Souvenirs de ma jeunesse au temps de la Restauration/Chapitre 1

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CHAPITRE I

UN DÉBUT À PARIS EN 1820


Notre génération a connu toutes les extrémités des choses humaines, et ses cris de douleur retentissent aujourd’hui moins haut en Europe que ne le faisaient, il y a soixante ans, les chants de triomphe au bruit desquels elle entra dans la vie. En elle s’accomplit l’unité du drame qui rattache au souvenir de nos fautes leur terrible expiation. Mais entre les gloires et les hontes également sanglantes des deux empires, s’étend une ère pacifique, sorte de trêve de Dieu, durant laquelle le pays tenta la solution des plus ardus problèmes de l’ordre politique, tandis que l’humanité semblait prendre, en triomphant de l’espace et du temps, une possession plus complète du domaine de la création.

C’est dans le cours de ces fécondes années que se concentreront ces souvenirs. Ils correspondent à la première période d’une existence qui s’ouvrit à l’heure même où la couronne de France fut ramassée par un soldat. Ma vie commença au sortir de la crise révolutionnaire dans des conditions difficiles, et mes premières pensées se reportent sur une sorte de duel systématiquement entretenu entre la détresse et l’orgueil. Issu d’une vieille maison bretonne ruinée, je trouvais la souffrance assise à notre foyer, et je chauffais les bancs d’un collège communal où j’étais, selon toutes les vraisemblances, appelé à terminer une éducation fort incomplète.

Je n’avais, pour agrandir l’horizon de mes espérances et de mes pensées, que les illusions d’une tendre mère, car mon père ayant repris du service après sa rentrée de l’émigration se trouvait alors prisonnier de guerre en Allemagne, et c’était sur elle seule que portait le poids alors si lourd des devoirs domestiques. Sa préoccupation dominante était d’élever l’âme de son fils au-dessus du niveau de la mauvaise fortune, et pour atteindre ce but constant de ses efforts, elle prenait des moyens parfois un peu singuliers : elle avait imaginé, par exemple, de m’apprendre à lire dans l’Histoire de Bretagne des Bénédictins, et me donnait une petite récompense chaque fois que, dans ces gros in-folios, je parvenais à découvrir et à déchiffrer le nom d’un de mes ancêtres. Lorsque plus tard je regardais avec quelque tristesse les vides nombreux laissés dans notre rentier de famille, elle me mettait sous les yeux ma généalogie, affirmant que les quartiers de celle-ci étant plus nombreux que les vides de celui-là, je n’éprouverais plus tard aucune difficulté pour les combler, pronostic que l’événement n’a pas du tout confirmé.

Les grandes scènes de la Terreur formaient la matière habituelle de nos entretiens du soir. Ma mère me racontait sa vie dans la prison de Quimper, où ma sœur au berceau passa ses deux premières années. Elle me disait ses mortelles tristesses lorsqu’elle rentra dans son habitation dévastée, me montrant, magnifique d’éloquence, les matelas de son lit transpercés par les baïonnettes, lors des visites ordonnées par le district afin de rechercher mon père émigré ; elle me révélait les cachettes où les prêtres célébraient les divins mystères pour de rares fidèles placés comme eux sous une menace de mort, et sa parole émue encadrait pour moi d’une radieuse auréole ces lieux sanctifiés par tant de larmes.

Mais de quelque amour que j’entourasse l’habitation dont les vieux bois abritèrent mes premiers rêves, une attraction irrésistible vers l’inconnu me poussait à me dégager de l’air dont la pesanteur m’étouffait : j’aspirais à Paris de toutes les puissances de ma jeune âme. M’y envoyer terminer une éducation dont j’avais pris en aversion les méthodes et les instruments, tel était le vœu de ma mère comme le mien. Mais si naturel qu’il fût de le former, ce souhait-là restait fort difficile à accomplir, car nos revenus couvraient à peine nos charges, obstacle péremptoire qui disparut par un événement des plus imprévus.

J’ouvre ici une parenthèse afin de conseiller à ceux qui doutent de l’action incessante de la Providence, de l’étudier empiriquement, dans une sphère restreinte, en observant sans parti pris cette action-là dans ce qui les touche directement eux-mêmes. Cette étude conduit presque toujours à s’assurer que, constamment libre dans ses résolutions dont il porte et doit porter l’entière responsabilité, l’homme se trouve dans une dépendance au moins médiate de certains faits primitifs survenus en dehors de ses prévisions et de ses calculs. L’ordonnateur souverain des choses d’ici-bas, celui que l’Écriture nomme le Dieu jaloux, a voulu que, pour les esprits même les plus perspicaces, l’imprévu demeurât le fond de la vie humaine. On va voir que, bien jeune encore, les événements m’ont prédisposé à penser ainsi.

