Tableau de l’instruction primaire en France/8

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CHAPITRE VIII.

DU CLERGÉ.

Monsieur, dit un inspecteur, en entrant dans quelques écoles, où en êtes-vous de l’instruction morale et religieuse ? — Réponse : Je n’enseigne pas ces bêtises-là (394). Ailleurs, une école mutuelle se promène avec l’instituteur dans la ville, tambour en tête, chantant la Marseillaise, qu’elle interrompt en passant devant le presbytère pour crier à tue-tête, à bas les jésuites, à bas les calotins. S’il en était ainsi par toute la France, et qu’on vînt à nous demander : le clergé est-il favorable à l’instruction primaire, nous n’hésiterions pas à répondre qu’il ne faut pas compter sur son appui.

Et cependant, sans l’appui du clergé, il faut désespérer du sort de l’instruction primaire dans les campagnes (395). N’en jugeons pas avec l’indifférence religieuse que nous trouvons dans les grandes villes : partout ailleurs le prêtre a conservé son rang ; c’est l’homme le plus considérable de la commune, par l’autorité de ses conseils, la sainteté de son ministère, la supériorité de ses lumières, et, j’ose le dire, par l’honnêteté de son caractère et de sa conduite. Aussi, l’influence du clergé est immense, et, si une administration était assez malheureuse pour ne pas apprécier les autres avantages qu’il y a d’ailleurs pour la société à mériter son assistance, la prudence, tout au moins, ferait encore une loi de le ménager. Sans doute, s’il fallait acheter son concours par de lâches complaisances, tolérer pour lui les abus, laisser dormir, en sa faveur, les règlements et les lois, il ne serait, ni de l’honneur, ni de l’intérêt du Gouvernement, de mendier un appui qu’on lui vendrait plus cher, à raison même de sa pusillanimité. Mais, le meilleur moyen de rendre le clergé hostile, c’est de trop préjuger d’avance cette hostilité ; aussi, louerons-nous comme un acte de haute sagesse, de la part des Chambres, d’avoir admis le curé de plein droit, parmi les membres du comité spécial de chaque commune. Exclure le clergé de la surveillance des écoles, c’eût été prononcer le divorce de l’instruction religieuse et de l’instruction primaire ; c’était, par le fait, lui livrer tout entière l’éducation dont on lui refusait légalement sa part.

Je crois que les personnes qui ont accusé le clergé d’hostilité ouverte, ou de menées souterraines, l’ont souvent jugé par leurs craintes plutôt que par les faits : il n’était pas invraisemblable qu’une révolution qui venait de détruire un gouvernement, protecteur déclaré de l’Église, serait mal accueillie par le clergé ; que la libre effusion des plus pernicieuses doctrines, et les attaques les plus impunies, le mettraient en alarme ; qu’il n’aurait pas une foi parfaite dans les convictions religieuses d’un pouvoir qui laissait démolir les archevêchés et briser les croix sur le dôme des temples. C’est d’après les insultes faites à l’Église, que l’on a conjecturé sa haine ; on a conclu du mal qu’elle avait souffert à un sentiment de vengeance qu’elle ne doit pas connaître ; et, par un cercle vicieux trop ordinaire aux esprits passionnés, on croyait s’excuser, à ses propres yeux, les torts qu’on s’était donnés avec elle, en se persuadant qu’elle n’attendait qu’une occasion de nous les rendre : on espérait la trouver coupable.

C’était, humainement parlant, raisonner juste, et si le clergé eût été un parti, le moment était venu pour lui de se roidir contre le Gouvernement ; et quelle est la ligue politique, qui possédait des moyens d’action aussi puissants, avec une armée composée, comme la sienne, de plus de vingt mille soldats répartis dans toute la France ? Et, tous ces soldats sont des capitaines, car le plus humble desservant dispose de bien des familles.

L’instruction primaire, dans cette supposition, était plus particulièrement menacée. C’était un admirable champ de bataille pour essayer les forces de l’attaque et de la résistance : et c’est là qu’on eût reconnu tout de suite, les traces de ce concert imaginaire, s’il avait existé. Qu’un ordre émané du Saint-Siége eût passé de la bouche de l’évêque jusqu’aux pasteurs des campagnes ; quel est, dans cette milice si bien disciplinée, le réfractaire, qui se serait hasardé à défendre ouvertement une institution condamnée par son chef ? Eh bien ! loin que les efforts des ecclésiastiques se soient combinés pour soutenir cette lutte contre le vœu du pays, ils s’y sont d’eux-mêmes associés, ils se sont offerts comme auxiliaires, et nul corps n’a embrassé avec plus d’ardeur, ni plus fidèlement servi les intérêts de l’instruction promise au peuple.

Nous avons loyalement recueilli les témoignages. Nous ne devions pas nous attendre à les trouver unanimes, et leur désaccord même est pour nous une preuve que les prêtres n’avaient point reçu la mission qu’on suppose. Pendant que tel archevêque profite des griefs les plus légers pour faire éclater sa mauvaise humeur et proscrire, dans son diocèse, les livres destinés par l’Université à l’instruction des écoles, nous voyons un bon nombre d’évêques s’unir aux efforts de l’administration, en appelant dans leurs lettres pastorales, le zèle des ministres de la religion au secours de cette bonne œuvre. Souvent, dans le même arrondissement, pendant que le curé de ce bourg encourage les enfants à parler le patois de leurs pères (396), son voisin en combat l’usage (397). Celui-ci repousse (398), cet autre sollicite les distributions de livres faites par le Ministre (399). L’un ne veut pas entendre parler d’instruction primaire (400), et donne le conseil aux familles d’envoyer plutôt leurs enfants mendier le pain de l’aumône (401), l’autre réunit lui-même les enfants dans l’école ; il les enseigne (402), il les nourrit (403), il abandonne à l’instruction primaire la meilleure part de son logis (404), il lui paie la dîme de son blé (405).

Et nos lecteurs remarqueront qu’en général les reproches faits à certains ecclésiastiques, ne sont pas concluants pour la question : à part quelques exemples plus rares là qu’ailleurs, il n’y a point antipathie contre l’instruction en elle-même : il y a plutôt la crainte que la source n’en soit empoisonnée (406).

« Toutes les écoles de ce pays, dit un inspecteur, sont entre les mains des desservants, qui attirent auprès d’eux les enfants les plus riches du pays, et ajoutent ainsi à leurs honoraires quelques cents francs enlevés à l’instituteur de la commune. » C’est un abus, et qui répugne au désintéressement de leur ministère. Mais on ne saurait y voir la preuve qu’ils sont hostiles à l’instruction (407).

« Les prêtres, dit un autre, sont ici bien exigeants : ils usent de leur autorité sur l’instituteur, ordinairement le chantre ou le sacristain de la paroisse, pour lui imposer la condition de conduire deux fois par jour son école à l’Église, et, comme l’heure de la messe n’est point régulière, le maître n’est jamais sûr de n’être point interrompu au milieu de l’exercice commencé. » C’est encore un tort facile à prévenir : et, si quelques représentations convenables de l’instituteur ne suffisaient pas pour faire comprendre à son curé, que le temps destiné à l’école suffit à peine à l’instruction des enfants, que ces dérangements sont funestes à leurs progrès, nul doute que l’autorité ecclésiastique elle-même ne désavouât les prétentions contraires (408).

