Souvenirs poétiques de l’école romantique/Arvers (Félix)

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Souvenirs poétiques de l’école romantique 1825 à 1840Laplace, Sanchez et Cie, libraires-éditeurs (p. 17).

ARVERS (Félix)



Il a écrit près de vingt pièces, dont deux, l’une et l’autre, en trois actes, furent jouées au Théâtre-Français : la Course au clocher, en 1839, et le Second Mari, en 1841 ; il a collaboré avec Scribe pour les Dames patronnesses, et avec Bayard pour le joli vaudeville En attendant ; il a public en 1833 un volume de vers charmants, Mes heures perdues ; malgré tout cela, sans un sonnet, qui n’est pourtant qu’une traduction de l’italien, et que plusieurs autres de son recueil égalent pour le moins, il serait complètement inconnu.

Il commença par de très grands succès universitaires. Venu de Joigny à Paris, pour suivre les cours du collège Charlemagne comme élève de la pension Massin, il obtint à dix-huit ans, en 1824, le prix d’honneur des Vétérans, pendant que M. Désiré Nisard remportait celui des Nouveaux ; et il y ajoutait le premier prix de discours français.

Son recueil de vers, Mes heures perdues, fut son premier ouvrage ; ensuite s’égrenèrent avec des succès inégaux les pièces dont nous avons dit le nombre. Il aurait pu les multiplier davantage, mais il était riche et ne se pressait pas.

Soit négligence, prodigalité ou spéculations mauvaises, il perdit, flânant et s’amusant, presque tout ce qu’il possédait, voulut revenir plus énergiquement au travail, mais n’en eut pas la force. Bien jeune encore, il avait déjà trop vécu. La paralysie le gagnait, et il fut bientôt cloué dans son lit comme Henri Heine.

Comment alors surveiller les intérêts de son esprit, comment « placer » ses pièces, ainsi qu’on dit au théâtre ? Un ami s’en chargea, mais sans grand succès : un jour il revint du Vaudeville rapporter au paralytique, avec la pièce qu’il y avait envoyée, la réponse qu’on lui avait faite : « On trouve, lui dit-il, qu’elle manque de mouvement. — Je les admire, dit Arvers, du mouvement ! du mouvement ! Si j’en avais, je ne le mettrais pas dans mes pièces, je le garderais pour moi. »

Cette pauvre pièce, qui s’appelait Mieux vaut tard que jamais, finit par aller échouer aux Folies-Dramatiques le 6 novembre 1849.

Arvers mourut un an après, à quarante-trois ans.