Théatre lyonnais de Guignol/Le Pot de confitures

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Théatre lyonnais de GuignolN. Scheuringtome 1 (p. 45-65).

Le pot de confiture

LE POT DE CONFITURES

PIÈCE EN UN ACTE


Un Jardin.

Scène I

CASSANDRE, puis OCTAVE.
CASSANDRE entre & appelle son fils.


OCTAVE ! mon fils ! venez ici. (Octave entre.) Savez-vous que je suis dans une grande colère ?

OCTAVE.

Contre moi, mon père ?

CASSANDRE.

Non pas contre vous, mon ami ; mais contre ce domestique que vous m’avez fait prendre il y a quelques semaines. C’est un gourmand fieffé… Rien ne lui échappe… le vin… le sucre… les fruits, tout est au pillage chez moi. Hier encore, nos voisines Mesdames de Saint-Rémi sont venues faire une visite au château : j’ai voulu leur offrir des confitures ; il n’y avait pas un pot entier ; & qui les avait entamées ? C’était lui, c’était M. Guignol.

OCTAVE.

Cela n’est pas possible, mon père.

CASSANDRE.

Cela est certain… je suis sûr de mes autres domestiques, & je l’ai déjà pris sur le fait… C’est affreux… je ne veux plus d’un pareil drôle.

OCTAVE.

Mon père, votre sévérité m’afflige beaucoup,… Vous savez que ce pauvre Guignol a été placé chez vous par Mademoiselle Émilie, la fille de votre ami, de votre voisin, M. Desessart. Avec votre permission, j’ai demandé il y a peu de temps la main de Mademoiselle Émilie, j’espère une réponse favorable ; mais enfin elle ne m’est pas encore donnée… Si vous renvoyez dans un pareil moment le protégé de Mademoiselle Émilie, elle se fâchera, elle me repoussera, mon mariage sera manqué & je serai au désespoir.

CASSANDRE.

Certainement j’approuve beaucoup ton projet de mariage avec Mademoiselle Émilie, qui est charmante… mais je n’y vois pas une raison pour que ma maison soit au pillage… Je veux des domestiques fidèles. Ton Guignol est intolérable.

OCTAVE.

Mon père, encore un peu de patience !

CASSANDRE.

Ma patience est à bout… Je vais faire des visites dans le voisinage, je rentrerai ce soir. Il faut que Guignol parte… Si je le retrouve à mon retour, je le châtierai moi-même, & avec un bon bâton, quand Mademoiselle Émilie & toute sa famille devraient en être furieuses. (Il sort.)


Scène II

OCTAVE, seul

Mon père est fort irrité, je crois bien qu’il n’a pas tout à fait tort… Je me suis plus d’une fois aperçu de la gourmandise de Guignol… Mais comment faire accepter son renvoi par Mademoiselle Émilie ? Appelons-le & donnons-lui une bonne semonce… peut-être cela suffira-t-il. (Il appelle.) Guignol ! Guignol !


Scène III

OCTAVE, puis GUIGNOL.
GUIGNOL, dans la coulisse.

Maître, je suis t’à la cave.

OCTAVE.

À la cave ! qu’y fais-tu ?

GUIGNOL.

Je mets du vin en bouteilles.

OCTAVE, à part.

C’est-à-dire que c’est à présent le tour du vieux bourgogne de mon père. (Haut.) Monte tout de suite, j’ai à te parler.

GUIGNOL.

Je viens… mais je peux pas fermer le robinet… Ces robinets de Saint-Claude sont dur comme du fer… Ils perdent beaucoup.

OCTAVE.

Monte donc ?

GUIGNOL.

Je suis obligé de le fermer avec les dents.

OCTAVE.

Ah ! je vais te faire monter.

GUIGNOL, entre vivement & salue plusieurs fois.

Voilà ! voilà ! petit maître… Je me rends t’à vos ordres… qué qu’y a ?

OCTAVE.

Voilà près d’une heure, Monsieur, que je vous appelle.

GUIGNOL.

Y fallait ben le temps de monter les édegrés.

OCTAVE.

Vous avez eu le temps de les compter.

GUIGNOL.

Y en a trente-deux & demie, en comptant la petiote.