Voici des faits plus graves ; « le clergé intrigue sourdement contre l’instruction primaire (409) » : le reproche est bien vague, et c’est celui qu’on fait d’ordinaire à défauts d’allégations plus précises.

« Il use de son influence sur les maires pour faire refuser les fonds demandés par la loi (410) ». Cela peut être dans quelques paroisses, mais, en général, on a pu voir que les autorités municipales n’ont pas besoin des conseils de leur curé pour résister à la loi. Elles n’y sont que trop portées par des intérêts grossiers qui n’ont rien de commun avec l’esprit de parti. D’ailleurs, l’accord du maire et du curé, que ce reproche suppose, est encore malheureusement un événement bien rare, et qui rend beaucoup plus difficile la position des instituteurs également intéressés à cultiver les bonnes grâces de l’un et de l’autre (411).

Enfin, on signale une conspiration de vingt-deux prêtres qui, dans un conciliabule secret contre la loi, ont tous juré..... d’en rire (412). Le fait pourrait être vrai, sans être bien alarmant ; mais celui même qui le transmet ne prétend pas s’en porter garant. Il l’a su de quelqu’un, qui n’y était pas.

En un mot, les accusations de ce genre sont rares, et souvent conçues dans des termes vagues et généraux. (413). En revanche, les éloges donnés (414) aux dispositions favorables, au zèle, au désintéressement du clergé sont nombreux et précis.


ain.

À Lacour, commune très-pauvre et d’un très-difficile accès, où quatorze maisons ont été brûlées, il y a peu d’années, le curé a fait un appel à la commisération publique, et ces 14 maisons ont été relevées par ses soins. Il a fait plus ; il a dépensé son patrimoine (20,000 fr.) pour relever l’église prête à s’écrouler. Il a promis que bientôt les filles et les garçons seraient instruits gratuitement dans la commune. (Canton de Hauteville, arrondissement de Belley.)

— MM. les curés, présents, pour la plupart, dans leurs communes, ont accompagné l’inspecteur dans sa visite des écoles, et il n’a eu qu’à se louer de leur concours bienveillant. (Cantons de Lhuis et de Virieux-le Grand.)

— Quatre curés étaient absents de leur paroisse, pendant la visite de l’inspecteur. Ailleurs, les ecclésiastiques l’ont accueilli et lui ont laissé entrevoir qu’ils étaient flattés d’avoir à surveiller l’instruction primaire, comme membres des comités communaux. (Arrondissement de Bourg, canton de Bourg.)

— J’ai trouvé les maires et les curés favorablement disposés pour l’instruction primaire. Presque tous voient avec plaisir que le gouvernement cherche à améliorer le sort des populations des campagnes, en y répandant les bienfaits de l’instruction. (Cantons de Coligny et de Saint-Trivier-de-Courtes.)

— M. le curé de Cormoz, contribue aux progrès de l’instruction de la jeunesse, pour laquelle il montre beaucoup de zèle ; il a fait beaucoup de sacrifices et des efforts qui ont été couronnés de succès.

— La petite commune de Servignat est privée d’instituteur depuis long-temps. M. le curé, qui est plein de zèle pour l’instruction primaire, en a tenu lieu. Voici un trait de cet ecclésiastique, qui mérite d’être cité. Lorsque j’engageai le maire à décider son conseil à faire l’achat du mobilier de l’école, il me répondit que la commune ne pouvait faire que 50 francs, et, comme je lui observai que cette somme était bien modique, attendu que l’école manquait de tout, il me répondit de nouveau que la commune était bien pauvre ; alors M. le curé, qui était présent, dit qu’il offrait de bon cœur les 200 fr. de supplément que lui fait la commune, pour les besoins de l’école et pour l’augmentation du traitement de l’instituteur, afin de le décider à se fixer dans le pays. (Ibid.)

— MM. les curés sont bien avec les instituteurs et les maires, et tous m’ont paru s’intéresser vivement à l’instruction populaire. (Canton de Pont-de-Veyle et de Bage-le-Châtel.)


bouches-du-rhône.

Sur trente-trois instituteurs, je n’en ai trouvé que trois qui ne vivaient pas bien avec leurs curés ; et, sur ces trois, un instituteur avait évidemment tort ; et parmi les deux autres, les torts m’ont paru réciproques. Beaucoup de curés se font un devoir d’encourager l’instituteur, en distribuant eux-mêmes des récompenses aux élèves ; et, j’en ai vu un qui cédait une partie de son modeste local pour servir de maison d’école. (Arrondissement d’Aix, cantons de Martigues, d’Istres, de Berre et de Lambesc.)

— Les vicaires, qui desservent les différentes églises, ont pu seuls exercer quelque influence sur les instituteurs, et, généralement, ils ont paru satisfaits de leur zèle et de leur conduite. (Arrondissement de Marseille, canton de Marseille (extrà muros).


calvados.

Le clergé catholique a été calomnié, quand on l’a représenté comme s’opposant de toutes ses forces au développement intellectuel des esprits, et voulant fonder son despotisme sur l’ignorance des masses. Un examen attentif m’a convaincu qu’en général il ne repousse pas la science, mais qu’il exige, pour la protéger, qu’elle marche avec les mœurs et avec la religion ; qu’elle apprenne, non pas à mettre en question, mais à respecter tous les devoirs. Les questions de méthode, autrefois si violemment débattues, sont jugées froidement. On vous dit : « Peu importe qu’on apprenne à tracer des caractères sur une ardoise ou sur le papier ; mais, il importe beaucoup de qui vient la science. » On ne conteste pas sur la méthode : on examine l’homme. Ces dispositions n’ont rien de bien alarmant. J’ai rencontré des curés qui ont ouvert l’école d’enseignement mutuel par une messe du Saint-Esprit, qui paient pour quinze ou vingt élèves pauvres, qui donnent des livres à l’école, et des leçons de grammaire à l’instituteur. (Arrondissement de Caen, Canton de Ailiers-Bocage.)


cantal.

Le clergé de ce pays désire franchement le développement de l’instruction primaire : il y concourra puissamment et activement, à la condition du développement parallèle de l’instruction religieuse et de la pratique de la religion dans les écoles. J’ai acquis des preuves personnelles du zèle des curés pour la propagation de l’instruction élémentaire. Plusieurs ont enseigné et enseignent encore gratuitement un certain nombre d’enfants dans des communes pauvres et privées d’écoles. Ailleurs, il y en a qui paient l’instituteur pour les indigents. Tous sont sévères sur la moralité des maîtres ; mais ils ne le sont pas plus que les pères de famille. (Arrondissement de Muriac, cantons de Marcenat, Champssagues et Riom-ez-Montagnes.)


cher.

— M. le curé Sens-Beaujeu, pénétré des avantages de l’instruction et du bien qu’elle peut produire, sacrifie aux enfants de la commune tous les moments que lui laissent ses occupations ecclésiastiques. Il serait à désirer que tous les prêtres fussent animés des mêmes sentiments que celui-ci. (Arrondissement de Sancerre, canton de Sancerre.)