Dans l’hiver de 1818 à 1819, une lettre nous apporta la nouvelle la plus étonnante, la plus surprenante, en joignant à ces qualifications toutes celles de madame de Sévigné. Elle venait d’un grand-oncle maternel qui, depuis trente ans, habitait Paris. Ce vieux parent, avec lequel nous étions à peu près sans relations, proposait à ma mère de me recevoir et de me garder chez lui pour y compléter mes études afin de me préparer à une carrière. C’était mon rêve accompli par la voie la plus imprévue, et je vois encore ma mère prosternée dans notre vieille chapelle, remerciant Dieu d’avoir ôté de son cœur la plus cruelle de ses épines en ouvrant un avenir devant son fils. Toutefois, en acceptant sans hésiter cette proposition, elle éprouvait, sans parler de la douleur de me quitter à l’âge où ses soins m’étaient encore si nécessaires, des angoisses dont cette femme forte se gardait bien de révéler toute l’étendue.

J’avais à peine seize ans ; mon surveillant futur en avait soixante-dix-neuf ; il passait pour un parfait égoïste, et rien ne l’avait préparé à la charge de diriger un jeune homme à l’heure où s’éveillent les passions. Il aimait fort ses aises, et regrettait, disait-on, en ne s’en cachant guère, ses beaux jours qui lui avaient valu les plus brillants succès. Doué d’une figure des plus agréables et de ce qu’on nommait au siècle dernier un esprit charmant, le chevalier de Lanzay-Trézurin, entré dans l’armée à dix-sept ans, avait été en liaisons assez étroites avec plusieurs des notabilités littéraires de son époque. Grâce aux bontés de madame Denis, nièce de M. de Voltaire, qu’il avait rencontrée à Besançon, il avait passé, de 1765 à 1771, plusieurs semestres à Ferney, admis au nombre des nébuleuses groupées autour de l’astre devant lequel s’inclinaient les peuples et les rois. Avec les habitudes de son temps, il en avait conservé les idées, ne reconnaissant à celles-ci qu’un seul tort, celui d’avoir concouru au renversement de la monarchie, dont M. de Voltaire aurait été, d’après lui, le plus ardent défenseur. Aussi correct dans ses vers que dans sa conversation, mon oncle avait écrit une tragédie en cinq actes, sorte de charge à fond et à froid contre le fanatisme des Croisades, œuvre sentencieuse imprimée à Genève en 1769, dont M. de Voltaire avait daigné entendre quelques tirades, et dont je fus plus d’une fois condamné à subir la lecture intégrale !

M. de Trézurin abhorrait la révolution et l’empire, la révolution s’étant, disait-il, opérée sans motif, et l’Empire n’ayant pas produit un seul grand homme. Son principal grief contre les temps nouveaux, c’était l’insolente prétention de placer des renommées nouvelles à côté des divinités de l’Olympe philosophique dont il était demeuré le gardien jaloux. Tout confit dans les souvenirs de sa jeunesse, il traversait le dix-neuvième siècle sans lien avec ses contemporains, et ne voulant prendre au sérieux ni leurs œuvres, ni leurs intérêts, ni leurs luttes. Je lui ai entendu dire plus d’une fois que nos querelles politiques, dont il avait le plus parfait dédain, finiraient comme les débats de sa jeunesse entre l’école musicale de Gluck et celle de Piccini.

Réfugié à Paris depuis l’époque de la Terreur, et longtemps caché dans un faubourg reculé, il avait mené sans bruit et sans scandale une existence de vieux garçon, ne connaissant qu’un ennemi, l’ennui qui l’éprouvait souvent dans l’uniformité de sa vie à peu près solitaire. Il entretenait une correspondance régulière avec le club international des échecs, passait ses journées au café de la Régence, à suivre des parties d’échecs, ou bien à contempler les prouesses, au billard, de Maingo et autres joueurs alors fameux. Il s’endormait le soir sur la Quotidienne les pieds dans les chaudes pantoufles que lui préparait sa gouvernante Rabet, et ne recevait guère, dans le joli petit appartement qu’il habitait alors, rue de Tournon, que deux ou trois chevaliers de Saint-Louis, ses anciens camarades au régiment de Conti. C’étaient de vieux débris de la guerre de Sept Ans, assez disposés à placer la bataille de Hastenbeck à côté de la bataille d’Austerlitz, et s’accordant pour déclarer que le génie militaire du général Bonaparte, surfait par les ennemis de la monarchie légitime, ne s’élevait guère au-dessus de celui du maréchal d’Estrées. Tel était l’intérieur où j’étais appelé à vivre entre un vieillard, sa gouvernante et son caniche.

En réponse à la bienheureuse lettre, on m’avait expédié en grande vitesse, par la diligence. Parti du fond de la basse Bretagne, j’arrivai à Paris le cinquième jour, rapidité qu’admirait fort un officier de la vieille marine, lequel, à la fin de la guerre d’Amérique, avait mis dix jours, me disait-il, pour faire le trajet de Brest à Versailles par le coche.

