pour moi la véritable élégie. Ce fut la première fois que ce genre fade me toucha[1].

Je comprends aujourd’hui que mon âme était toujours bien malade. J’avais une horreur presque hydrophobique à l’aspect de tout être grossier. La conversation d’un gros marchand de province grossier m’hébétait et me rendait malheureux pour tout le reste de la journée, par exemple, le riche banquier Charles Durand de Grenoble, qui me parlait avec amitié. Cette disposition d’enfance, qui m’a donné tant de moments noirs de quinze à vingt-cinq ans, revenait avec force. J’étais si malheureux que j’aimais les figures connues. Toute figure nouvelle, qui dans l’état de santé m’amuse, alors m’importunait.

Le hasard me conduisit à Tavistock Hôtel, Covent-Garden. C’est l’hôtel des gens aisés qui, de la province, viennent à Londres. Ma chambre, toujours ouverte dans ce pays du vol avec impunité, avait huit pieds de large et dix de long. Mais, en revanche, on allait déjeuner dans un salon qui pouvait avoir cent pieds de long, trente de large et vingt de haut. Là, on mangeait tout ce qu’on voulait et tant qu’on voulait pour cinquante sous (deux shillings). On nous faisait des beefsteaks à l’infini, ou l’on plaçait devant vous un morceau de bœuf rôti de quarante livres avec un couteau bien tranchant. Ensuite venait le thé pour cuire toutes ces viandes. Ce salon s’ouvrait en arcades sur la place de Covent-Garden. Je trouvais là tous les matins une trentaine de bons Anglais marchant avec gravité, et beaucoup avec l’air malheureux. Il n’y avait ni affectation, ni fatuité françaises et bruyantes. Cela me convint, j’étais moins malheureux dans ce salon. Le déjeuner me faisait toujours passer non pas une heure ou deux comme une diversion, mais une bonne heure.


25 juin.

J’appris à lire machinalement les journaux anglais, qui au fond ne m’intéressaient point. Plus tard, en 1826, j’ai été bien malheureux sur cette même place de Covent-Garden au Ouakum Hôtel, ou quelque nom aussi disgracieux, à l’angle opposé à Tavistock. De 1826 à 1832, je n’ai pas eu de malheurs.

On ne donnait point encore Shakespeare le jour de mon arrivée à Londres ; j’allai à Haymarket qui, ce me semble, était ouvert. Malgré l’air malheureux de la salle, je m’y amusai assez.

She stoops to conquer, comédie de [Goldsmith], m’amusa infiniment à cause du jeu des joues de l’acteur qui faisait le mari de miss [Richland], qui s’abaissait pour conquérir : c’est un peu le sujet des [Fausses Confidences] de Marivaux. Une jeune fille à marier se déguise en femme de chambre ; [ce] beau stratagème m’amusa fort.

Le jour, j’errais dans les environs de Londres, j’allais souvent à Richmond.

Cette fameuse terrasse offre le même mouvement de terrain que Saint-Germain-en-Laye. Mais la vue plonge de moins haut peut-être, sur des prés d’une charmante verdure parsemée de grands arbres vénérables par leur antiquité. On n’aperçoit, au contraire, du haut de la terrasse de Saint-Germain, que du sec et du rocailleux. Rien n’est égal à cette fraîcheur du vert en Angleterre et à la beauté de ces arbres : les couper serait un crime et un déshonneur, tandis qu’au plus petit besoin d’argent, le propriétaire français vend les cinq ou six grands chênes qui sont dans son domaine. La vue de Richmond, celle de Windsor, me rappelaient ma chère Lombardie, les monts de Brianza, Desio, Como, la Cadenabbia, le sanctuaire de Varèse, beaux pays où se sont placés mes beaux jours.