OCTAVE.

C’est bien !.. Veuillez, Monsieur, me regarder en face.

GUIGNOL.

Je peux pas vous regarder de travers, je suis pas louche.

OCTAVE.

Que voyez-vous sur mon visage ?

GUIGNOL.

Je vois un joli garçon avec de jolies petites mustaches.

OCTAVE.

Ce n’est pas cela que je vous demande. Vous devez voir sur mon visage la colère & l’indignation.

GUIGNOL.

Je connais pas ces personnes-là !

OCTAVE.

Je vais me faire comprendre. Mon père m’a chargé de vous mettre à la porte.

GUIGNOL.

Oh ! je crains les courants d’air ; puis j’ai pas de goût pour être portier, on est trop esclave.

OCTAVE.

Mon père te chasse.

GUIGNOL.

Il me prend donc pour un lièvre… Puis il peut pas, la chasse est pas ouverte.

OCTAVE.

Il ne veut plus de toi.

GUIGNOL.

Il veut plus de toit ! C’est bien facile de le contenter ! Donnez-moi un moment ; je grimpe en haut, & dans une heure il n’y aura plus une tuile sur la maison.

OCTAVE.

Tu fais le plaisant, mais cela est sérieux. Mon père est très-mécontent de ton service, & il n’en veut plus.

GUIGNOL.

Et pourquoi donc ça, petit maître ?

OCTAVE.

Parce que tu es le plus fieffé gourmand que la terre ait jamais porté.

GUIGNOL.

Oh ! Monsieur ! pas gourmand, Guignol… j’aime que la soupe de farine jaune & le fromage fort.

OCTAVE.

Tu ne bois pas non plus ?

GUIGNOL.

Rien que de l’eau… comme une petite grenouille…

OCTAVE.

Nous avons malheureusement la preuve de ta gourmandise. Hier, des dames sont venues faire visite au château ; mon père a voulu leur faire offrir des confitures… il n’y avait pas un pot entier.

GUIGNOL.

Le confiseur les avait pas remplis. Y a si peu de bonne foi dans le commerce à présent.

OCTAVE.

N’accuse pas le confiseur… Le coupable s’était trahi ; on voyait la trace de ses doigts.

GUIGNOL.

Par exemple !… Je les avais touchées qu’avec la langue.

OCTAVE.

Tu l’avoues donc, malheureux !

GUIGNOL, à part.

Gredine de langue, scélérate, va ! je te loge, je te nourris & te parles contre moi ! sois tranquille ! (Il se soufflette & se cogne contre le montant.)

OCTAVE.

Drôle ! je te ferai périr sous le bâton.

GUIGNOL.

Petit maître, j’y retournerai plus… J’en ai mangé un petit peu, si petit… si petit… Puis, que je mange des confitures ou du fromage, c’est bien toujours la même chose.

OCTAVE.

Je ne sais qui me retient…

GUIGNOL.

Tapez, maître, tapez, j’ai bon dos ; mais ne me renvoyez pas. Mamselle Émilie vous priera pour moi.

OCTAVE.

Mon père veut que je te chasse.

GUIGNOL.

Oui, mais Mamselle Émilie veut que vous me gardiez.

OCTAVE.

Si au moins j’avais l’espoir de te voir corrigé !…

GUIGNOL.

Oh ! Monsieur, à présent c’est sacré ; je veux être battu comme plâtre si jamais…

OCTAVE.

Allons, rentrez… allez brosser mon habit… j’ai à sortir.

GUIGNOL.

Y a-t-il quéque commission à faire, quéque chose à porter ?

OCTAVE.

Impertinent ! portez donc cela. (Il lui donne un soufflet.)

GUIGNOL.

Merci, petit maître. La lettre est affranchie : faudra-t-il vous rapporter la monnaie ? (Il s’enfuit.)


Scène IV

OCTAVE, puis Mlle ÉMILIE.
OCTAVE, seul.

Le drôle est amusant ; quel dommage qu’il ait un pareil défaut !… Comment le garder sans irriter mon père ? & comment le renvoyer sans déplaire mortellement à Mademoiselle Émilie ? Mais la voici ; il faut bien lui raconter cette malheureuse histoire.