— MM. les ecclésiastiques m’ont paru bien disposés à remplir les intentions bienveillantes de l’Université, principalement M. le curé de Brinon. (Canton d’Argent.)

— Plusieurs croient les curés peu favorablement disposés ; mais ceux-ci paraissent loin, en général, de répudier la part que leur fait la loi. Quelques préventions qu’on leur suppose contre le régime actuel, ils ont intérêt à ne pas laisser la jeunesse leur échapper. En tel endroit où jusqu’ici on s’était passé du concours du curé, celui-ci a, de bonne grâce, accompagné l’inspecteur dans l’école avec le maire et l’adjoint. À Q......., le curé gémit de la lenteur de l’autorité locale : il conçoit la propagation de l’instruction primaire comme étroitement liée à celle des idées religieuses.

L’excellente école mutuelle de Meudon doit une partie de son développement au zèle d’un pasteur éclairé et vertueux. (Arrondissement de Bourges.)


creuse.

J’ai partout trouvé le clergé disposé à aider les efforts du gouvernement en faveur de l’instruction élémentaire. (Arrondissement d’Aubusson et de Bourganeuf.)


doubs.

Beaucoup de curés, dans l’arrondissement de Besançon, s’occupent des écoles de leurs paroisses, paient pour les enfants pauvres, et font des distributions de prix à leurs frais.

— À Courchapon, le curé, dans le désir d’améliorer l’instruction primaire, a abandonné au conseil municipal 100 francs de son traitement annuel pour l’instituteur. (Canton d’Audeux.)

— L’école de Buffard est fort incommode ; il est nécessaire d’en avoir une autre. M. le curé de Buffard, avec une générosité que je me plais à signaler, fait don à la commune d’un terrain convenable, à la condition d’y bâtir une école. (Canton de Quingey.)


drôme.

Partout j’ai trouvé le clergé disposé à favoriser les vues bienfaisantes du gouvernement, et à seconder les efforts des instituteurs. (Arrondissement de Montélimart, Canton de Pierre-Latte.)


eure.

J’ai remarqué que MM. les maires, MM. les curés, et en général, toutes les notabilités du canton étaient animées d’une ardeur vraiment incroyable pour l’amélioration de l’instruction primaire. (Arrondissement d’Évreux, canton de Breteuil.)


finistère.

Le clergé est favorable à l’instruction primaire ; seulement le nom d’enseignement mutuel l’effraie. (Arrondissement de Quimper, canton de Brice.)

— Le clergé ne paraît pas contraire à l’instruction primaire. (Canton de Fauessant.)


garonne (haute).

Le clergé se prête merveilleusement aux progrès de l’instruction : il n’offre aucune trace de fanatisme, ni d’hostilité envers le gouvernement. Il mérite la confiance, et l’on peut compter sur lui : presque tout composé d’hommes du pays, il fait cause commune avec les populations. (Arrondissement de Saint-Gaudens, Canton de Bagnères-de-Luchon.)


hérault.

Guy (J.-B.), le seul instituteur qui soit dans cette commune, d’ailleurs importante. Nous nous sommes adressé à M. le curé de cette commune, pour concerter avec lui les moyens de remédier à cet état de choses. Nous n’avons qu’à nous applaudir de ses bonnes dispositions : il nous a promis son concours ; et, suivant la promesse que nous en avons obtenue, il a dû faire apprécier à ses paroissiens, du haut de sa chaire, les avantages de l’instruction primaire. En général, nous avons remarqué que MM. les curés ou desservants de ce canton sont disposés à seconder les bonnes intentions du gouvernement pour l’instruction primaire. (Arrondissement de Beziers, canton de Murviel.)

— Nous dirons, en terminant notre travail, que nous avons reçu l’accueil le plus flatteur de MM. les maires et de MM. les curés. Nous avons cru devoir visiter ces derniers, les consulter même, pour leur prouver que le gouvernement n’entend pas les mettre en dehors, au sujet de l’enseignement, comme quelques-uns se l’étaient imaginé. Aussi, ont-ils tous protesté de leur dévouement et de leur coopération au bien que le gouvernement veut répandre, par le moyen de l’instruction élémentaire, dans les classes de la population les moins favorisées de la fortune. Ils ont applaudi à cette inspection extraordinaire, et ont manifesté le désir de la voir renouveler de temps en temps dans l’intérêt de l’enseignement et de la religion. (Arrondissement de St.-Pons.)


jura.

Je n’ai pas trouvé, dans le clergé du canton d’Ogelet, le même dévouement à l’enseignement primaire que dans le clergé des cantons de Lons-le-Saulnier et de Couliège. J’ai cependant rencontré quelques curés parfaitement disposés. Je citerai ceux de Cressia et de Pimorin ; plusieurs m’ont dit qu’ils n’admettraient dorénavant à la première communion que les enfants qui fréquenteraient l’école au moins deux fois par semaine pendant la belle saison. D’autres, en petit nombre, sans doute, ne voient réellement d’utile, pour les enfants, que l’étude du catéchisme, et les tiennent pour suffisamment instruits dès qu’ils le possèdent à merveille. (Arrondissement de Lons-le-Saulnier, canton d’Orgelet.)

— Je dois déclarer, en terminant, que j’ai trouvé dans le clergé du canton de Lons-le-Saulnier, le plus grand dévouement à l’instruction primaire ; dans beaucoup de communes, les curés ont pris, avec moi, l’engagement d’acheter, de leurs propres deniers, des livres uniformes pour l’enseignement simultané ; dans d’autres, ils ont fait, en chaire, un devoir de conscience aux parents de pourvoir aux dépenses nécessaires pour l’instruction de leurs enfants. (Arrondissement et canton de Lons-le-Saulnier.)

— MM. les curés mettent, à faire prospérer les écoles, un zèle soutenu. L’un d’eux a retardé les réparations de son église, pour qu’on fît celles de l’école. (Arrondissement de Poligny, canton de Noseray.)


indre-et-loire.

Presque tous les ecclésiastiques des communes que j’ai visitées sont favorables à l’instruction primaire, et particulièrement à la loi. Le jeune clergé surtout s’y prêtera de grand cœur, et, contre mon attente, quand j’ai rencontré de la résistance ou de la froideur, c’est surtout chez les prêtres d’un âge avancé. Ce sont encore ceux-là qui montrent le plus de préventions contre les écoles d’enseignement mutuel, quoiqu’elles soient assez généralement aussi partagées par les autres. — En règle générale, le clergé regarde comme un de ses devoirs d’encourager l’instruction primaire : quelques-uns même, par pur esprit de dévouement, ont entrepris la tâche de se faire instituteurs.


loire.

L’inspecteur, connaissant l’esprit religieux du pays et l’influence des ecclésiastiques sur les familles, a cru entrer dans les vues du ministre, en invitant les curés à seconder de tout leur pouvoir les progrès de l’instruction primaire, et il doit, à ces Messieurs, cette justice qu’ils lui ont paru très-disposés à user, dans cet intérêt, de toute la part que la loi leur donne dans l’instruction populaire.


loire (haute).