J’étais si fou dans ces moments de bonheur que je n’ai presque aucun souvenir distinct ; tout au plus quelque date pour marquer, sur un livre nouvellement acheté, l’endroit où je l’avais lu. La moindre remarque marginale fait que si je relis jamais ce livre, je reprends le fil de mes idées et vais en avant. Si je ne trouve aucun souvenir en relisant un livre, le travail est à recommencer.

Un soir, assis sur le pont qui est au bas de la terrasse de Richmond, je lisais les Mémoires de Mme Hutchinson ; c’est l’une de mes passions.

— Mister Bell ! dit un homme en s’arrêtant droit devant moi.

C’était M. B… — que j’avais vu en Italie, chez Milady Jersey, à Milan. M. B…, homme très fin, de quelque cinquante ans, sans être précisément de la bonne compagnie y était admis (en Angleterre, les classes sont marquées, comme aux Indes, au pays des parias ; voyez la Chaumière Indienne).

— Avez-vous vu lady Jersey ?

— Non ; je la connaissais trop peu à Milan ; et l’on dit que vous autres, voyageurs anglais, êtes un peu sujets à perdre la mémoire en repassant la Manche.

— Quelle idée ! Allez-y.

— Être reçu froidement, n’être pas reconnu me ferait beaucoup plus de peine que ne pourrait me faire de plaisir la réception la plus empressée.

— Vous n’avez pas vu MM. Hobhouse, Brougham ?

Même réponse.

M. B… qui avait toute l’activité d’un diplomate, me demanda beaucoup de nouvelles de France. Les jeunes gens de la petite bourgeoisie, bien élevés et ne sachant où se placer, trouvant partout devant eux les protégés de la Congrégation, renverseront la Congrégation et, par occasion, les Bourbons. (Ceci ayant l’air d’une prédiction, je laisse au lecteur bénévole toute liberté de n’y pas croire.)

J’ai placé cette phrase pour ajouter que mon extrême dégoût de tout ce dont je parlais me donna apparemment cet air malheureux sans lequel on n’est pas considéré en Angleterre.

Quand M. B… comprit que je connaissais M. de La Fayette, M. de Tracy :

— Eh ! me dit-il avec l’air du plus profond étonnement, vous n’avez pas donné plus d’ampleur à votre voyage ! Il dépendait de vous de dîner deux fois la semaine chez lord Holland, chez lady A…, chez lady…

— Je n’ai pas même dit à Paris que je venais à Londres. Je n’ai qu’un objet : voir jouer les pièces de Shakespeare.

Quand M. B… m’eut bien compris, il crut que j’étais devenu fou.

La première fois que j’allai au bal d’Almack, mon banquier, voyant mon billet d’admission, me dit avec un soupir :

— Il y a vingt-deux ans, monsieur, que je travaille pour aller à ce bal, où vous serez dans une heure !

La société, étant divisée par bandes comme un bambou, la grande affaire d’un homme est de monter dans la classe supérieure à la sienne, et tout l’effort de cette classe est de l’empêcher de monter.

Je n’ai trouvé ces mœurs en France qu’une fois c’est quand les généraux de l’ancienne armée de Napoléon, qui s’étaient vendus à Louis XVIII, essayaient à force de bassesses de se faire admettre dans le salon de Mme de Talaru et autres du faubourg Saint-Germain. Les humiliations que ces êtres vils empochaient chaque jour rempliraient cinquante pages. Le pauvre Amédée de Pastoret, s’il écrivait jamais ses souvenirs, en aurait de belles à raconter. Hé bien ! je ne crois pas que les jeunes gens qui firent leur droit en 1832 aient en eux de supporter de telles humiliations. Ils feront une bassesse, une scélératesse, si l’on veut, commise en un jour, mais se faire assassiner ainsi à coups d’épingles, par le mépris, c’est ce qui est hors de nature pour qui n’est pas né dans les salons de 1780, ressuscités de 1804 à 1830.

Cette bassesse, qui supporte tout de la femme d’un cordon bleu (Mme de Talaru), ne paraîtra plus que parmi les jeunes gens nés à Paris. Et Louis-Philippe prend trop peu de consistance pour que de tels salons se reforment de longtemps à Paris.

