Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/F

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Fables. Les Hiſtoires que débitent toutes les Religions de la terre ſont des Fables ou des contes à dormir debout ; il n’y a que les contes de la Bible qui ſoient des vérités. Quiconque n’eſt pas curieux d’être jetté dans la chaudiere éternelle doit les prendre pour des Hiſtoires véritables.

Fagots. Conter des Fagots c’eſt raconter des Fables ; l’Egliſe a des Fagots dont elle ſe ſert pour répondre aux difficultés que les mécréans oppoſent aux Fagots qu’elle leur conte.

Familiers. Nom que l’on donne en Eſpagne & en Portugal à des Seigneurs diſtingués, qui, par humilité, ſe font les eſpions, les délateurs, les alguazils de la très-ſainte Inquiſition.

Fanatiſme. Rage ſainte ou contagion ſacrée, propre au Chriſtianiſme ſur-tout, dont ſe trouvent ſaiſis les bons Chrétiens qui ont le ſang très-brouillant & le crâne bien fêlé : cette maladie ſe gagne par les oreilles ; elle réſiſte également au bon ſens & aux remedes violens ; les bouillons, les bains, ou les petites maiſons en ſont les ſpécifiques aſſûrés.

Fardeau. Le Fardeau du Seigneur eſt leger. Ce ſont les Prêtres qui nous le font porter pour eux, ce qui les empêche d’en être fatigués : ou plutôt ce ſont les Prêtres qui, ſuivant Jérémie, ſont le Fardeau du Seigneur.

Fataliſme. Syſtême affreux qui ſoumet tout à la néceſſité, dans un monde réglé par les décrets immuables de la Divinité, ſans la volonté de laquelle rien ne peut arriver. Si tout étoit néceſſaire, adieu le libre arbitre de l’homme, dont les Prêtres ont ſi grand beſoin pour pouvoir le damner.

Femmes. Le Chriſtianiſme n’eſt rien moins que poli envers les jolies femmes, il n’en fait cas que quand elles ſont laides ou ſurannées. Celles qui n’ont pas de quoi plaire au monde ſont très-agréables à Dieu & très-bonnes pour ſes Prêtres ; les Bégueules ſervent grandement la Religion, leur Confeſſeur & leur Curé, par leurs ſaints caquets, leurs ſaintes cabales, leurs ſaintes criailleries, & ſurtout par un ſaint entêtement pour ce qu’elles n’entendent pas.

Fêtes. Jours ſagement deſtinés par l’Egliſe à une ſainte oiſiveté, qui eſt toujours favorable à la dévotion. Pendant les fêtes un artiſan ne peut ſans crime travailler à gagner du pain, mais il ne tient qu’à lui de s’enyvrer à la Courtille, quand il en a le moyen ; ce qui fait un grand bien à ſon ame ou à la Ferme des Aides ; cependant le parti le plus ſûr eſt de paſſer la journée à bailler aux corneilles.

Feu. La Religion Chrétienne eſt une Religion de feu. Les bons Chrétiens doivent brûler ſans ceſſe de l’amour divin, les Prêtres doivent brûler de zêle, les Princes & les Magiſtrats doivent paſſer tout leur tems à brûler des hérétiques ou des mécréans, enfin les bourreaux devroient ſans ceſſe brûler des livres au pied du grand eſcalier du May.

Feuille des Bénéfices. C’eſt le Barometre de la foi du Clergé de France. Il eſt ſujet à varier depuis quelque tems ; à l’égard du Thermometre de la foi il eſt preſque toujours à la Cour au terme de la glace.

Fideles. Ce ſont les bons Chrétiens fidélement attachés à Dieu, c’eſt-à-dire à ſes Prêtres, envers & contre tous. Les fideles, comme on ſait, ne doivent être fideles à leurs Princes que quand les Princes eux-mêmes ſont fideles à l’Egliſe, c’eſt-à-dire, bien ſoumis à leurs Prêtres.

Figures. Types, allégories, façons obſcures de s’exprimer, très-familieres à l’Eſprit-Saint, qui n’a jamais voulu parler trop bon François à ceux qu’il vouloit illuminer ; le tout pour fournir aux docteurs de l’Egliſe l’occaſion de nous montrer leur étonnante ſagacité.

Filiale. La crainte filiale eſt mêlée d’amour, c’eſt celle que tout Chrétien doit avoir pour un Dieu d’aſſez méchante humeur, qui eſt ſon très-cher Pere, & pour la Sainte Egliſe ſa Maman, qui n’eſt point la Commere la plus aiſée de ce monde.

Fils de Dieu. C’eſt la même choſe que le fils de l’homme ; le fils de l’homme c’eſt la même choſe que le Dieu ſon Pere, & Dieu ſon Pere eſt la même choſe que ſon fils & que ſon Saint-Eſprit. Ce langage peut paroître du galimathias à ceux qui n’ont point de foi, mais la Sorbonne n’y voit rien de fort embarraſſant.

