Théorie analytique de la chaleur/Chapitre 8

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Firmin Didot (p. Ch. VIII.-424).

CHAPITRE VIII.
DU MOUVEMENT DE LA CHALEUR DANS UN CUBE
SOLIDE.

333.

Il nous reste encore à faire usage de l’équation

(a)


qui représente le mouvement de la chaleur dans un solide de forme cubique exposé à l’action de l’air, (section IV du chapitre II, page 119) On choisira en premier lieu pour la valeur très-simple et en substituant dans la proposée, on aura l’équation de condition la lettre désignant le coëfficient Il suit de là que si l’on met au lieu de des quantités quelconques, et si l’on prend pour la quantité la valeur précédente de satisfera toujours à l’équation aux différences partielles. On aura donc l’équation L’état de la question exige aussi que si change de signe, et si et demeurent les mêmes, la fonction ne change point ; et que cela ait aussi lieu par rapport à et par rapport à  : or la valeur de satisfait évidemment à ces conditions.

334.

Pour exprimer l’état de la surface, on emploiera les équations suivantes :

Elles doivent être satisfaites lorsque l’on a ou ou On prend le centre du cube pour l’origine des coordonnées ; et le côté est désigné par .

La première des équations (b) donne


équation qui doit avoir lieu lorsque .

Il en résulte que l’on ne peut pas prendre pour une valeur quelconque, mais que cette quantité doit satisfaire à la condition Il faut donc résoudre l’équation déterminée ce qui donnera la valeur de , et l’on prendra . Or l’équation en a une infinité de racines réelles ; donc on pourra trouver pour une infinité de valeurs différentes. On connaîtra de la même manière les valeurs que l’on peut donner à et à  ; elles sont toutes représentées par la construction que l’on a employée dans la question précédente, art. (321). Nous désignerons ces racines par etc. Ainsi l’on pourra donner à la valeur particulière exprimée par l’équation


pourvu que l’on mette au lieu de une des racines etc., et qu’il en soit de même de et de .

335.

On peut former ainsi une infinité de valeurs particulières de , et il est visible que la somme de plusieurs de ces valeurs satisfera aussi à l’équation différentielle () et aux équations déterminées (). Pour donner à la forme générale que la question exige, on réunira un nombre indéfini de termes semblables à celui-ci :


Nous exprimerons cette valeur de v par l’équation suivante :

Le second membre doit se former du produit des trois facteurs écrits dans les trois lignes horizontales, et les quantités etc. sont des coëfficients inconnus. Or, selon l’hypothèse, si l’on fait , la température doit être la même pour tous les points du cube. Il faut donc déterminer etc., en sorte que la valeur de soit constante, quelles que soient celles de de et de pourvu que chacune de ces valeurs soit comprise entre et . Désignant par 1 la température initiale commune à tous les points du solide, on posera l’équation


dans laquelle il s’agit de déterminer etc. Après avoir multiplié chaque membre par , on intégrera depuis jusqu’à  : or, il résulte de l’analyse employée précédemment art. (325), que l’on a l’équation


désignant par la quantité , on aura


cette équation aura toujours lieu lorsque l’on donnera à une valeur comprise entre et .

On peut en conclure l’expression générale de , elle est donnée par l’équation suivante :

336.

L’expression de est donc formée du produit de trois fonctions semblables, l’une de l’autre de et la troisième de , ce qu’il est facile de vérifier immédiatement.

En effet, si dans l’équation


l’on suppose  ; en dénotant par une fonction de et , par une fonction de et , et par une fonction de et , on aura


on prendra les trois équations séparées

On doit avoir aussi pour la condition relative à la surface


d’où l’on déduit

Il suit de là que pour résoudre complètement la question il suffit de prendre l’équation et d’y ajouter l’équation de condition qui doit avoir lieu, lorsque . On mettra ensuite à la place de ou ou et l’on aura les trois fonctions dont le produit est la valeur générale de .

Ainsi la question proposée est résolue comme il suit :


etc. sont donnés par l’équation suivante :


dans laquelle représente  ; la valeur de est


On trouve de la même manière les fonctions , .

337.

On peut se convaincre que cette valeur de résoud la question dans toute son étendue, et que l’intégrale complète de l’équation aux différences partielles doit nécessairement prendre cette forme pour exprimer les températures variables du solide.