Probablement le bill de réforme (juin 1832) va faire cesser, en Angleterre, la fabrique de gens tels que M. B…, qui ne me pardonna jamais de n’avoir pas donné plus d’ampleur à mon voyage. Je ne me doutais pas, en 1821, d’une abjection que j’ai comprise à mon voyage de 1826 : les dîners et les bals de l’aristocratie coûtent un argent fou et le plus mal dépensé du monde.

J’eus une obligation à M. B…, il m’apprit à revenir de Richmond à Londres par eau, c’est un voyage délicieux.

Enfin, le… 1821, on afficha Othello par Kean. Je faillis être écrasé avant d’atteindre mon billet de parterre. Les moments d’attente de la queue me rappelèrent vivement les beaux jours de ma jeunesse quand nous nous faisions écraser en 1800 pour voir la première représentation de Pinto (germinal an VIII).

Le malheureux qui veut un billet à Covent-Garden est engagé dans des passages tortueux, larges de trois pieds, et garnis de planches que le frottement des habits des patients a rendues parfaitement lisses.

La tête remplie d’idées littéraires, ce n’est qu’engagé dans ces affreux passages et quand la colère m’eut donné une force supérieure à celle de mes voisins que je me dis : Tout plaisir est impossible ce soir pour moi. Quelle sottise de ne pas acheter d’avance un billet de loge !

Heureusement, à peine dans le parterre, les gens avec qui j’avais fait le coup d’épaule me regardèrent avec l’air bon et ouvert. Nous nous dîmes quelques mots bienveillants sur les peines passées ; n’étant plus en colère, je fus tout à mon admiration pour Kean, que je ne connaissais que par les hyperboles de mon compagnon de voyage Edouard Edwards. Il paraît que Kean est un héros d’estaminet, un crâne de mauvais ton.

Je l’excusais facilement : s’il fût né riche ou dans une famille de bon ton, il ne serait pas Kean, mais quelque fat bien froid. La politesse des hautes classes de France, et probablement d’Angleterre, proscrit toute énergie, et l’use si elle existait par hasard. Parfaitement poli et parfaitement pur de toute énergie, tel est l’être que je m’attends à voir, quand on annonce chez M. de Tracy, M. de Syon ou tout autre jeune homme du faubourg Saint-Germain. Et encore je n’étais pas bien placé en 1821 pour juger de toute l’insignifiance de ces êtres étiolés. M. de Syon, qui vient chez le général Lafayette, qui est allé en Amérique à sa suite, je crois, doit être un monstre d’énergie dans le salon de Mme de la Trémoille.

Grand Dieu ! Comment est-il possible d’être aussi insignifiant ! comment peindre de telles gens ! Questions que je me faisais pendant l’hiver de 1830, en étudiant ces jeunes gens. Alors leur grande affaire était la peur que leurs cheveux arrangés de façon à former un bourrelet d’un côté du front à l’autre ne vinssent à tomber.

(For me : Je suis un peu découragé par le manque absolu de dates. L’imagination se perd à courir après les dates au lieu de se figurer les objets.)

Mon plaisir en voyant Kean, fut mêlé de beaucoup d’étonnement. Les Anglais, peuple fâché, ont des gestes fort différents des nôtres pour exprimer les mêmes mouvements de l’âme.

Le baron de Lussinge et l’excellent Barot vinrent me rejoindre à Londres ; peut-être Lussinge y était-il venu avec moi.

J’ai un talent malheureux pour communiquer mes goûts ; souvent, en parlant de mes maîtresses à mes amis, je les ai rendus amoureux, ou, ce qui est bien pis, j’ai rendu ma maîtresse amoureuse de l’ami que j’aimais réellement. C’est ce qui m’est arrivé pour Mme Azur et Mérimée. J’en fus au désespoir pendant quatre jours. Le désespoir diminuant, j’allai prier Mérimée d’épargner ma douleur pendant quinze jours. — Quinze mois, me répondit-il, je n’ai aucun goût pour elle. J’ai vu ses bas plissés sur sa jambe (en garaude, français de Grenoble).

