Souvenirs de la Basse Cornouaille/Livraison 2/13

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XIII

La Fontenelle prisonnier au nom du Roi

La première, la famille de Lavillerouaut avait porté des plaintes… Il y eut quelques mois de répit à ce désir de vengeance. Pendant quelques temps le silence se fit, mais en haut lieu, il y eut plus de recrudescence paraît-il à cet acharnement posthume.

Justice, avait dit la famille. Le roi n’a pu pardonner pareils crimes, ce ne sont pas des faits de guerre, mais de scélératesse.

Sur ces entrefaites, la conspiration de Biron éclate. Comment le nom de La Fontenelle fût-il en jeu ? Le rusé Florentin, l’envoyé de Mercœur avait donc parlé… À l’ile Tristan, ne lui avait-on pas dit ? Je verrai si un marquisat offert par Philippe II ? N’avait-on pas trouvé des Espagnols au fort ?

Un jour, M. de Coëtnizan, commandant les troupes royales à Morlaix (ordre du 16 août 1602), reçoit du Gouverneur de Bretagne, l’ordre de s’emparer sans délai du baron de La Fontenelle. Personnel à Coëtnizan… remarquons que d’Espinay de Saint-Luc, n’était plus gouverneur de Bretagne.

Guy Éder se trouvait alors à Trébriant, près Plestin… Ce manoir situé en Trémel était bien délabré, simple corps de logis, au milieu d’une cour.

Ces détails intéressant peu, j’abrège.

La Fontenelle se promenait à cheval dans un petit bois avoisinant les communs du château… il est seul, livré à ses réflexions… Que de souvenirs agitent son âme !

Coëtnizan débouche subitement dans la clairière, il est accompagné d’une trentaine d’hommes… Il saisit subitement Guy Éder à la gorge… Au nom du roi je vous arrête.

Guy Éder veut se dégager, mais trente arquebuses sont braquées sur sa poitrine… Le lion veut se précipiter, mille étincelles jaillissent de ses yeux…… misérables traitres, vocifère-t-il, et il essaie de se frayer un passage.

Un soldat a saisi les guides du cheval, il est forcé de lâcher prise pendant qu’un des assaillants saisit son épée qu’il ne peut reprendre.

Les hommes d’armes, les uns par devant, les autres par derrière parviennent à le lier… nous savons quelle est sa force prodigieuse, mais elle est impuissante… À Morlaix on ne l’ignore pas, aussi a-t-on choisi de vigoureux hommes d’armes.

Baron de La Fontenelle, vous êtes prisonnier du Gouverneur militaire de Morlaix, au nom du roi, je Vous arrête.

Ordre est donné à deux vigoureux gaillards, de ne pas le quitter des yeux.

Le lendemain il est conduit à Rennes… Quelques jours d’incarcération ne peuvent abattre sa force d’âme. Monbarrot, le gouverneur de Rennes, à reçu l’ordre de le diriger sur Paris. C’est un voyage de plusieurs jours.

Sur ses traits on remarque la colère, la rage du lion, du tigre qu’un piège a capturé… et c’est le corps brisé qu’il arrive à Paris à neuf heures du matin.

Le bruit de l’arrivée du dévastateur de la Cornouaille se répand dans Paris… C’est le ligueur exécré, craint de tous que l’on amène, et la curiosité la plus grande s’empare de toutes les classes de la société.

La Fontenelle est conduit à la Bastille Saint-Antoine. Craignait-on donc que les hautes tours de cette forteresse fussent nécessaires pour rassurer ses ennemis ? À peine si le prisonnier daignait se réconforter d’un peu de nourriture.