Le clergé fait peu d’opposition à l’instruction primaire, et presque tous les curés mettent, à leurs frais, des indigents à l’école. (Arrondissement d’Issengeau, canton de Saint-Didier.)


loire-inférieure.

J’éprouve le besoin de signaler un beau dévouement. Je savais que l’instituteur de Riaillé avait une très-mauvaise écriture. Je fus bien surpris, en inspectant son école, de trouver des modèles d’écriture anglaise tracés avec soin, netteté et principes. J’allais en féliciter l’instituteur, lorsque celui-ci s’empressa de me dire qu’ils étaient l’ouvrage de M. le curé, qui avait la complaisance de venir, presque tous les jours, donner des leçons d’écriture à ses élèves. Je me fis un devoir d’aller remercier M. le curé, et de signaler à l’autorité locale un si beau dévouement. M. le maire et M. le juge de paix ajoutèrent que ce digne et excellent prêtre ne bornait pas ses soins à l’écriture, mais qu’il s’occupait tout aussi activement des autres branches d’enseignement de l’école ; et que, pour engager l’instituteur et l’institutrice à recevoir le plus d’élèves gratuits possible, il leur distribuait les boisseaux de froment que les habitants de cette commune sont dans l’usage de donner tous les ans à leur curé. Je ne doutai pas qu’un sentiment d’amour pour le bien public, ne fût le principe d’une conduite si honorable, lorsque j’entendis le curé répéter, en présence du maire et du juge de paix, qui se plaignaient du peu de capacité de l’instituteur, que, bien qu’il tînt au titulaire, à raison de sa moralité, il se prêterait volontiers à toutes les mesures que l’on jugerait à propos de prendre pour l’amélioration de l’enseignement. (Arrondissement d’Ancenis).


maine-et-loire

Quelques curés, par un bon motif, ont pris la résolution de ne pas faire faire les Pâques aux enfants qui ne fréquenteraient pas l’école, pendant le temps du catéchisme. (Arrondissement de Beaupréau, cantons de Cholet et de Montfaucon).

— On reconnaît avec plaisir que MM. les curés sont généralement bien avec MM. les instituteurs, et qu’ils se prêteront à servir la chose publique. (Arrondissement de Saumur, canton de Montreuil et de Saumur).


manche.

Partout MM. les curés semblent pleins de zèle pour l’instruction primaire, très-satisfaits des instituteurs, et disposés à combattre de tout leur pouvoir l’insouciance des familles. (Arrondissement d’Avranches, cantons de Granville et de Sartilly).


marne.

J’ai vu quelques jeunes curés qui, dans les soirées d’hiver, réunissent les instituteurs les plus voisins, et leur font des conférences. (Arrondissement de Châlons, canton de Suippes).


marne (haute).

En général, bonne volonté, mais ignorance déplorable chez les autorités ; partout, assez de sollicitude de la part du clergé pour l’enseignement du peuple. (Arrondissement de Langres).

— L’influence ecclésiastique n’est pas moins grande ici que dans les autres cantons, et elle y est également tout à-fait bienveillante. (Arrondissement de Langres, canton de Fays-Billot).

— Il me semble qu’on peut compter en général sur le concours du clergé des cantons que j’ai visités. Il est des ecclésiastiques qui ont fait des sacrifices pécuniaires pour faire substituer l’enseignement simultané à l’enseignement individuel. Il est des écoles qui ne seraient pas encore pourvues de livres uniformes, si les curés n’en avaient pas fait les frais. Les maîtres ont pour eux toute la déférence désirable ; il n’y a qu’un bien petit nombre d’exceptions. Il faut se féliciter de cet accord, dans un pays où la religion a conservé sur les esprits presque tout son empire, et où l’influence des prêtres peut être ou bienfaisante ou funeste. Les ecclésiastiques ne se plaignent que d’une chose, c’est que, dans plusieurs écoles, on néglige de faire lire les enfants dans des livres latins. Il est d’usage, dans ces contrées-ci, que de petits garçons assistent le prêtre à l’église les jours de classe. Or, il n’est pas rare que ceux qu’on désigne pour ce service ne sachent pas lire un verset latin, bien qu’ils lisent parfaitement le français. (Arrondissement de Langres, canton de Varennes).


meurthe.

Dans presque toutes les communes, MM. les curés emploient toute leur influence pour faire fréquenter les écoles, et, sur cet article, il existe, entre eux et MM. les maires, un accord qu’on ne saurait trop louer. (Arrondissement de Nancy, canton de Vezelise).

— On peut dire que la plupart de MM. les curés exercent sur les écoles une influence des plus utiles à l’instruction. (Arrondissement de Lunéville, cantons de Baccarat et de Gerbéviller.)


nord.

Dans le canton de Wormhout, comme dans ceux de Bergues et de Houdschoote, les instituteurs ont le bonheur de trouver dans le clergé la plus grande bienveillance pour eux, quand ils s’acquittent de tous leurs devoirs ; quand ils ne le font pas, ils sont sollicités à y revenir avec une bonté, une patience et une persévérance douce et admirable. Le clergé tend partout à maintenir ou rappeler les instituteurs à la gravité.

— Dans ce canton (Bouchain) nul n’a plus d’ascendant sur les esprits, plus de lumières, et surtout plus de zèle pour l’amélioration de l’enseignement primaire que le curé. Il est même souvent le seul qui réunisse ces deux dernières qualités. Je dois rendre cette justice à MM. les ecclésiastiques de ce canton, que je n’ai trouvé nulle part des vues plus sages et de meilleures dispositions. Nul doute que, par leurs conseils, par leurs fréquentes visites dans les écoles, et surtout par ces moyens que la charité seule inspire et sait employer, ils ne contribuent puissamment à peupler les écoles et à répandre le goût de l’instruction.


oise.

Les parents sont si insouciants, qu’ils n’enverraient pas leurs enfants à l’école, s’ils n’y étaient poussés par le curé qui les menace de ne pas faire faire la première communion à ceux qui ne sauront ni lire ni écrire. (Arrondissement de Beauvais, canton de Lalandelle.)


pas-de-calais.

J’ai trouvé beaucoup de bonne volonté chez les instituteurs, et je n’ai qu’à me louer de tous mes rapports avec MM. les ecclésiastiques. (Arr. de Montreuil.)


pyrénées (hautes).

Depuis la révolution de juillet, les prêtres sont restés étrangers à l’instruction primaire. Il reste encore chez eux quelque chose de ce sentiment de défiance qu’ils ont d’abord éprouvé. Mais il leur tarde de reprendre de l’influence. Ils ne refusent pas leur concours. Ce concours, réglé par les sages dispositions de la loi du 28 juin, tournera au profit des écoles. (Arrondissement de Tarbes.)


rhin (haut).

La faute du peu de progrès n’est pas au clergé, qui se montre favorable à l’instruction populaire, et seconde de toute son influence les efforts des instituteurs. Dans un grand nombre de communes, les curés n’admettent à la première communion que les enfants qui savent lire en allemand. (Arrondissement d’Altkirch, canton de Huningue, Landser et Mülhausen.)