À peine arrivé, je compris que ma mère avait été bien avisée en me faisant partir sans retard, et que j’avais dû cette invitation à un accès d’humeur noire dont un beau coup d’échecs avait peut-être triomphé le lendemain. Songeant un moment à rompre la monotonie de son existence, mon oncle avait imaginé que la présence d’un jeune homme pourrait y concourir, et n’avait guère réfléchi aux obligations que cette démarche ne pouvait manquer d’entraîner pour lui. D’un ton où l’indolence tempérait l’affection, il me dit qu’il était charmé de me voir, et me conseilla de tirer bon parti, pour mon instruction, des nombreuses ressources qu’allait m’offrir Paris ; il ajouta que j’y vivrais à mes périls et risques, et que si je succombais aux dangers que cette ville présente à la jeunesse, je ne tarderais pas à le regretter, une bonne conduite n’étant pas moins nécessaire pour faire son chemin dans le monde que pour conserver sa santé. Il termina en m’invitant à visiter les curiosités de la capitale sans me faire écraser par les voitures. Muni de ces solides instructions, je fus installé dans ma chambrette et je reçus pour mot d’ordre d’être exact aux repas, de rentrer sans bruit et surtout de ne pas m’exposer, en traversant le salon, à déranger l’échiquier que mon oncle tenait constamment en bataille contre ses adversaires d’Angleterre ou de Hollande.

Ce fut ainsi que je me trouvais lancé comme un esquif sans boussole sur cet océan dont je ne soupçonnais encore ni les orages ni les écueils. J’arpentais Paris du matin au soir, sans guide et à peu près sans but, un vieillard s’en remettant à la sagesse d’un enfant du soin de chercher à tout hasard des moyens d’instruction qu’un bon collège aurait pu seul lui procurer.

Lorsque j’évoque, après un demi-siècle, ces souvenirs au milieu desquels se dressent d’ardentes images, et que je me représente, dans mon inexpérience absolue, conduit au port par le flot même qui semblait devoir m’en écarter, je m’incline, les yeux pleins de larmes, sous la main qui m’a visiblement préservé. Appelé à Paris par la voie la plus inattendue, je m’y suis vu protégé d’une manière plus providentielle encore. La logique a été complètement mise en défaut, comme on va le voir, car le milieu qui pouvait être le plus redoutable écueil de ma vie morale fut pour moi la cause déterminante de la plus salutaire évolution.

Un jour, au milieu des affiches de spectacle, j’avisai le programme semestriel des cours du Collège de France et de la Faculté des lettres. Je m’acheminai vers le pays latin par désœuvrement, sans soupçonner que cette affiche venait de décider mon avenir. Je pris un goût soudain et prononcé pour ce mode d’enseignement où le travail du maître fait, tous les frais, les intelligences paresseuses n’ayant qu’à profiter de ses efforts, à peu près comme l’enfant, pour apprendre à parler, profite des paroles de sa mère. J’absorbai tous les jours, sans trop les digérer, une prodigieuse quantité de leçons sur les sujets les plus divers. Ces matières s’accumulaient sans suite dans ma mémoire, comme dans un réservoir inépuisable. Mais au milieu de cette confusion, j’entrevoyais des perspectives dont le mystère m’attirait, et je devinais assez pour souhaiter comprendre. Tout était plaisir et rien n’était travail, car le caractère de cette étrange éducation fut d’être à la fois attrayante et passive. J’allais de l’éloquence à la poésie, de l’histoire ancienne à l’histoire moderne, quelquefois même du droit public à la chimie. J’entendais M. Guizot développer, avec un esprit politique dont la profondeur m’échappait encore, les origines de la féodalité, et M. Villemain dérouler celles de la littérature française avant le dix-septième siècle. Il m’arrivait, quoique plus rarement, de recevoir en pleine poitrine la décharge électrique de M. Cousin, alors maître de conférences à l’École normale, et je cherchais le sens de la leçon dans le regard inspiré du jeune professeur. Ce kaléidoscope charmait ma vue sans jamais la lasser. J’avais élu domicile à la Sorbonne et à la place Cambrai, à ce point que l’appariteur, me voyant passer des leçons de géographie de M. Barbier du Bocage au cours de droit des gens de M. de Porletz, et me croyant dès lors de force à tout supporter, vint un jour me demander de vouloir bien servir d’auditoire au malheureux professeur de chinois. Incapable jusqu’alors de consacrer une heure à faire une version latine, j’éprouvais une satisfaction inexprimable à entendre M. Burnouf expliquer Tacite, et M. Tissot commenter Virgile plus heureusement qu’il ne l’avait traduit.