Barot qui fait les choses avec règle et raison, comme un négociant, nous engagea à prendre un valet de place. C’était un petit fat anglais. Je les méprise plus que les autres ; la mode chez eux n’est pas un plaisir, mais un devoir sérieux, auquel il ne faut pas manquer. J’avais du bon sens pour tout ce qui n’avait pas rapport à certains souvenirs, je sentis sur-le-champ le ridicule des quarante-huit heures de travail de l’ouvrier anglais. Le pauvre Italien, tout déguenillé, est bien plus près du bonheur. Il a le temps de faire l’amour, il se livre quatre-vingts ou cent jours par an à une religion d’autant plus amusante qu’elle lui fait un peu peur, etc.

Mes compagnons se moquèrent rudement de moi. Mon paradoxe devint vérité à vue d’œil, et sera bien commun en 1840. Mes compagnons me trouvaient fou tout à fait quand j’ajoutais : Le travail exorbitant et accablant de l’ouvrier anglais nous venge de Waterloo et de quatre coalitions. Nous, nous avons enterré nos morts, et nos survivants sont plus heureux que les Anglais. Toute leur vie Barot et Lussinge me croiront une mauvaise tête. Dix ans après, je cherche à leur faire honte : Vous pensez aujourd’hui comme moi, à Londres, en 1821. Ils le nient, et la réputation de mauvaise tête me reste. Qu’on juge de ce qui m’arrivait quand j’avais le malheur de parler littérature. Mon cousin Colomb m’a cru longtemps réellement envieux, parce que je lui disais que le Lascaris de M. Villemain était ennuyeux à dormir debout. Qu’était-ce, grand Dieu ! quand j’abordais les principes généraux !

Un jour que je parlais de travail anglais, le petit fat qui nous servait de valet de place prétendit son honneur national offensé.

— Vous avez raison, lui dis-je, mais nous sommes malheureux : nous n’avons plus de connaissances agréables.

— Monsieur, je ferai votre affaire. Je ferai le marché moi-même… Ne vous adressez pas à d’autres, on vous rançonnerait, etc.

Mes amis riaient. Ainsi, pour me moquer de l’honneur du fat, je me trouvais engagé dans une partie de filles. Rien de plus maussade et repoussant que les détails du marché que notre homme nous fit essuyer le lendemain en nous montrant Londres.

D’abord, nos jeunes filles habitaient un quartier perdu, Westminster Road, admirablement disposé pour que quatre matelots souteneurs puissent rosser des Français. Quand nous en parlâmes à un ami anglais :

— Gardez-vous bien de ce guet-apens nous dit-il.

Le fat ajoutait qu’il avait longuement marchandé pour nous faire donner du thé le matin en nous levant. Les filles ne voulaient pas accorder leurs bonnes grâces et leur thé pour vingt et un shillings (vingt-cinq francs cinq sous). Mais enfin elles avaient consenti. Deux ou trois Anglais nous dirent :

— Jamais un Anglais ne donnerait dans un tel piège. Savez-vous qu’on vous mènera à une lieue de Londres ?

Il fut bien convenu entre nous que nous n’irions pas. Le soir venu, Barot me regarda. Je le compris.

— Nous sommes forts, lui dis-je, nous avons des armes.

Lussinge n’osa jamais venir.

Nous prîmes un fiacre. Barot et moi, nous passâmes le pont de Westminster. Ensuite le fiacre nous engagea dans des rues sans maisons, entre des jardins.

Barot riait.

— Si vous avez été si brillant avec Alexandrine dans une maison charmante, au centre de Paris, que n’allez-vous pas faire ici ?