— L’école manque de livres et ne possède que ceux que M. le curé et l’instituteur ont fournis à leurs frais. M. le curé a donné à l’instituteur des billets de satisfaction imprimés à ses frais et qu’il rachète ensuite des élèves à un ou deux liards, selon la fortune des parents, pour qu’ils puissent se procurer du papier. M. le curé prêche souvent sur la nécessité de l’instruction, et refuse de recevoir à la première communion les enfants qui n’ont pas fréquenté l’école. (Arrondissement d’Altkirch, canton d’Altkirch.)


rhône.

Je n’ai eu qu’à me louer du concours des maires dans ce canton (Beaujeu). Les curés ont aussi montré beaucoup de bonne volonté ; plusieurs ont annoncé en chaire l’inspection des écoles, et ont invité leurs paroissiens à envoyer leurs enfants pour le passage de l’inspecteur.

— Les curés (canton de Saint-Nizier) ne paraissent pas généralement bien disposés en faveur des écoles. Peut-être que, si elles étaient mieux dirigées, ils montreraient moins d’opposition.


saône (haute).

L’instituteur n’a que deux chambres pour se loger avec sa famille, composée de 8 personnes. Il n’a ni cave ni grenier. Il faut que M. le curé partage avec l’instituteur une partie du presbytère, soit pour placer son mobilier, soit pour déposer ses denrées et provisions. (Vougécourt canton de Jussey, arrondissement de Vesoul.)


sèvres (deux).

Dans les communes voisines de Niort, MM. les curés ont semblé tout-à-fait étrangers à l’instruction primaire. Après un mûr examen, l’inspecteur a moins accusé leur zèle que l’éloignement qui leur est manifesté par des instituteurs qui ont pensé s’affranchir d’un joug en repoussant l’influence salutaire des idées religieuses sur l’éducation, ou la défiance des autorités locales ; défiance, sinon toujours injuste, au moins toujours exagérée, lorsqu’elle est témoignée par des hommes peu éclairés. (Arrondissement de Niort, canton de Niort.)


vendée.

Tout est bien, tout est parfait dans cette île, qui renferme 7000 habitants. Ce succès heureux est dû au maire de Noirmoutier, et surtout au vénérable curé de Barbatre, M. Leroi, qui favorise l’enseignement mutuel, qui s’est privé d’une dépendance de sa cure pour bâtir l’école. (Arrondissement des Sables, canton de Noirmoutier.)

— Sachant quelle influence exercent MM. les curés, j’ai cherché partout à me mettre en rapport avec eux, et j’y suis presque toujours parvenu. Je n’ai en général qu’à me louer de leur accueil, et je les ai trouvés bien moins hostiles qu’on ne le suppose à l’instruction du peuple. La plupart, au contraire, sont tout disposés à l’encourager, en travaillant eux-mêmes à la répandre. Je citerai entre autres MM. Crosnier, curé de St.-Laurent-sur-Sèvre, et Fart, de Ste.-Hilaire de Mortagne, qui ont établi une école dans leur presbytère. Ce que redoutent les ecclésiastiques pour les enfants du peuple, ce n’est pas en général l’instruction, mais les mauvais livres. J’en ai rassuré plusieurs en leur lisant la liste des ouvrages de piété et de morale que j’ai trouvés employés à peu près exclusivement, comme livres de lecture, dans toutes les écoles que j’ai visitées. J’en ai pris occasion de dissiper les préjugés de plusieurs d’entre eux au sujet de l’enseignement mutuel dont ils n’avaient pas l’idée, et que je leur ai expliqué. (arrondissement de Bourbon-Vendée.)



Calvados ; arr. de Falaise, cant. de Falaise et de Coulibœuf. — Beaucoup d’instituteurs disent qu’ils enseignent l’histoire sainte parce qu’ils font lire dans l’Abrégé de Royaumont, mais pas un n’a pu présenter un élève qui répondît aux plus simples questions, sur les pages qu’ils étaient tous censés savoir. Plusieurs font les esprits forts, et se vantent de ne pas enseigner ces bêtises-là.

Manche ; arr. de Mortain, comm. de.... — Il m’a semblé que M. N.... avait la capacité intellectuelle à peu près suffisante ; mais il manque un peu d’aplomb, de sagacité dans sa surveillance, et peut-être, aussi, de zèle et de courage pour vaincre les difficultés qu’il a rencontrées, ou qu’il s’est créées lui-même dans l’exercice de ses fonctions. Car il est bien avéré que, pendant les quatre ou cinq premiers mois qui s’écoulèrent depuis son installation, il a été plusieurs fois remarqué parcourant les rues et les places de la bourgade de…, avec ses élèves, qui chantaient la Marseillaise et le Réveil du Peuple, et vociféraient des provocations de parti, des insultes blessantes pour quelques-uns des habitants et les cris : à bas les calotins ! à bas les jésuites ! devant le presbytère. M. le maire m’a attesté que ces désordres avaient cessé depuis six à sept mois ; mais il est néanmoins présumable qu’ils ont détourné grand nombre de parents d’envoyer leurs enfants à l’école mutuelle, et déterminé beaucoup d’autres à les en retirer.

Arriège ; arr. de Foix, cant. d’Ax et de Cabannes. — Pour prospérer, l’enseignement a besoin de l’appui franc et consciencieux du sacerdoce : dès que les curés le voudront réellement, toutes les communes auront des instituteurs.

Aude ; arr. de Carcassonne. — Un grand nombre de parents désireraient que les instituteurs conduisissent leurs élèves à l’église, le jour du dimanche. Il conviendrait, ce me semble, de prendre une mesure générale à cet égard, vu que la plupart des enfants n’entendent pas la messe, et que les parents se plaignent de la négligence des maîtres d’école à ce sujet.

Vaucluse ; arr. d’Orange. — Peut-être, dans les communes essentiellement religieuses, le curé pourrait-il obtenir que les enfants fréquentassent, d’une manière continue, l’école, en ne les admettant à la première communion qu’à cette condition, d’autant qu’ils apprécieraient mieux la grande action à laquelle il a à les préparer ; on pourrait encore exciter le zèle des parents à envoyer assidûment leurs enfants à l’école, en appropriant davantage l’enseignement aux localités, en faisant un cours d’agriculture dans les communes rurales, et en donnant plus d’extension aux études commerciales et industrielles dans celles où l’on se livre au commerce et où l’on trouve des manufactures.

Vosges ; arr. de Neufchâteau, cant. de Châtenois. — Généralement, il n’y a point d’école en été. Le moyen de remédier à ce mal serait, je crois, d’engager les curés à ne faire faire la première communion qu’à ceux qui auraient fréquenté l’école continuellement.

Voyez page 30.

Voyez Note 168, Haute-Marne.

Drôme ; arr. de Die, cant. de Crest (sud). — Deux instituteurs ayant reçu des livres n’ont pu s’en servir, parce que leurs curés ne les ont pas trouvés orthodoxes.

Voyez 414, Somme.