J’essayerais vainement de peindre l’étonnement de mon vieil oncle, lorsqu’à l’heure du dîner, il m’interrogeait sur l’emploi de ma journée passée à peu près tout entière dans le quartier latin. Il marchait de surprise en surprise, d’exclamations en exclamations, et celles-ci n’étaient pas toujours flatteuses pour mon amour-propre. Ce fut bien pis lorsqu’au goût des choses intellectuelles, je commençai à joindre celui des intérêts politiques, et qu’il m’eut surpris lisant le Conservateur et la Minerve quand sa bibliothèque pouvait fournir à un jeune homme tant de livres où les juvenilia ne manquaient point. En me rencontrant quelquefois, un journal à la main, dans les allées du Luxembourg, sa promenade habituelle, il accordait de pompeux éloges à ma gravité doctorale, me prédisant une place sur le canapé doctrinaire, point de mire habituel de ses sarcasmes, un sourire légèrement ironique me faisant comprendre qu’il m’aurait volontiers appliqué le joli vers d’un autre vieillard dans une adjuration à un jeune pédant :

Prêtez-moi vos vingt ans si vous n’en faites rien.

Je me hâte d’ajouter qu’un tact exquis maintenait mon grand-oncle dans la maxima reverentia due à l’enfance. Il était trop homme d’honneur, comme on disait au dix-huitième siècle, trop honnête homme, comme on disait au dix-septième, trop galant homme, comme on dirait aujourd’hui, pour s’exposer jamais à ébranler dans le cœur d’un fils les enseignements de sa mère.

Eu échange d’un résumé fort indigeste des leçons que j’avais entendues dans la journée, mon oncle entassait chaque soir tout ce que peut comporter d’anecdotes la carrière d’un octogénaire spirituel qui avait surtout observé le côté plaisant des choses humaines. Ferney et Genève étaient les sources principales d’où s’écoulait le flot intarissable de ces récits. Le plus fervent voltairien n’aurait pas résisté à ces douches d’eau glacée. Le grand homme dont je voyais grimacer la figure au milieu de ses plats courtisans, m’inspirait un dégoût dans lequel l’ennui entrait assurément pour quelque chose. Je savais par cœur les détails touchant l’ambassade envoyée par Catherine II au frileux vieillard, afin de lui porter des hommages et des fourrures ; je n’ignorais rien des querelles de M. de Voltaire avec le roi de Prusse, et j’étais au courant de tous les efforts tentés à Ferney pour s’y concilier la bienveillance de madame du Barry, aux premiers temps de sa faveur. À la monotone histoire des accès de colère épileptique contre Fréron, Nonnotte ou Pompignan, au long exposé des manœuvres journellement pratiquées par le patriarche pour déshonorer un adversaire ou pour grandir un disciple, je préférais, torture pour torture, les détails cent fois répétés de la vie genevoise et le tableau de cette petite société puritaine qui subissait à cette époque la double influence de Coppet et de Ferney.

Le chevalier de Trézurin avait passé ses meilleurs jours à Genève, où chacun de ses congés de semestre le ramenait, quoiqu’il affectât pour cette ville une sorte de dédain peu sincère. Lié avec les Saussure, les Cramer et les Bonnet, il avait conservé des souvenirs fort vifs de ce monde d’élite, contre lequel il n’avait au fond qu’un grief, les importations anglo-germaniques dont M. Necker et sa fille, qu’il appelait un homme manqué, devinrent bientôt après les agents principaux en France pour la politique et les lettres. Il prétendait que Genève, séjour ravissant pendant le jour, devenait inhabitable aux lumières, parce que les femmes, charmantes de naturel lorsqu’on les rencontrait à la promenade au bord de leur beau lac, s’y croyaient obligées de prendre dans le monde des airs de prudes, et qu’elles se tenaient au bal comme au prêche, sans que, d’ailleurs, le diable y perdît rien. Aussi ne manquait-il jamais de rentrer à Ferney chaque soir, ainsi le voulait madame Denis. Un jour qu’il avait dîné chez madame de Saussure, et qu’il prenait congé à l’heure habituelle : « Vraiment, chevalier, lui dit la maîtresse de la maison, je ne sais pourquoi vous fuyez toujours Genève à la nuit ; prendriez-vous notre ville pour une caverne de voleurs ? — Ah ! madame, répondit-il, dites plutôt pour une caverne d’honnêtes gens ! »

Des nombreux souvenirs demeurés dans ma mémoire, je détache une seule anecdote qui me paraît mettre en pleine lumière le contraste de la rude bourgeoisie genevoise et la brillante vivacité de cette bonne compagnie française dont j’avais sous les yeux un type de la plus parfaite conservation.

