Traité élémentaire de la peinture/108

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 95-96).


CHAPITRE CVIII.

Comment il se pourra faire qu’une couleur ne reçoive aucune altération, étant placée en divers lieux où l’air sera différent.

Une couleur ne changera point, quoique transportée en divers lieux où l’air a différentes qualités, quand la distance et la qualité de l’air seront réciproquement proportionnées, c’est-à-dire, quand autant que l’une s’affoiblit par l’éloignement de l’œil, elle est fortifiée par la pureté et la subtilité de l’air : en voici la preuve. Si on suppose que le premier air ou le plus bas, ait quatre degrés de densité ou d’épaisseur, et que la couleur soit éloignée d’un degré de l’œil, et que le second air, qui est plus haut, ait trois degrés de densité seulement, en ayant perdu un degré, redonnez à la couleur un degré sur la distance, et quand l’air qui est plus haut aura perdu deux degrés de sa densité, et que la couleur aura gagné deux degrés sur la distance, alors votre première couleur sera telle que la troisième ; et pour le dire en un mot, si la couleur est portée si haut que l’air y soit épuré de trois degrés de sa densité ou de sa grossièreté, et que la couleur soit portée à trois degrés de distance ; alors vous pouvez vous assurer que la couleur qui est élevée aura reçu un pareil affoiblissement de teinte que celle d’en bas, qui est plus près, parce que si l’air d’en haut a perdu deux quarts de la densité de l’air qui est au bas, la couleur en s’élevant, a acquis trois quarts sur la distance de l’éloignement entier, par lequel elle se trouve reculée de l’œil, et c’est ce que j’avois dessein de prouver.