Côtes-du-Nord ; arr. de Dinan. — Dans les communes où l’école est dirigée par un laïque, il arrive souvent que les curés abusent de leur influence en détournant les familles d’y envoyer leurs enfants. Tous les prétextes servent alors de raisons ; et l’un de ceux qu’ils font valoir le plus souvent, c’est que les jeunes gens, plus instruits que leurs pères, ne voudront plus leur rendre aucun service et deviendront de dédaigneux fainéants.

Drôme ; arr. de Montélimart, cant. de Pierre-Latte. — Un curé cependant, celui de Glausayes, m’a dit qu’il aimait mieux que les enfants ne sussent pas lire, aussi demande-t-il un maître plus dévot qu’instruit.

Loire-Inférieure ; arr. d’Ancenis, cant. de Varades, comm. de la C....... — Le curé ne veut pas entendre parler d’instruction primaire, à quelque prix et à quelque condition que ce soit.

Haute-Loire ; arr. de Brioude. — Une cause domine toutes les autres : c’est l’opposition inerte ou active du clergé, qui d’ailleurs paraît craindre que l’instruction primaire ne prenne quelque essor. Où les instituteurs ne sont pas les hommes du curé, leurs écoles se dépeuplent, et ils sont obligés de porter de commune en commune leur industrie entourée alors de méfiance, et leur misère. Pour le curé, le besoin de l’instruction se borne à la prière et au catéchisme, et si l’on veut, à un peu de lecture. Aussi lui convient-il mieux d’avoir, au lieu d’instituteur, une de ces filles, dites de St.-Dominique ou d’un autre nom, qu’on trouve dans toutes les paroisses, et le plus souvent dans plusieurs hameaux de la même paroisse. Elles reçoivent des secours du curé, n’exigent qu’une rétribution de 25 à 50 centimes, payée parfois en denrées et que les parents semblent avoir le droit de refuser.

Haute-Loire ; arr. et cant. de Le Puy. — Le peu de sympathie que trouve chez beaucoup de curés l’instruction populaire, l’aversion anticipée de presque tous, pour tout ce qui doit venir de l’école normale, ne se sont point présentés à moi comme l’obstacle le plus puissant que doit rencontrer la diffusion générale de l’instruction primaire. Il en est d’autres plus multiples, et d’une nature plus tenace encore.

Moselle ; arr. de Thionville, cant. de Bouzonville. — Causes influant sur le peu de zèle des parents. — L’influence des prêtres qui leur persuadent que l’instruction a pour but le renversement de la Religion ; la nécessité d’employer leurs enfants à garder leurs frères ou leurs sœurs plus jeunes qu’eux, à préparer la nourriture, à la porter aux champs, à y travailler eux-mêmes.

Puy-de-Dôme ; arr. de Riom, cant. de Pontgibaud. — Le clergé, dont l’influence est grande, surtout sur les montagnes, est en général contraire à la propagation de l’instruction primaire.

Sarthe ; arr. au Mans, cant. d’Écommoy, comm. de St.-Ouen-en-Belin. — Qu’on ajoute à ces difficultés l’influence d’un curé âgé de 77 ans, qui ne peut pas concevoir qu’un petit garçon sache lire et écrire sans devenir un esprit fort. Je me hâte de dire que c’est le seul ecclésiastique que j’aie trouvé dans mon inspection ayant des idées aussi rétrogrades.

Maine-et-Loire ; arr. de Bauge, cant. et comm. de Seiches. — L’insouciance de l’autorité locale qui n’a jamais encouragé l’instituteur, l’opposition constante du curé qui prétendait qu’il valait mieux envoyer les enfants mendier que de les mettre à l’école, le peu d’énergie, la nonchalance même de l’instituteur, ont nui dans cette commune au développement de l’instruction primaire.

Cantal ; arr. de Mauriac, cant. de Marcenat. — Le curé du lieu, qui est le père de ses paroissiens, est, pendant l’hiver, l’instituteur gratuit du petit nombre d’enfants qui n’émigrent pas.

Corrèze, ; cant. de Somac et de Eyguraude. — Ici le parti théocratique domine, et les prêtres se sont emparés de l’enseignement ; il n’y a pas de desservant qui ne tienne école.

Oise ; arr. de Senlis, comm. de Bello. — Le curé, qui est très-aimé dans le pays, se donne beaucoup de mal pour l’instruction ; avant l’arrivée du nouveau maître, il a fait l’école six heures par jour pendant trois mois.

Jura ; arr. de Poligny. — En vain MM. les pasteurs s’élèvent-ils contre cet état de choses, en vain refusent-ils d’admettre à la première communion ceux qui n’ont pas fréquenté l’école ; il en est qui, à vingt ans n’y ont pas mis les pieds. Des curés ont offert, non seulement de se charger de la rétribution mensuelle, mais de la nourriture de ceux qui fréquenteraient l’école ; l’habitude a été plus forte. J’ai pressé MM. les maires de redoubler de zèle pour vaincre cette déplorable obstination, celui de MM. les curés n’ayant pas besoin d’être stimulé.

Seine-Inférieure ; arr. de Neufchâtel. — L’inspecteur profite de cette occasion pour signaler la conduite généreuse de M. le curé de la Chapelle-St.-Ouen, sans lequel les enfants de trois paroisses se verraient privés de tout moyen d’instruction. Voyant que la commune n’avait pas de maison d’école, et que ses ressources ne lui permettaient pas d’en faire construire une, il a cédé à l’instituteur la moitié de son presbytère, et, depuis neuf ans, il lui abandonne la partie la plus commode et la plus agréable, tant pour la classe, que pour son logement et celui de sa famille, dont le vénérable ecclésiastique est devenu le père d’adoption.

Voyez page 144, Loire-Inférieure.

Lozère ; arr. de Marvejols. — Plusieurs prêtres m’ont déclaré que ma présence et les explications que je leur donnais les rassuraient ; qu’autrement, ils auraient, peut-être, usé de toute leur influence pour s’opposer à l’admission d’un instituteur qui prétendrait suivre les nouvelles méthodes, et qu’ils préféraient leurs institutrices à tous les instituteurs du monde.

Maine-et-Loire ; arr. de Beaupréau, cant. de Cholet et de Monfaucon. — ...... Il est vrai que les bonnes gens des campagnes ne sont pas tout-à-fait à blâmer. Les personnes qui les dirigent dans les voies de la terre et du ciel, loin de les éclairer, exploitent leur ignorance ; leur répètent sans cesse qu’il est dangereux d’être instruit, et qu’il faut surtout se défier des faux docteurs et de toute innovation.

Deux-Sèvres ; arr. et cant, de Niort. — ...... Dans les communes voisines de Niort, MM. les curés ont semblé tout-à-fait étrangers à l’instruction primaire. Après un mûr examen, l’inspecteur a moins accusé leur zèle que l’éloignement qui leur est manifesté par des instituteurs qui ont pensé s’affranchir d’un joug, en repoussant l’influence salutaire des idées religieuses sur l’éducation, ou la défiance des autorités locales, défiance, sinon toujours injuste, au moins toujours exagérée lorsqu’elle est témoignée par des hommes peu éclairés.