Le chevalier de Trézurin, souffrant depuis plusieurs jours d’une dent qui le laissait sans repos, vint à Genève pour en faire opérer l’extraction. Le dentiste lui ayant fait savoir qu’il se rendrait à une heure déterminée à l’hôtel où M. de Trézurin était descendu, celui-ci, momentanément soulagé, crut, à l’heure du dîner, devoir prendre place à la table d’hôte. Trois gros citadins de la Suisse allemande y étaient installés en face du jeune officier français, dont la toilette soignée provoqua leur étonnement, qui ne tarda pas à se révéler par quelques sarcasmes d’un goût douteux. Cependant la conversation s’engagea, et mon oncle faisant, pour tromper sa douleur, les plus grands frais d’amabilité, les impressions d’abord peu favorables de ses austères commensaux se modifièrent sensiblement. On causa de la Suisse, dont M. de Trézurin parla avec l’enthousiasme d’un compatriote de Guillaume Tell, et les républicains en vinrent bientôt à pardonner à l’officier français ses ailes de pigeon et les colifichets de sa toilette. Pourtant, avant de se rendre et de tenir le jeune Français pour un bon compagnon, le plus âgé des trois résolut de tenter une épreuve suprême, afin de s’assurer que l’étranger avait le caractère aussi bien façonné que l’esprit.

« Monsieur, lui dit-il, en vous entendant tout à l’heure déclarer en termes si chaleureux que si vous n’étiez pas Français vous auriez voulu naître Suisse, j’ai conçu l’espoir que vous nous feriez l’honneur de porter avec nous un toast aux treize cantons. » On juge avec quel empressement cette proposition fut acceptée. Les verres se remplirent jusqu’aux bords, et au moment où M. de Trézurin allait vider le sien : « Pardon, monsieur, s’écria l’homme qui tentait l’expérience, mais vous y mettez tant de bonne grâce, que vous nous encouragez vraiment à vous traiter tout à fait en compatriote. Or nous avons ici un usage qui pourra vous étonner, mais auquel nous tenons beaucoup : chaque fois que nous buvons à nos confédérés, nous nous imposons toujours un petit sacrifice. » Et le vieux rustre, avisant les manchettes de dentelles du jeune gentilhomme qui l’offusquaient depuis le commencement du repas, commença par déchirer ses manchettes de toile. « Excellente pensée, s’écria aussitôt le chevalier, bien digne de naître dans cette patrie de toutes les vertus, et à laquelle je suis heureux de m’associer, messieurs, en imitant votre exemple ! » Et d’un geste de Spartiate, avant de porter son verre à ses lèvres, il mit ses belles manchettes en lambeaux.

Les applaudissements éclatèrent et la victoire fut complète. On continua le repas, et le chevalier, ayant dit quelques paroles à l’oreille d’un domestique, se leva pour remercier, ses nouveaux amis d’une bienveillance dont il leur demandait la continuation ; mais comme gage des sentiments qu’il était heureux de leur avoir inspiré, il les requit à son tour de vouloir bien lui faire raison en portant avec lui la santé du roi de France. Cette proposition reçut un accueil chaleureux, et l’on allait boire le Champagne lorsque M. de Trézurin, arrêtant l’élan des convives, leur dit d’un ton grave : « Un instant, messieurs, s’il vous plaît ; j’ai comme vous une habitude singulière, à laquelle vous vous conformerez, j’en suis bien sûr, comme je me suis conformé à la vôtre : je ne porte jamais la santé de mon souverain sans me faire arracher une dent, et la chose sera d’autant plus facile que voici précisément un dentiste qui entre. » Et M. de Trézurin se mit immédiatement en position, pendant que les trois Suisses, moins héroïques que ceux du serment légendaire, s’enfuyaient à toutes jambes.

Les historiettes qui formaient la base de mon ordinaire n’avaient pas toutes la même saveur. À mesure que ce régime se prolongeait, il m’inspirait une répugnance plus prononcée. Rien ne réussit moins près des jeunes gens que la légèreté chez les vieillards. Les physiologistes qui ont constaté l’influence habituellement décisive des milieux sur les espèces ont omis de dire que pour les individus qui s’y dérobent, par exception, le milieu devient la cause d’un développement anormal dans un sens contraire. Or le milieu dans lequel j’avais été jeté, à l’heure même où s’épanouissait ma vie intellectuelle, détermina une évolution opposée à celle qu’on aurait pu prévoir et redouter. Le dégoût de la frivolité sénile me rendit grave ; j’accueillis avec ardeur les idées de mon temps, en présence d’un débris d’une autre époque qui ne sut pas m’inspirer le respect auquel ont droit les ruines ; je pris en mépris l’ancien régime, auquel je trouvais si peu de titres pour insulter le nouveau ; et comme ce régime-là s’était surtout montré sous les traits de M. de Voltaire, qui, dans son cynisme élégant, en fut en effet l’un des types les plus vrais, il arriva, par l’influence même de l’intérieur où je fus appelé à vivre, qu’à vingt ans je me trouvais être, contrairement à ce qui avait lieu pour la plupart de mes contemporains, et très-libéral et antivoltairien décidé, séparant instinctivement ce que la jeunesse presque tout entière associait alors dans l’unité d’un même symbole.