En effet, l’expression de satisfait à l’équation et aux conditions relatives à la surface. Donc les variations des températures qui résultent dans un instant de l’action des molécules et de l’action de l’air sur la surface, sont celles que l’on trouverait en différentiant la valeur de par rapport à . Il s’ensuit que si, au commencement d’un instant, la fonction représente le système des températures, elle représentera encore celles qui ont lieu au commencement de l’instant suivant, et l’on prouve de même que l’état variable du solide sera toujours exprimé par la fonction , dans laquelle on augmentera continuellement la valeur de . Or cette même fonction convient à l’état initial : donc elle représentera tous les états ultérieurs du solide. Ainsi on est assuré que toute solution qui donnerait pour une fonction différente de la précédente, serait erronée.

338.

Si l’on suppose que le temps écoulé est devenu très-grand, on n’aura plus à considérer que le premier terme de l’expression de  ; car les valeurs etc. sont rangées par ordre en commençant par la plus petite. Ce terme est donné par l’équation


voilà donc l’état principal vers lequel le système des températures tend continuellement, et avec lequel il coïncide sans erreur sensible après une certaine valeur de . Dans cet état la température de chacun des points décroît proportionnellement aux puissances de la fraction  ; alors les états successifs sont tous semblables, ou plutôt ils ne différent que par la quantité des températures qui diminuent toutes comme les termes d’une progression géométrique, en conservant leurs rapports. On trouvera facilement, au moyen de l’équation précédente, la loi suivant laquelle les températures décroissent d’un point à l’autre dans le sens des diagonales ou des arêtes du cube, ou enfin d’une ligne donnée de position. On reconnaîtra aussi quelle est la nature des surfaces qui déterminent les couches de même température. On voit que dans l’état extrême et régulier que nous considérons ici, les points d’une même couche conservent toujours la même température, ce qui n’avait point lieu dans l’état initial et dans ceux qui lui succèdent immédiatement. Pendant la durée infinie de ce dernier état la masse se divise en une infinité de couches dont tous les points ont une température commune.

339.

Il est facile de déterminer pour un instant donné la température moyenne de la masse, c’est-à-dire, de celle que l’on obtiendrait en prenant la somme des produits du volume de chaque molécule par sa température, et en divisant cette somme par le volume entier. On formera ainsi l’expression , qui est celle de la température moyenne L’intégrale doit être prise successivement par rapport à , à et à , entre les limites et  ; étant égal au produit , on aura


ainsi la température moyenne est , car les trois intégrales totales ont une valeur commune, donc


La quantité équivaut à qui est une racine de l’équation et est égale à On a donc, en désignant les différentes racines de cette équation par etc.,


est entre 0 et , est entre et , entre et , les moindres limites , , etc., approchent de plus en plus des racines , , etc., et finissent par se confondre avec elles lorsque l’indice est très-grand. Les arcs doubles , , etc. sont compris entre 0 et , entre et , entre et  ; c’est pourquoi les sinus de ces arcs sont tous positifs : les quantités , , etc., sont positives et comprises entre 1 et 2. Il suit de là que tous les termes qui entrent dans la valeur de sont positifs.

340.

Proposons nous maintenant de comparer la vitesse du refroidissement dans le cube, à celle que l’on a trouvée pour une masse sphérique. On a vu que pour l’un et l’autre de ces corps, le système des températures converge vers un état durable qu’il atteint sensiblement après un certain temps ; alors les températures des différents points du cube diminuent toutes ensemble en conservant les mêmes rapports, et celles d’un seul de ces points décroissent comme les termes d’une progression géométrique dont la raison n’est pas la même dans les deux corps. Il résulte des deux solutions que pour la sphère la raison est et pour le cube La quantité est donnée par l’équation


étant le demi-diamètre de la sphère, et la quantité est donnée par l’équation étant le demi-côté du cube.