Financiers. Ce ſont les Publicains du Nouveau Teſtament ; à l’exception du Tréſorier du Clergé, ils ſeront tous damnés, à moins que des Prêtres charitables ne les débarraſſent d’une portion du Mammon d’iniquité.

Flagellations. Saintes & ſalutaires feſſées que ſe donnent les Chrétiens les plus parfaits dans la vue de mortifier la chair, de rendre l’eſprit gaillard, & de mettre en goguettes le Pere des miſéricordes, qui rit dans ſa barbe divine toutes les fois qu’on lui montre un derriere ou un dos bien & duement étrillés.

Foi. C’eſt une ſainte confiance dans les Prêtres, qui nous fait croire tout ce qu’ils diſent, même ſans y rien comprendre. C’eſt la premiere des vertus Chrétiennes ; elle eſt Théologale, c’eſt-à-dire utile aux Théologiens ; ſans elle point de Religion, & partant point de ſalut. Ses effets ſont de plonger dans un ſaint abrutiſſement accompagné d’un pieux entêtement, & ſuivi d’un profond mépris pour la raiſon profane. On ſent que cette vertu eſt très-avantageuſe à l’Egliſe ; elle eſt la ſuite d’une grace ſurnaturelle que procure l’habitude de déraiſonner ou la crainte de ſe faire de méchantes affaires. D’où il ſuit que ceux qui n’ont point reçu cette grâce ou qui n’ont point eu l’occaſion de contracter cette ſainte habitude ne ſont d’aucune utilité pour les Prêtres & par conſéquent ne ſont bons qu’à jetter à la voirie.

La foi du charbonnier c’eſt celle que profeſſent tous les Chrétiens ſinceres : elle conſiſte à croire tout ce que croit Mr. le Curé ; & ce que croit Mr. le Curé, c’eſt ce que ſes paroiſſiens s’imaginent de croire ſur la périlleuſe parole de Mr. le Curé.

Folie. Les bons Chrétiens ſe glorifient de la folie de la Croix. Rien n’eſt plus contraire à la Religion & au Clergé qu’une tête ſenſée & raiſonnable ; elle n’eſt jamais bien propre à la foi, ni aſſez ſuſceptible de ferveur ou de zêle. Les Muſulmans ont du reſpect pour les fous, & parmi les Chrétiens les plus grands Saints ſont évidemment ceux qui ont eu la cervelle la plus dérangée.

Fondations. Revenus accordés à des Prêtres & à des Moines pour les faire bien boire, bien manger, bien chanter & bien végéter ; le tout pour que les vignes de ceux qui n’ont pas le loiſir de chanter ne fuſſent point grêlées : ce ſont les Prêtres, comme on voit, qui font la pluye & le beau tems ſur la terre.

Force. Vertu très-néceſſaire au ſoutien de la foi & à la proſpérité de l’Egliſe. Elle conſiſte dans le Clergé à forcer par toutes ſortes de moyens ceux qui ſont opiniâtres, à penſer comme lui. Dans les laïques elle conſiſte à réſiſter avec rigueur aux ſuggeſtions du bon ſens, qui pourroit les damner, & à porter avec conſtance le joug des Prêtres du Seigneur.

Foudres de l’Egliſe. C’eſt l’artillerie ſpirituelle ; elle eſt compoſée de mortiers & de Canons intellectuels, que les chefs de l’Egliſe ont le droit de pointer contre les ames de ceux qui ont la témérité de leur déplaire. Cette artillerie métaphyſique ne laiſſe pas de bleſſer les corps, quand elle eſt ſoutenue par l’artillerie phyſique qui ſe conſerve dans les arſenaux des Princes ſéculiers.

Fraudes pieuſes. Ce ſont de ſaintes friponneries, des menſonges religieux, des impoſtures dévotes dont le Clergé ſe ſert très-légitimement pour nourrir la piété du vulgaire, pour faire valoir la bonne cauſe, pour nuire à ſes ennemis, contre leſquels, comme on ſait, tout eſt permis.

Frélons. Inſectes malfaiſans & pareſſeux, qui ôtent aux abeilles leur miel & qui portent le trouble dans la ruche où l’on travaille. V. Dixmes. Prêtres. Moines. Vampires.

Freres. Tous les Chrétiens ſont Freres ; c’eſt-à-dire, ſont en querelle pour la ſucceſſion de Monſieur leur Pere, dont le Teſtament eſt devenu fort obſcur, graces aux freres Théologiens. Rara eſt concordia fratrum.

Fripons. Voyez Prêtres. Jongleurs. Voleurs. Comédiens, &c.

Froc. Habit ſacré, réſervé pour les Moines, qui ſont des hommes de Dieu. Par un miracle étonnant le Froc leur communique le don de continence dès qu’ils l’ont endoſſé. Nous en avons la preuve dans le chien de Mr. De Maulevrier, dont parle l’ami Rabelais.