Ain ; arr. de Belley, cant. de l’Huis et de Visieux-le-Grand. — L’instituteur breveté de la commune d’I...., canton de l’Huis, se trouve, en ce moment, réduit à abandonner son école, attendu que le curé en a établi une lui-même ; par l’ascendant qu’il a sur les mères de famille et les enfants, il réunit une quarantaine d’élèves, c’est-à-dire presque tous les enfants de la commune. Le curé, devant faire partie du comité local de surveillance de l’école, peut-il être à la fois surveillant et surveillé ? Question qui vient d’être soumise à M. le préfet, par le sous-préfet de l’arrondissement. D’un autre côté, ce cumul de fonctions, cette sorte d’envahissement pourraient bien ne pas toujours sembler du zèle, et être pris pour de la cupidité.

Ain ; arr. de Nantua. — Quelques curés, sans tenir école, réunissent, chez eux, les enfants des familles les plus aisées, de sorte que l’instituteur, réduit aux élèves pauvres, est presque privé de la rétribution.

Basses-Alpes ; arr. de Castellanne, cant. de Castellanne. — Je dois dire, en finissant, que telle commune qui n’avait pas d’instituteur lors de ma tournée, en a un maintenant, à qui elle ne donne, le plus souvent, que 15, 20 francs par mois. La plupart de ces instituteurs n’ont ni autorisation ni brevet, et exercent clandestinement. Les curés des campagnes ont, pour l’ordinaire, six, huit élèves au lieu de deux que la loi leur permet d’avoir, et comme ce sont les enfants des parents les plus en état de payer, en admettant chez eux ces enfants, ils tuent l’école communale.

Hautes-Alpes ; arr. d’Embrun, cant. d’Aiguilles. — L’école de latin que le curé d’A… exploite depuis 10 ans, lui rapporte annuellement 200 ou 300 francs net, et prépare des sujets seulement au petit séminaire, qui frustrerait l’Université d’un moindre nombre de rétributions, si les élèves de cet établissement étaient forcés à porter l’habit ecclésiastique.

Drôme ; air. de Montélimart, cant. de Grignan. — Plusieurs curés prennent chez eux sept à huit des enfants les plus riches, et enlèvent par là aux instituteurs la source principale de leur revenu. Le desservant de C.... se fait ainsi un revenu de plus de 200 francs.

Drôme ; arr. de Nyons. — Les curés et les vicaires prennent souvent chez eux les enfants les plus riches.

Loire ; arr. de Montbrison, cant. de Montbrison. — Le canton de Montbrison est un des plus dépourvus d’écoles primaires de garçons, à cause du voisinage d’établissements ecclésiastiques, autorisés ou non, tels que le petit séminaire de Verrières, autorisé, et le petit séminaire de Montbrison, non légalement autorisé. Indépendamment de ces écoles, qui comptent ensemble trois cents élèves, les curés tiennent des écoles sous le nom de manécanterie, en dehors de toute surveillance universitaire. Ces écoles attirent tous les enfants de familles aisées qui peuvent payer une pension.

Ardennes ; arr. de Vouziers, cant. d’Attigny. — Plusieurs instituteurs se plaignent que, tant que les enfants n’ont pas fait leur première communion, il leur est presque impossible de leur faire apprendre autre chose que le Catéchisme. D’après les instances de MM. les curés, je leur ai donné des conseils propres à leur faire concilier ce qu’ils doivent à cette partie de l’enseignement avec le reste.

Hautes-Alpes ; arr. d’Embrun ; cant. d’Aiguilles. — Le clergé a, dans tout le canton d’Aiguilles, une influence dont il a abuse plus d’une fois. La plupart des prêtres exigent, assez rigoureusement, que les instituteurs conduisent, chaque jour, leurs élèves à la messe, sur les dix heures du matin ; et à la prière, qui est suivie d’une instruction, le soir, sur les quatre ou cinq heures. Indépendamment du temps que ces exercices occupent, ils ont l’inconvénient d’exposer à des maladies les élèves qui passent subitement d’écuries fort chaudes dans des églises plus ou moins froides.

Doubs ; arr. de Beaune, cant. de Clerval. — Souvent le curé dit sa messe pendant le temps consacré à la classe, et il veut que le maître y conduise les enfants : je me suis efforcé de concilier les exigences du desservant avec les intérêts des jeunes gens ; mais je n’ose compter sur le succès.

Meurthe ; arr. de Lunéville. — Partout où les curés portent de l’intérêt au développement de l’instruction, et, par conséquent, s’occupent des écoles, on remarque des résultats bien plus satisfaisants qu’ailleurs. Mais il en est qui ne paraissent que très-rarement dans les écoles, et d’autres qui, par leurs exigences, compromettent les succès des instituteurs. Dans plusieurs communes, les curés viennent faire la leçon du catéchisme à l’école, à des heures non fixées, et interrompent ainsi les autres leçons commencées. D’autres, disant leur messe, tantôt à une heure, tantôt à une autre, exigent que l’instituteur y conduise, tous les jours, ses élèves. Le maître ne commence aucune leçon qu’il soit sûr d’achever sans être interrompu. Cependant, les curés pourraient dire la messe avant ou après la tenue des classes ; et, d’ailleurs, les enfants pourraient bien n’y assister que les jeudis et les dimanches. Les instituteurs n’osent résister à leurs exigences, mais, si l’autorité universitaire réclamait, auprès de l’autorité ecclésiastique, un règlement conforme aux besoins de l’instruction, dans les rapports qui existent entre les curés et les instituteurs, ceux-ci ne seraient point compromis, et leurs écoles, tenues avec plus de régularité, pourraient offrir des résultats plus avantageux. Ces observations ne doivent point s’appliquer aux curés en général ; on peut dire, au contraire, que la plupart exercent, sur les écoles, une influence des plus utiles à l’instruction.

Maine-et-Loire ; arr. de Beaupréau. — … L’influence du clergé, peu favorable à l’ordre de choses actuel, est toute puissante dans ces contrées. Toute innovation est reçue par eux avec une défiance qu’il sera très-difficile, pour ne pas dire impossible, de neutraliser. — L’autorité doit veiller sérieusement sur les sourdes et continuelles intrigues que la majorité des curés oppose à toute amélioration dans l’instruction, dont le monopole est l’objet constant de leur ambition

Mayenne ; arr. de Mayenne. — Au lieu de seconder les vues du Gouvernement, pour l’amélioration et la propagation de l’instruction primaire les curés font tous leurs efforts, et profitent de toute leur influence pour empêcher les conseils municipaux de voter les fonds nécessaires à l’établissement d’une école communale. Ils répandent, ou font répandre le bruit : que le Gouvernement a l’intention de changer les livres religieux, pour y substituer des ouvrages subversifs de toute morale et de toute religion ; et qu’il veut ajouter encore à la misère des habitants, en exigeant d’eux le vote des 3 centimes additionnels, quand ils sont déjà accablés d’impôts. Je dirai même que sans les curés on ne ferait rien. Ils dominent exclusivement dans toutes les campagnes. Les enfants iront ou n’iront pas à l’école, selon que les ecclésiastiques conseilleront les parents. Or, ils sont portés à les y envoyer, parce que l’instituteur épargne la peine de leur apprendre le catéchisme.