Cela posé, on considérera deux cas différents ; celui où le rayon de la sphère et le demi-côté du cube, sont l’un et l’autre égaux à , quantité très-petite ; et celui où la valeur de est très-grande. Supposons d’abord que les deux corps ont une petite dimension ; ayant une très-petite valeur, il en sera de même de , on aura donc donc la fraction

est égale à  ;


ainsi les dernières températures que l’on observe, ont une expression de cette forme Si maintenant dans l’équation on suppose que le second membre diffère très-peu de l’unité, on trouve donc la fraction est

Ou conclut de là que si le rayon de la sphère est très-petit, les vitesses finales du refroidissement dans ce solide et dans le cube circonscrit sont égales, et qu’elles sont l’une et l’autre en raison inverse du rayon ; c’est-à-dire que si la température d’un cube dont le demi-côté est , passe de la valeur A à la valeur B dans le temps , une sphère dont le demi-diamètre est , passera aussi dans le même temps de la température A à la température B. Si la quantité a venait à changer pour l’un et l’autre corps, et devenait le temps nécessaire pour passer de A à B aurait une autre valeur , et le rapport des temps et serait celui des demi-côtés et . Il n’en est pas de même lorsque le rayon est extrêmement grand : car équivaut alors à , et les valeurs de sont les quantités , , , , etc.

On trouvera donc facilement dans ce cas les valeurs des fractions

ces valeurs sont

et .

On tire de là ces deux conséquences remarquables : 1o si les deux cubes ont de grandes dimensions, et que et soient leurs demi-côtés ; si le premier emploie le temps pour passer de la température à la température et le second le temps pour ce même intervalle ; les temps et seront proportionnels aux quarrés et des demi-côtés. On a trouvé un résultat semblable pour les sphères de grande dimension. 2o si un cube a pour demi-côté une longueur considérable , et qu’une sphère ait la même quantité pour rayon, et que pendant le temps la température du cube s’abaisse de à il s’écoulera un temps différent pendant que la température de la sphère s’abaissera de à et les temps et seront dans le rapport de à

Ainsi le cube et la sphère inscrite se refroidissent également vite lorsqu’ils ont une petite dimension ; et dans ce cas la durée du refroidissement est pour l’un et l’autre corps proportionnelle à l’épaisseur. Si le cube et la sphère inscrite ont une grande dimension, la durée du refroidissement final n’est pas la même pour les deux solides. Cette durée est plus grande pour le cube que pour la sphère, dans la raison de à et pour chacun des deux corps en particulier la durée du refroidissement augmente comme le carré du diamètre.

341.

On a supposé que le corps se refroidit librement dans l’air atmosphérique dont la chaleur est constante. On pourrait assujétir la surface à une autre condition, et concevoir, par exemple, que tous ses points conservent, en vertu d’une cause extérieure, la température fixe Les quantités qui entrent dans la valeur de sous le signe cosinus, doivent être telles dans ce cas, que devienne nulle, lorsque reçoit sa valeur complète , et qu’il en soit de même de et de Si le côté du cube est représente par , étant la longueur de la circonférence dont le rayon est 1 ; … on pourra exprimer une valeur particulière de par l’équation suivante, qui satisfait en même temps à l’équation générale du mouvement de la chaleur et à l’état de la surface,


Cette fonction est nulle, quel que soit le temps , lorsque ou ou reçoivent leurs valeurs extrêmes ou  : mais l’expression de la température ne peut avoir cette forme simple qu’après qu’il s’est écoulé un temps considérable, à moins que l’état initial donné ne soit lui-même représenté par la fonction . C’est ce que l’on a supposé dans la sect. VIII du chap. I, art. 100, p. 95. L’analyse précédente démontre la vérité de l’équation employée dans l’article que l’on vient de citer. Il faut remarquer que le nombre désigné par dans cet article, est le même que  : il équivaut à la circonférence entière, et non à la demi-circonférence.

On a traité jusqu’ici les questions fondamentales de la théorie de la chaleur, et considéré l’action de cet élément dans les corps principaux. L’ordre et l’espèce des questions ont été tellement choisis, que chacune d’elles présentât une difficulté nouvelle et d’un degré plus élevé. On a omis à dessein les questions intermédiaires qui sont en trop grand nombre telles que la question du mouvement linéaire de la chaleur dans un prisme dont les extrémités seraient retenues à des températures fixes, ou exposées à l’air atmosphérique. On pourrait généraliser l’expression du mouvement varié de la chaleur dans le cube ou le prisme rectangulaire qui se refroidit dans un milieu aériforme, et supposer un état initial quelconque ; ces recherches n’exigent point d’autres principes que ceux qui sont expliqués dans cet ouvrage.