Mlle ÉMILIE, entrant, avec gaîté.

Bonjour, Monsieur Octave.

OCTAVE, tristement.

Mademoiselle. (Il salue.)

Mlle ÉMILIE.

Vous êtes bien soucieux, bien maussade aujourd’hui.

OCTAVE.

Je suis fort triste, Mademoiselle.

Mlle ÉMILIE.

Il me semble que vous devriez recevoir un peu plus gracieusement la visite qu’on vous fait, Monsieur. Où est Guignol ?

OCTAVE.

C’est précisément votre protégé qui me donne du souci.

Mlle ÉMILIE.

Qu’a-t-il donc fait ce pauvre garçon ?

OCTAVE.

Je vous conseille de le plaindre : gourmand, menteur,… tous les vices ! Si vous ne vous intéressiez pas à lui…

ÉMILIE.

Ne vous gênez pas, Monsieur. Renvoyez-le ; mais je suis certaine qu’il n’est pas coupable.

OCTAVE.

Il dévore tout : fruits, sucre, vins d’Espagne ; rien n’échappe à sa gourmandise. Hier, mon père a voulu faire servir des confitures à des dames ; tous les pots avaient été goûtés par Guignol.

ÉMILIE.

Cela n’est pas possible.

OCTAVE.

Il vient de me l’avouer.

ÉMILIE.

Je n’en crois rien. Avec la menace on fait avouer tout ce qu’on veut à un garçon simple comme lui… Je vois bien que vous voulez me faire de la peine… Vous n’avez aucune affection pour moi… C’est bien mal de vous venger sur un pauvre garçon parce que je le protège.

OCTAVE.

Mademoiselle !

ÉMILIE.

Je venais pour vous donner une bonne nouvelle… je ne vous la dirai pas.

OCTAVE.

Oh ! dites-la-moi, Mademoiselle, je vous en supplie.

ÉMILIE.

Non, certainement… Accuser injustement un pauvre domestique !

OCTAVE.

Injustement ?… & si je vous prouve sa gourmandise ?… si je vous le fais prendre sur le fait avant la fin du jour ?…

ÉMILIE.

Oh ! alors…

OCTAVE.

Alors me direz-vous votre nouvelle ?

ÉMILIE.

Oui, Monsieur ; je suis sûre de gagner… & si vous ne réussissez pas ?

OCTAVE.

Je me soumettrai à tout ce que vous ordonnerez… je subirai la peine que vous daignerez m’infliger.

ÉMILIE.

C’est convenu.

OCTAVE.

Convenu !

ÉMILIE.
Adieu, Monsieur, préparez vos stratagèmes… mais souvenez-vous bien que si vous ne réussissez pas, non seulement je ne vous dis pas le motif de ma visite, mais je vous défends de jamais vous représenter devant mes yeux.

Scène V

OCTAVE, puis GUIGNOL.
OCTAVE, seul.

Je crois que je n’aurai pas grand’peine à gagner mon pari. (Il appelle.) Guignol ! Guignol !

GUIGNOL, dans la coulisse, d’une voix étouffée.

Voilà, maître, je viens.

OCTAVE.

Allons, il a la bouche pleine. Viendras-tu ?… Il étouffe, le malheureux !

GUIGNOL, arrivant.

Voilà, voilà, borgeois. (Il tousse & crache.)

OCTAVE.

Qu’as-tu donc ?

GUIGNOL.

C’est la poussière. En battant votre habit, il est tombé dans les équevilles[1]… quand j’ai voulu le brosser, la poussière m’a rempli la corgniôle.

OCTAVE.

Elle paraît fort épaisse cette poussière.

GUIGNOL.

C’est fini. (À part.) J’avais attrapé un pâté aux quenelles ; y a une patte d’écrevisse qui s’est mise en travers & qui ne voulait plus descendre la Grand’côte. Si j’avais pas avalé quéques cornichons, je tournais l’œil.

OCTAVE.

J’ai une commission à te faire faire.

GUIGNOL.

J’y vais, petit maître.

OCTAVE.

Où vas-tu ?

GUIGNOL.

Faire votre commission.

OCTAVE.

Et où ?

GUIGNOL.

Ah ! je sais pas.