Les vieux commensaux de mon oncle ont été mes véritables instituteurs politiques. J’entendais, en effet, chaque jour, des affirmations si étranges, que le silence commandé par mon âge avait fini par devenir une véritable torture. Aucun d’entre eux ne doutait, par exemple, de la complicité du ministre de la police dans l’assassinat du duc de Berry, et le nom du régicide Fouché leur inspirait bien moins d’horreur que celui de M. Decazes. Aujourd’hui nous sommes devenus trop froids pour pouvoir encore rester injustes, lors même que nous en aurions la bonne volonté ; nous ne pouvons plus comprendre les miracles de folle crédulité qui, durant la première période de la restauration, s’opéraient par toute la France. Depuis vingt ans, surtout, nous avons contracté une si juste habitude du mépris, que nous éprouvons une sorte d’impossibilité à nous élever jusqu’à la haine.

Dix-huit mois s’étaient écoulés dans cette éducation spontanée : et cette vie de labeurs décousus avait plus profité, comme on le pense bien, au développement de mon intelligence qu’à celui de mon instruction proprement dite. Une antipathie invincible pour les sciences mathématiques me détourna de l’École militaire, malgré le vœu de ma famille, et je pris la résolution fort sensée de faire mon droit. L’admission à l’école étant alors subordonnée à certaines conditions d’études universitaires, je suivis bravement comme externe, sans consulter mon oncle, que cela aurait d’ailleurs fort peu touché, le cours de philosophie du collège Louis-le-Grand. Cette année fut la plus laborieuse de ma vie : consacrée à reprendre en sous-œuvre l’édifice entier d’un enseignement classique des plus insuffisants, elle fut terminée par des succès au concours général, dont la mention au Moniteur surprit beaucoup les régents du collège de Quimper qui avaient prononcé contre moi, et ce n’était pas sans raison, plus d’un arrêt tenu pour définitif.

Le temps du droit est le meilleur de la vie. Revêtu de la robe prétexte, le jeune homme, dans la plénitude de sa liberté enfin conquise, s’aventure en ce monde inconnu ouvert devant lui, comme l’oiseau qui use de ses jeunes ailes pour se perdre dans les profondeurs de l’horizon. La période écoulée de 1820 à 1830, au milieu de luttes politiques et littéraires également passionnées, a été, d’ailleurs, l’une des plus pleines dans l’histoire intellectuelle de la France. Des courants contraires, passant sur la jeunesse, avaient séparé celle-ci en deux camps, antagonisme qui, sur la place même de l’École de droit, provoqua plus d’une fois des collisions entre les étudiants attachés à l’un ou à l’autre des deux grands partis entre lesquels se partageait alors la France.

La plus grande partie de ces jeunes gens appartenaient aux classes moyennes qui, après avoir acclamé en 1814 la royauté de la maison de Bourbon par lassitude de l’empire, lui retiraient de plus en plus leur appui, à cause de la crainte que leur inspiraient les souvenirs de l’ancien régime habilement évoqués par une opposition implacable. La France souffre d’un mal organique que parmi les grandes nations de l’Europe elle est seule à éprouver : notre pays tient son passé en suspicion, pour ne point dire en haine. Ce malheur provient de ce que, dans le cours de la longue histoire de la monarchie française, les fautes sont de date plus récente que les services ; il résulte surtout de ce que l’œuvre de notre magnifique unité, ayant moins profité à l’éducation générale de la nation qu’à la vanité d’une caste dotée de privilèges sans posséder aucun droit politique, s’est achevée sous un régime qui présentait la plus parfaite image du chaos. À la veille de 1789, la bourgeoisie française tout entière personnifiait ce régime détesté dans le marquis de Tuffière un le vicomte de Moncade ; et, se croyant compromise par M. Jourdain, elle jouissait de l’égalité comme d’une vengeance. Avant le renouvellement des études historiques inauguré par MM. Guizot et Thierry, on distinguait à peine la monarchie de cour de la monarchie féodale ; et c’était à M. Dulaure, ou à l’insulteur de Jeanne d’Arc, que la jeunesse demandait des leçons de philosophie et de politique. Étrangère à la foi comme au respect, cette génération, entrée dans la vie durant la longue suspension du culte et de l’enseignement public, ignorait tout en religion comme en histoire ; et, par une conséquence de cette sorte d’ignorance invincible, il s’était établi pour elle une solidarité fatale entre l’esprit révolutionnaire et l’esprit antichrétien. Par contre coup, la portion qui en était demeurée chrétienne avait vu, presque toujours, au sanctuaire domestique, confondre les deux causes pour lesquelles on y avait souffert, et le symbole religieux, en quelque sorte, s’élargir pour protéger, par une sanction divine, des intérêts d’un ordre très-différent. Cet antagonisme natif d’idées et de croyances ne se révélait nulle part sous des formes plus accusées que dans le quartier latin.