Maine-et-Loire ; arr. d’Angers. — Les causes qui contribuent au peu de succès de l’enseignement, sont :

1o La faiblesse des maîtres, et plus encore, l’état de découragement et de misère dans lequel ils ont été jusqu’ici. La plupart trouvant à peine, ou même ne trouvant pas, dans leur profession, les moyens de pourvoir à leurs besoins les plus pressants, conservent, dans leur pauvreté, trop peu de liberté d’esprit pour étudier les nouvelles méthodes.

2o Mauvaise disposition du local. Dans un très-grand nombre de communes, l’appartement où se fait la classe est mal disposé ou peu convenable. Quelquefois il sert en même temps de logement et de cuisine au maître et à sa famille.

3o Mais, l’obstacle le plus puissant aux progrès de l’instruction, dans nos campagnes, c’est le peu d’harmonie qui règne entre l’autorité municipale et le clergé. Très-souvent, il suffit que l’instituteur soit bien avec le maire pour qu’il soit mal vu du curé. S’il était bien avec le curé, il serait mal avec le maire.

Mayenne ; arr. de Château-Gonthier. — J’ai remarqué que, dans plusieurs communes, les instituteurs avaient grande peine à se concilier, à la fois, la bienveillance du maire et du curé. Sans le concours de MM. les curés, sans leur bienveillante protection, un instituteur ne peut rien faire dans une commune, puisque, s’ils ne forçaient, pour ainsi dire, les enfants à venir apprendre le catéchisme dans les écoles, elles seraient désertes, même pendant l’hiver.

Creuse ; arr. de Boussac. — Il résulte des renseignements et des conversations recueillis pendant ma tournée, dans cet arrondissement, que plusieurs curés cherchent à paralyser les mesures de l’administration pour organiser l’instruction primaire conformément à la loi. Un maire de chef-lieu de canton, homme estimable et digne de foi, m’a signalé une réunion récente de vingt-deux ecclésiastiques, dans laquelle on aurait concerté les moyens à opposer à l’exécution de cette loi ; on n’y serait pas tombé d’accord, mais on est convenu, en attendant mieux, d’employer la dérision ; on s’est élevé avec force contre cette belle circulaire du Ministre aux Instituteurs, et on a surtout blâmé le passage où les devoirs de l’instituteur, envers le curé ou pasteur, ont été tracés avec un tact, une sagesse et une délicatesse si remarquables. On s’est promis de n’assister à aucune assemblée où la loi appelle MM. les curés.

Ardennes ; arr. de Vouziers. — Je pense que MM. les curés ne contrarieront pas les mesures que je prends ; j’en ai trouvé de fort raisonnables ; d’autres sont douteux ; la plupart ne s’occupent plus des écoles depuis 1830, mais ils tiennent toujours les instituteurs en respect et en obéissance, parce que ces instituteurs sont chantres. Le mariage, que les instituteurs ont touché jusqu’à présent, en qualité de chantres, formant la plus grande partie de leur revenu, ces instituteurs craignent de manquer à leurs devoirs de chantre et ne mettent les fonctions d’instituteur qu’en seconde ligne.

Ain ; arr. de Belley, cant. d’Ambérieux et Lagnieux. — À S.... seulement, des élections nouvelles ont empêché l’ancien maire et l’ancien adjoint d’aider l’inspection. Partout ailleurs, elle a excité l’intérêt de MM. les curés, de MM. les maires, et de plusieurs conseillers municipaux.

Ain ; arr. de Nantua. — En général, MM. les curés et MM. les maires se sont trouvés présents dans leurs communes et je n’ai eu qu’à me louer de leur concours.

Haute-Garonne ; arr. de St.-Gaudens, cant. de Bagnères-de-Luchon. — Le clergé se prête merveilleusement aux progrès de l’instruction ; il n’offre aucune trace de fanatisme ni d’hostilité envers le Gouvernement. Il mérite la confiance, et l’on peut compter sur lui : presque tout composé d’hommes du pays, il fait cause commune avec les populations.

Loiret ; arr. et cant. de Gien. — Nevoy. Cette commune n’a pas d’instituteur ; elle est cependant assez forte pour en avoir ; elle compte environ six cents âmes ; elle a peu de ressources pécuniaires, mais le plus grand obstacle à l’établissement d’une école, c’est l’indifférence des parents. Elle est poussée à un tel point que M. le curé, qui est un homme dont les intentions sont les meilleures, et qui cherche tous les moyens d’être utile à ses paroissiens, n’a pu obtenir d’eux qu’ils lui envoyassent leurs enfants à l’école ; il leur avait offert de leur faire l’école gratis, et de leur fournir gratis aussi les livres, les plumes, le papier et l’encre. Dans cette commune, l’ignorance et l’indifférence sont telles, qu’il n’y a même pas un enfant pour servir la messe.

Manche ; arr. d’Avranches, cant. de Sartilly et de Granville. — Partout MM. les curés semblent pleins de zèle pour l’instruction primaire, très-satisfaits des instituteurs, et disposés à combattre de tout leur pouvoir l’insouciance des familles.

Pas-de-Calais ; arr. et cant. de Montreuil. — J’ai trouvé beaucoup de bonne volonté chez les instituteurs, et je n’ai qu’à me louer de tous mes rapports avec MM. les ecclésiastiques.

Bas-Rhin, arr. de Schélestadt, cant. de Barr. — Dans beaucoup de communes, les élèves quittent l’école, dès qu’ils ont atteint leur douzième ou tout au plus leur treizième année, époque à laquelle ils sont admis à la confirmation. M. le curé de Dambach n’en admet aucun avant qu’il ait quatorze ans accomplis ; on en fait de même dans les écoles protestantes.

Sarthe ; arr. du Mans, premier et deuxième cant. du Mans, comm. de Neuville-sur-Sarthe. — Le curé au zèle duquel est due la prospérité de l’école, s’occupe de l’instruire (l’instituteur) afin de pouvoir le censurer. La classe, qui est formée par le curé, est très-bien meublée, et rien n’est négligé pour exciter l’émulation des élèves. Cette commune doit encore au zèle du curé une école de filles qui est parfaitement tenue, et où les progrès se font remarquer.

Sarthe ; arr. du Mans, cant. de Montfort. — À cette occasion, je ferai remarquer que, sauf un très-petit nombre d’exceptions, il règne dans le canton de Montfort la meilleure intelligence entre les autorités civiles et religieuses. Je n’ai eu qu’à me louer de MM. les maires et de MM. les ecclésiastiques.

Somme ; arr. d’Abbeville, cant. de Gamaches. — MM. les curés de ce canton, à l’exemple de leur respectable doyen, secondent de la manière la plus louable, les intentions du Gouvernement relativement à l’instruction élémentaire. Non seulement ils rendent de fréquentes visites à l’école de leur commune, mais encore quelques-uns d’entre eux donnent à l’instituteur des leçons particulières. Il en est aussi plusieurs qui, au moyen des dons particuliers, ont fondé des bourses assez nombreuses en faveur des enfants indigents, et distribué, en nombre considérable, les livres de lecture adoptés par le conseil royal.


fin.