OCTAVE.

Tu es aussi étourdi que gourmand ; attends-moi là un instant. (Il sort.)

GUIGNOL.

Oh ! que les maîtres sont difficiles à contenter ! Si on leur demande des explications, ils disent qu’on est bête ; si on leur en demande pas, ils disent qu’on est étourdi ; je sais plus comment les prendre… Après ça ils ont bien leurs peines… Moi, si j’étais maître, je voudrais point avoir de domestiques.

OCTAVE, revenant avec un pot qu’il pose sur la bande.

Tu vas porter cela à Mademoiselle Émilie… Aie bien soin de ce pot : il contient des confitures, mais des confitures de l’Inde, au bambou & à l’ananas… elles valent trois cents francs le pot… Va & reviens au plus vite.


Scène VI

GUIGNOL, seul.

Des confitures de dinde & de trois cents francs le pot !… ça doit être un peu chenu… ça me fait la chair de poule de porter quéque chose de si bon… Oh ! je veux pas en goûter, j’ai promis… c’est sacré… Mais je peux ben les sentir… Si j’ai un nez, c’est pas pour en faire un tuyau de poële… (il met le nez sur le pot.) Oh ! qu’elles sentent bonnes ! qu’elles sentent bonnes ! ça sent la violette, la rose, le jasmin & le jus de saucisse !… Allons, allons ! emportons-les… (Il prend le pot.) Oh ! cette odeur me prend le nez ; ça me met sens dessus dessous. Elles doivent être bien jolies… si je les regardais !… ça n’en ôtera pas ; & si on a des quinquets, c’est bien pour s’en servir. (Il ôte le papier.) Oh ! quelle jolie couleur ! couleur de pomme, couleur de vin… Elles me donnent dans l’œil ; ça me fait comme un rayon de soleil dans un siau d’eau… Allons, allons, pas de bêtises, emportons-les… (Il prend le pot.) Tiens, mon pouce qui y a touché ! mon pouce en a ! si je le lichais… (Il suce son doigt.) Oh ! que c’est bon ! que c’est bon ! qué velours dans la corgniôle ! Bah ! j’y mets les doigts. (Il goûte encore.) Oh ! je n’y tiens plus, je n’y tiens plus. (Il met la tête dans le pot.)… Ah ! malheureux, qu’ai-je fait ?… y en a-t-il encore ? (Il regarde.) Il n’y a plus rien… Ah ! gredin, te manges pour trois cents francs de confitures ! c’est plus que te ne vaux… Que faire du pot à présent ?… Je vais tout de même le porter… on croira que c’est le chat qui les a mangées. (Il sort.)


Scène VII

OCTAVE, puis GUIGNOL.
OCTAVE, qui a paru vers la fin de la scène précédente : il rit.

J’espère que mon pari est gagné à présent… Ah ! Monsieur le gourmand, après le péché la pénitence… à nous deux maintenant… Le voici ! il a été leste.

GUIGNOL, arrivant. (À part.)

J’ai laissé le pot à la salle à manger ; personne ne m’a vu.

OCTAVE.

As-tu fait ma commission ?

GUIGNOL.

Oui, maître.

OCTAVE.

Mademoiselle Émilie était-elle chez elle ?

GUIGNOL.

Oui, maître.

OCTAVE.

A-t-elle regardé ce que tu lui apportais ?

GUIGNOL.

(À part.) Il faut que je mente à présent. Allons, un de plus. (Haut.) Oui, maître. (Il aperçoit qu’il a laissé sur la bande la couverture du pot & cherche à la faire tomber.)

OCTAVE.

En a-t-elle goûté ?

GUIGNOL.

Oui, maître ; oui, maître ; elle les a trouvées très-bonnes. (À part.) Je ments avec un aplomb…

OCTAVE.

Ah ! malheureux, qu’ai-je fait ?

GUIGNOL.

Quoi donc, borgeois ?

OCTAVE.

Cours vite, mon cher Guignol ; cours, empêche qu’elle n’en mange encore !

GUIGNOL.

N’y a pas de risque ; mais quoi donc qu’y a ?

OCTAVE.