J’avais un dégoût profond ; sans l’ennui de l’après-dînée à Londres quand il n’y a pas de spectacle, comme c’était le cas ce jour-là, et sans la petite pointe de danger, jamais Westminster Road ne m’aurait vu. Enfin, après avoir été deux ou trois fois sur le point de verser dans de prétendues rues sans pavé, ce me semble, le fiacre, jurant, nous arrêta devant une maison à trois étages qui, tout entière, pouvait avoir vingt-cinq pieds de haut. De la vie, je n’ai vu quelque chose de si petit.

Certainement, sans l’idée du danger, je ne serais pas entré ; je m’attendais à voir trois infâmes salopes. Elles étaient, menues, trois petites filles, avec de beaux cheveux châtains, un peu timides, très empressées, fort pâles.

Les meubles étaient de la petitesse la plus ridicule. Barot est gros et grand, moi gros, nous ne trouvions pas à nous asseoir, exactement parlant, les meubles avaient l’air faits pour des poupées. Nous avions peur de les écraser. Nos petites filles virent notre embarras, le leur s’accrut. Nous ne savions que dire absolument. Heureusement Barot eut l’idée de parler du jardin.

— Oh nous avons un jardin, dirent-elles, avec non pas de l’orgueil, mais enfin un peu de joie d’avoir quelque objet de luxe à montrer. Nous descendîmes au jardin avec des chandelles pour le voir ; il avait vingt-cinq pieds de long et dix de large. Barot et moi, partîmes d’un éclat de rire. Là, étaient tous les instruments d’économie domestique de ces pauvres filles, leur petit cuvier pour faire la lessive, leur petite cuve, avec un appareil elliptique pour brasser elles-mêmes leur bière.

Je fus touché et Barot dégoûté. Il me dit en français : payons-les et décampons.

— Elles vont être si humiliées, lui dis-je.

— Bah ! humiliées ! vous les connaissez bien Elles enverront chercher d’autres pratiques, s’il n’est pas trop tard, ou leurs amants, si les choses se passent ici comme en France.

Ces vérités ne firent aucune impression sur moi. Leur misère, tous ces petits meubles bien propres et bien vieux m’avaient touché. Nous n’avions pas fini de prendre le thé que j’étais intime avec elles au point de leur confier en mauvais anglais notre crainte d’être assassinés. Cela les déconcerta beaucoup.

— Mais enfin, ajoutai-je, la preuve que nous vous rendons justice, c’est que je vous raconte tout cela.

Nous renvoyâmes le fat. Alors je fus comme avec des amis tendres que je reverrais après un voyage d’un an.

Aucune porte ne fermait, autre sujet de soupçons quand nous allâmes nous coucher. Mais à quoi eussent servi des portes et de bonnes serrures ? Partout avec un coup de poing on eût enfoncé les petites séparations en briques. Tout s’entendait dans cette maison. Barot, qui était monté au second dans la chambre au-dessus de la mienne, me cria :

— Si l’on vous assassine, appelez-moi !

Je voulus garder de la lumière ; la pudeur de ma nouvelle amie, d’ailleurs si soumise et si bonne, n’y voulut jamais consentir. Elle eut un mouvement de peur bien marqué, quand elle me vit étaler mes pistolets et poignard sur la table de nuit placée du côté du lit, opposé à la porte. Elle était charmante, petite, bien faite, pâle.

Personne ne nous assassina. Le lendemain, nous les tînmes quittes de leur thé, nous envoyâmes chercher Lussinge par le valet de place en lui recommandant d’arriver avec des viandes froides, du vin. Il parut bien vite escorté d’un excellent déjeuner, et tout étonné de notre enthousiasme.


26 juin.

Les deux sœurs envoyèrent chercher une de leurs amies. Nous leur laissâmes du vin et des viandes froides dont la beauté avait l’air de surprendre ces pauvres filles.

