Aller au contenu

Souvenirs d’outre-mer/13

La bibliothèque libre.


LE CARACTÈRE ITALIEN.



Comment expliquer le fait, qu’aux lieu et place de ces Romains de haute et forte stature, invincibles sur les champs de bataille, l’Italie nous présente aujourd’hui une race un peu au-dessous de la moyenne ?

En cela, rien d’étonnant, si l’on considère que Rome fut envahie, à diverses époques, par les Goths, les Visigoths, les Vandales et autres peuples barbares ;

Que les Romains, eux-mêmes, après avoir subjugué toutes les nations, émigrèrent un peu partout, surtout à Byzance aujourd’hui Constantinople ;

Le vrai type romain dut en conséquence subir des modifications considérables.

L’Italie est catholique, mais l’Italien entend le catholicisme à sa manière et le fait marcher de pair avec le patriotisme :

Ardent partisan de l’unité italienne, qui est peut-être une utopie, à cause des différences notables dans les origines, les mœurs, les coutumes et le tempérament, des populations disséminées dans ce beau royaume, l’Italien aime et vénère également le pape et son roi, le souverain Pontife et les spoliateurs de ses états, l’auguste prisonnier du Vatican et le potentat qui trône à côté sur un domaine usurpé.

Dans les masses encore imbues de l’esprit chrétien (passons sous silence le petit groupe des carbonari et des impies), on pousse le patriotisme jusqu’à l’excès, en acclamant les noms de Cavour, Garibaldi, Humbert, Victor-Emmanuel, aussi bien que ceux de Pie IX, Léon XIII et Pie X.

On voit la preuve de ce bizarre enthousiasme, par la magnifique statue équestre érigée en l’honneur de Garibaldi sur le mont Janicule, et les riches monuments rappelant la mémoire de Victor-Emmanuel et d’Humbert, dans le Panthéon.

L’Italien est vif, très intelligent et passionné.

Il aime la culture des beaux-arts.

Les beautés de son pays et de son climat, les chefs-d’œuvre parmi lesquels il vit, le prédisposent pour l’art, l’idéal, le sublime.

Aussi, l’Italie est le pays des artistes.

L’Italien sait faire parler la toile et les couleurs, comme il sait faire pleurer le marbre.

Il excelle surtout dans la mosaïque.

Je me rappelle avoir vu, lors de l’exposition Colombienne à Chicago, dans le grand palais des Arts, une statue en marbre d’un exposant italien, qui fut primée.

Cette statue représentait une veuve en deuil :

On distinguait son voile, et des larmes paraissaient couler sous ce voile.

Comment le ciseau de l’artiste peut-il atteindre cette perfection ?

C’est là le secret du génie italien.

Le culte de la Vierge Marie est très populaire en Italie, et les madones sont en grand honneur et en grande vénération.

Mais l’Italien pratique cette dévotion à sa guise, et il demandera quelquefois à la Madone, des choses un peu cocasses : v. g. s’il veut exercer une vengeance (car il est vindicatif), il la priera de diriger son bras pour ne pas manquer son ennemi :

Demande un peu embarrassante pour la Mère de Celui qui pardonna à ses bourreaux.

C’est bien alors le temps de dire avec le poète :

« Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots ? »

L’habitant de l’Italie est très discret, et les secrets sont bien gardés, —trop bien parfois.

L’Italien est économe et modeste dans son genre de vie.

L’ouvrier italien trouve le moyen de bien vivre avec ses gages de quatre à cinq lires par jour.