J’étais fou, vois-tu ! Ce matin, j’ai eu une querelle avec Mademoiselle Émilie ; elle m’a défendu de la revoir. J’ai cru qu’elle voulait en épouser un autre… La jalousie… la colère m’ont égaré… j’ai voulu me tuer… mais j’ai voulu me venger aussi… Ces confitures que je lui ai envoyées… elles étaient empoisonnées.

GUIGNOL.

Empoisonnées ! ah ! (Il pousse un cri & se laisse tomber sur la bande.) Je suis mort.

OCTAVE.

Comment, mort ?… Est-ce que tu en aurais mangé ?

GUIGNOL.

J’en ai goûté une petite braise[2]… Ah ! maître, ça me brûle !

OCTAVE.

Je vais te faire faire du contre-poison.

GUIGNOL.

Ah ! maître, faites-en faire un plein chaudron… Que je souffre ! que je souffre !…


Scène VIII

les mêmes, CASSANDRE, ÉMILIE.
ÉMILIE.

Mais qu’y a-t-il donc ?

CASSANDRE.

Qu’a donc ce maraud à hurler ainsi ?

GUIGNOL.

Il y a que je suis mort : pas plus que çà !

ÉMILIE.

Comment tu es mort, & tu parles ?

GUIGNOL.

Je me suis conservé la parole… mais il ne me reste plus que cela.

CASSANDRE.

Voilà un nouveau genre de mort. Mais qu’est-ce qui t’a tué ?

GUIGNOL.

J’ai pris le bocon… j’ai mangé de la poison.

OCTAVE.

Mademoiselle, je l’avais chargé de vous porter des confitures ; il les a mangées en route, & pour le punir je lui ai fait croire qu’elles étaient empoisonnées.

ÉMILIE.

Ah ! vilain gourmand ! tu m’as fait perdre ma gageure.

CASSANDRE.

Allons, drôle, relève-toi ! Tu n’es pas mort du tout.

GUIGNOL.

Vous croyez ?… Non, vrai, si je suis mort, il vaut mieux le dire.

OCTAVE.

Relève-toi donc : il n’y a de vrai dans tout cela que ta gourmandise.

GUIGNOL, se relevant.

Ah ! j’ai eu une fière favette, tout de même.

OCTAVE.

Mademoiselle, puisque j’ai gagné ma gageure, ne me direz-vous pas la nouvelle que vous m’apportiez ce matin ?

ÉMILIE.

Il le faut bien, Monsieur ; je venais vous annoncer que mon père consent à notre mariage.

OCTAVE.

Quel bonheur ! mon père !

CASSANDRE.

Je suis très-heureux de cette union. Ma bru, embrassez-moi… (Il l’embrasse.) Et ce drôle ?

OCTAVE.

Mon père, il faut lui pardonner, puisque sa sottise vient d’être l’occasion d’une telle joie pour votre fils.

CASSANDRE.

Eh bien ! je vous le donne. Il entrera à votre service le jour de votre mariage.

OCTAVE, à Guignol.

Te voilà corrigé, je l’espère.

GUIGNOL.

Oui, not’maître. Cependant le jour de la noce je pourrai bien faire bombance ? Ce sera la dernière fois.

OCTAVE.

Ah ! mes pauvres confitures !

GUIGNOL, au public.
Air : J’aime les petits pâtés.
Mon amour pour le pâté

    Et la confiture
M’a plus d’une fois jeté
    En triste aventure.
Tout d’ mêm’ si vous en riez,
Aujourd’hui je chanterai :
    La bonne aventure, oh gué !

    La bonne aventure[3] !


fin du pot de confitures.


  1. Équevilles : balayures.
  2. Une braise : un brin, une miette.
  3. La donnée principale de ce petit tableau est la même que celle d’une pièce bien connue de Dorvigny, le Désespoir de Jocrisse. Mais il n’y a de commun entre les deux ouvrages que cette donnée ; l’exécution & les détails sont tout différents. Au reste, à quelques traits qui ont disparu dans la rédaction actuelle, mais qu’on trouve dans d’anciens manuscrits, je ne serais pas éloigné de croire que le Pot de Confitures est au moins contemporain du Désespoir de Jocrisse, & qu’il a été emprunté à un répertoire de marionnettes étranger.