Elles crurent que nous nous moquions d’elles, quand nous leur dîmes que nous reviendrions. Miss…, mon amie, me dit à part :

— Je ne sortirais pas, si je pouvais espérer que vous reviendrez ce soir. Mais notre maison est trop pauvre pour des gens comme vous.

Je ne pensai, toute la journée, qu’à la soirée bonne, douce, tranquille (full of snugness), qui m’attendait. Le spectacle me parut long. Barot et Lussinge voulurent voir toutes les demoiselles effrontées qui remplissaient alors le foyer de Covent-Garden. Enfin, Barot et moi, nous arrivâmes dans notre petite maison. Quand ces demoiselles virent déballer des bouteilles de claret et de champagne, les pauvres filles ouvrirent de grands yeux. Je croirais assez qu’elles ne s’étaient jamais trouvées vis-à-vis une bouteille non déjà entamée de real champaign, champagne véritable.

Heureusement, le bouchon du nôtre sauta ; elles furent parfaitement heureuses, mais leurs transports étaient tranquilles et décents. Rien de plus décent que toute leur conduite. — Nous savions déjà cela.

Ce qu’il y a de plaisant, c’est que pendant mon séjour en Angleterre, j’étais malheureux quand je ne pouvais pas finir mes soirées dans cette maison.

Ce fut la première consolation réelle et intime au malheur qui empoisonnait tous mes moments de solitude. On voit bien que je n’avais que vingt ans, en 1821. Si j’en avais eu trente-huit, comme semblait le prouver mon extrait de baptême, j’aurais pu essayer de trouver cette consolation auprès des femmes honnêtes de Paris qui me marquaient de la sympathie. Je doute cependant quelquefois que j’eusse pu y réussir. Ce qui s’appelle air du grand monde, ce qui fait que Mme de Marmier a l’air différent de Mme Edwards me semble souvent damnable affectation et pour un instant ferme hermétiquement mon cœur.

Voilà un de mes grands malheurs, l’éprouvez-vous comme moi ? Je suis mortellement choqué des plus petites nuances.

Un peu plus ou un peu moins des façons du grand monde fait que je m’écrie intérieurement : Bourgeoise ! ou poupée du boulevard Saint-Germain ! et à l’instant je n’ai plus que du dégoût ou de l’ironie au service du prochain.

On peut connaître tout, excepté soi-même : « Je suis bien loin de croire tout connaître, » ajouterait un homme poli du noble faubourg attentif à garder toutes les avenues contre le ridicule. Mes médecins, quand j’ai été malade, m’ont toujours traité avec plaisir comme étant un monstre, pour l’excessive irritabilité nerveuse. Une fois, une fenêtre ouverte dans la chambre voisine dont la porte était fermée me faisait froid. La moindre odeur (excepté les mauvaises) affaiblit mon bras et ma jambe gauche, et me donne envie de tomber de ce côté.

— Mais c’est de l’égotisme abominable que tous ces détails !

— Sans doute, et qu’est ce livre, autre chose qu’un abominable égotisme ! À quoi bon étaler de la grâce de pédant comme M. Villemain dans un article d’hier sur l’arrestation de M. de Chateaubriand ?

Si ce livre est ennuyeux, au bout de deux ans il enveloppera le beurre chez l’épicier ; s’il n’ennuie pas, on verra que l’égotisme, mais sincère, est une façon de peindre ce cœur humain dans la connaissance duquel nous avons fait des pas de géant depuis 1721, époque des Lettres persanes de ce grand homme que j’ai tant étudié : Montesquieu.

Le progrès est quelquefois si étonnant que Montesquieu en paraît grossier[2].

Je me trouvais si bien de mon séjour à Londres depuis que toute la soirée je pouvais être bonhomme, en mauvais anglais, que je laissai repartir pour Paris le baron, appelé par son bureau, et Barot, appelé par ses affaires de Bacarat et de Cardes. Leur société m’était cependant fort agréable. Nous ne parlions pas beaux-arts, ce qui a toujours été ma pierre d’achoppement avec mes amis. Les Anglais sont, je crois, le peuple du monde le plus obtus, le plus barbare. Cela est au point que je leur pardonne les infamies de Sainte-Hélène.

