Traité élémentaire de la peinture/003

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 2-3).
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CHAPITRE III.

De la méthode qu’il faut donner aux jeunes gens pour apprendre à peindre.

Nous connoissons clairement que de toutes les opérations naturelles, il n’y en a point de plus prompte que la vue ; elle découvre en un instant une infinité d’objets, mais elle ne les voit que confusément, et elle n’en peut discerner plus d’un à la fois. Par exemple, si on regarde d’un coup-d’œil une feuille de papier écrite, on verra bien incontinent qu’elle est remplie de diverses lettres ; mais on ne pourra connoître dans ce moment-là quelles sont ces lettres, ni savoir ce qu’elles veulent dire : de sorte que pour l’apprendre, il est absolument nécessaire de les considérer l’une après l’autre, et d’en former des mots et des phrases. De même encore, si l’on veut monter au haut de quelque bâtiment, il faut y aller de degré en degré, autrement il ne sera pas possible d’y arriver. Ainsi, quand la nature a donné à quelqu’un de l’inclination et des dispositions pour la Peinture, s’il veut apprendre à bien représenter les choses, il doit commencer par dessiner leurs parties en détail et les prendre par ordre, sans passer à la seconde avant que d’avoir bien entendu et pratiqué la première ; car autrement on perd tout son temps, ou du moins on n’avance guères. De plus, il faut remarquer qu’on doit s’attacher à travailler avec patience et à finir ce que l’on fait, devant que de se faire une manière prompte et hardie de dessiner et de peindre.