La liberté politique ne pouvait être fondée en France en dehors des principes du christianisme, qui en est la source même, ce qu’ignorait malheureusement la plus grande partie de la jeunesse ; d’un autre côté, il était fort périlleux pour l’Église, qui entendait chanter en chœur les Bourbons et la foi autour des croix de mission fleurdelisées, de paraître associer son avenir au sort d’une dynastie de plus en plus menacée. S’il est mauvais de vouloir séparer l’Église de l’État, il est bon de la séparer des partis ; il est meilleur encore de la dégager de toute solidarité dans nos agitations passagères puisqu’elle est destinée à leur survivre. Mais cette identification était trop bien expliquée par la puissance naturelle des souvenirs, et elle n’engageait d’ailleurs aucune question de doctrine. C’était une simple affaire de conduite ; or l’esprit de conduite est ce qui manque le plus aux partis honnêtes, et peut-être faudrait-il dire que cette qualité leur manque habituellement dans la mesure même de leur honnêteté. Sous la restauration, l’opinion royaliste prit de petits moyens pour atteindre un grand but, et ses meilleures intentions vinrent échouer contre ses maladresses.

Les sociétés secrètes étaient, en ce temps-là, le centre de l’impulsion imprimée à l’opinion révolutionnaire, soit que celle-ci poussât de malheureux sous-officiers à l’insurrection et à l’échafaud, soit que, par la voix de Manuel, elle jetât la jeunesse des écoles sur les places publiques ou qu’elle l’enrôlât dans les ventes du carbonarisme. Par un concours de circonstances très-regrettables, quoique fort innocentes en elles-mêmes, une portion de la droite se trouvait enlacée dans une organisation occulte à peu près semblable, et ses chefs en attendaient, pour la cause monarchique et religieuse, les plus merveilleux résultats, comme si les armes utiles aux uns pouvaient toujours profiter aux autres. Formée durant l’empire, afin d’assister Pie VII captif à Fontainebleau, par une union secrète d’efforts et de prières, la Congrégation eut des conséquences politiques très-différentes de celles qu’on en avait espérées. Cette œuvre, agrandie dans ses bases après le rétablissement de la maison de Bourbon, se donnait alors pour but principal de patronner la jeunesse chrétienne durant le cours de ses études à Paris, et de l’assister à son entrée dans les carrières publiques, de manière à peupler celles-ci de candidats d’un dévouement éprouvé à l’Église et à la royauté, en maintenant un lien secret entre des hommes honorables également engagés envers le trône et envers l’autel.

De longs efforts et de généreux sacrifices furent accomplis pour protéger les jeunes gens contre les périls de toute nature auxquels les exposait à Paris l’éloignement de la famille ; mais ces efforts furent opérés sans tact, en contrariant à la fois et l’esprit général du temps, et l’esprit permanent de la jeunesse à laquelle il faut laisser toutes les apparences de la liberté, surtout lors qu’on en restreint l’usage ; de telle sorte que les plus respectables des hommes parvinrent à rendre leur dévouement stérile et leur concours désastreux. On agissait beaucoup plus dans l’espoir de sauver l’innocence des étudiants que dans la pensée de fortifier leur virilité, et l’on s’efforçait de revêtir de la tunique d’Éliacin ceux qu’il aurait été bon d’armer d’une triple cuirasse pour les grands combats de l’avenir.

Au centre du quartier latin s’ouvrit, en 1823, un vaste établissement pour la Société des Bonnes Études. Il fut doté d’une bibliothèque expurgée, et ne reçut que la fine fleur des journaux monarchiques. Pour que ce système d’éducation pût obtenir quelque succès, il aurait fallu pouvoir séparer la jeunesse du milieu dans lequel elle était appelée à vivre. Ses fondateurs avaient oublié que le jardin du Luxembourg se trouvait à deux pas de l’Estrapade, et que, pour cinq centimes, les étudiants, peu flattés d’une tutelle politique maladroitement étalée, ne manqueraient point, dans leurs promenades journalières, de lire les feuilles de l’opposition, plaisir qu’ils prenaient, en effet, avec l’avidité toujours provoquée par le fruit défendu. Bien moins heureux dans leur blocus que ne l’ont été les Prussiens, les directeurs de l’établissement des Bonnes Études voyaient chaque jour la contrebande des journaux et des livres s’opérer sur la plus vaste échelle, et les idées de la jeunesse se transformer avec une rapidité fort alarmante. Des signes trop certains signalaient le progrès d’influences contre lesquelles le régime préventif n’avait pas prévalu, et chaque jour était marqué par les plus amères déceptions.