Ils ne les sentaient pas. Certainement, en le voyant, un Italien, un Allemand même, se serait figuré le martyre de Napoléon. Ces honnêtes Anglais, sans cesse côtoyés par l’abîme du danger de mourir de faim s’ils oublient un instant de travailler, chassaient l’idée de Sainte-Hélène, comme ils chassent l’idée de Raphaël, comme propre à leur faire perdre du temps, et voilà tout.

À nous trois : moi pour la rêverie et la connaissance de Say et de Smith (Adam), le baron de Lussinge pour le mauvais côté à voir en tout, Barot pour le travail (qui change une livre d’acier valant douze francs en trois quarts de livres de ressorts de montres, valant dix mille francs), nous formions un voyageur assez complet.

Quand je fus seul, l’honnêteté de la famille anglaise qui a dix mille francs de rente se battit dans mon cœur avec la démoralisation complète de l’Anglais, qui, ayant des goûts chers, s’est aperçu que pour les satisfaire, il faut se vendre au gouvernement. Le Philippe de Ségur anglais est pour moi, à la fois, l’être le plus vil et le plus absurde à écouter.

Je partis sans savoir, à cause du combat de ces deux idées, s’il fallait désirer une Terreur qui nettoierait l’étable d’Augias en Angleterre.

La fille pauvre chez laquelle je passais les soirées m’assurait qu’elle mangerait des pommes et ne me coûterait rien si je voulais l’emmener en France.

J’ai été sévèrement puni d’avoir donné à une sœur que j’avais le conseil de venir à Milan, en 1816, je crois. Mme Périer s’est attachée à moi comme une huître, me chargeant à tout jamais de la responsabilité de son sort. Mme Périer avait toutes les vertus et assez de raison et d’amabilité. J’ai été obligé de me brouiller pour me délivrer de cette huître ennuyeusement attachée à la carène de mon vaisseau, et qui bon gré mal gré me rendait responsable de tout son bonheur à venir. Chose effroyable !

Ce fut cette effrayante idée qui m’empêcha d’emmener Miss Appleby à Paris.

J’aurais évité bien des moments d’un noir diabolique. Pour mon malheur, l’affectation m’étant tellement antipathique, il m’est fort difficile d’être simple, sincère, bon, en un mot parfaitement Allemand avec une femme française.

(J’augmenterai cet article de Londres en 1821, quand je retrouverai mes pièces anglaises avec les dates des jours où je les avais vu jouer.)

Un jour, on annonça qu’on pendait huit pauvres diables. À mes yeux, quand on pend un voleur ou un assassin en Angleterre, c’est l’aristocratie qui immole une victime à sa sûreté, car c’est elle qui l’a forcé à être scélérat, etc. Cette vérité, si paradoxale aujourd’hui, sera peut-être un lieu commun quand on lira mes bavardages.

Je passai la nuit à me dire que c’est le devoir du voyageur de voir ces spectacles et l’effet qu’ils produisent sur le peuple qui est resté de son pays (who has raciness). Le lendemain, quand on m’éveilla, à huit heures, il pleuvait à verse. La chose à laquelle je voulais me forcer était si pénible, que je me souviens encore du combat. Je ne vis point ce spectacle atroce.



  1. En cinq jours, 20-24 juin 1832, j’en suis ici, id est à la 148e page. Rome, juin 1832.

    Reçu hier une lettre de Cachemyr, juin 1831, de Victor Jacquemont.

  2. Je suis heureux en écrivant ceci. Le travail officiel m’a occupé en quelque façon jour et nuit depuis trois jours (juin 1832). Je ne pourrais reprendre à quatre heures mes lettres aux ministres cachetées — un ouvrage d’Imagination. Je fais ceci aisément sans autre peine et plan que : me souvenir.