Les conférences littéraires avaient commencé par des lectures sur les gloires de la vieille monarchie ; on y avait entendu des élégies nombreuses sur les malheurs de la famille royale, dont l’une, l’Ode à Louis XVII, était l’œuvre d’un inconnu à la veille de s’appeler Victor Hugo. Mais ces conférences ne tardèrent pas à accueillir des dissertations politiques dont s’émurent singulièrement les pères de famille qui avaient cru pouvoir protéger contre tout contact suspect la virginité intellectuelle de leurs enfants. Ce ne furent pas, d’ailleurs, les étudiants qui reçurent le contre-coup le plus sensible des événements du dehors et des débats parlementaires : ce contre-coup atteignit surtout les maîtres, et, parmi ces derniers, ceux-là même dont le dévouement à la monarchie légitime avait été le plus éprouvé. MM. Michaud et Lacretelle, qui paraissaient aux grands jours dans l’amphithéâtre de la rue de l’Estrapade, pour y prononcer des allocutions où respirait la foi royaliste la plus ardente, y furent un soir accueillis par des applaudissements frénétiques. C’était au lendemain de l’éclatante protestation faite par l’Académie française, dont ils étaient membres, contre un projet de loi sur la presse présenté par M. de Peyronnet. Mais un plus grand scandale était à la veille de s’accomplir dans cette salle sur laquelle flottait un large drapeau fleurdelisé, et dont les bancs étaient garnis par une jeunesse considérée au pavillon Marsan comme la suprême espérance de l’avenir. M. le duc de Rivière, gouverneur de Mgr le duc de Bordeaux, y vint faire la visite annuelle dont il honorait l’établissement des Bonnes Études. À l’entrée du noble personnage, les cris de : Vive la charte ! balancèrent tellement les cris de : Vive le roi ! qu’une consternation visible se peignit sur le visage des fondateurs de l’œuvre, si mal récompensés de leurs peines. Ils semblaient tous répéter en chœur le mot attribué au propriétaire désappointé de l’oiseau dressé à Rome pour saluer le triomphe de Jules César : Opera et impensa perdidi.

Les opinions monarchiques de ma famille et les croyances chrétiennes, de plus en plus raffermies dans mon cœur, m’avaient naturellement conduit à faire partie de cette Société, où quelques premiers essais littéraires m’avaient fait un peu remarquer. Mais le but que l’on s’y proposait, en associant des intérêts passagers au seul intérêt permanent de l’humanité, me répugnait instinctivement ; rien ne me révoltait plus que la mesquinerie des moyens mis en regard de la hauteur des causes. Aussi, tout en me montrant reconnaissant des offres de service que voulaient bien me faire quelques hommes affiliés à la pieuse association dont je viens d’indiquer l’origine, étais-je demeuré très-ignorant de certaines pratiques secrètes, dont quelques vagues confidences m’avaient fait parfois sourire.

Cette ignorance provoqua une petite scène dont je consigne ici le souvenir, en devançant un peu l’ordre des temps. Lorsque je fus admis, à la fin de 1825, au ministère des affaires étrangères, je fus introduit dans le cabinet d’un haut employé de ce département, auquel je remis une lettre d’un personnage considérable de la droite, dont le concours m’avait été des plus utiles. Ce fonctionnaire, aussi ardent dans ses opinions qu’il était tiède dans ses croyances, avait peu profité du précepte classique de M. de Talleyrand, et s’obstinait à déployer du zèle. Il me fit un accueil très-bienveillant, entama une conversation politique à laquelle je me mêlai avec une réserve qui dut lui donner une piètre idée de mon esprit ; et, me tendant enfin la main avec beaucoup de cordialité, il enlaça ses doigts aux miens d’une façon qui m’embarrassa, sans que j’y rattachasse d’ailleurs aucune signification précise. L’entretien fut de sa part plutôt encourageant qu’abandonné, ce monsieur paraissant attendre jusqu’à la fin un mot ou un geste qui correspondît au mouvement dont le sens m’échappait. Lorsque, quelques jours après, il m’arriva de parler de cette entrevue à un homme pourvu de plus d’expérience que je n’en possédais moi-même, et quand j’eus incidemment mentionné le geste qui m’avait étonné : « Ah ! maladroit, s’écria-t-il, c’était la chaîne ; il fallait passer le pouce dans l’anneau ; vous avez manqué votre fortune ! » Il me fut révélé, ce jour-là, que lorsque les sociétés secrètes ne sont pas dangereuses, elles sont ridicules.

Les doctrines philosophiques du dix-huitième siècle, représentées par un vieillard peu sérieux, avaient retrempé la foi de mon enfance, bien loin de l’affaiblir ; la maladresse d’un parti qui aspirait à transformer une opinion en croyance, en servant les intérêts les plus élevés par des tentatives puériles, fit de moi un partisan décidé des institutions libres et du régime parlementaire. Je dois donc à une énergique réaction contre la double influence à laquelle fut soumise ma jeunesse, la foi solide qui a consolé ma vie, et mon inaltérable fidélité aux idées politiques auxquelles je concourus à donner un peu plus tard, un premier organe au sein de la presse religieuse.