Traité élémentaire de la peinture/134

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 113-115).


CHAPITRE CXXXIV.

De la perspective aérienne, et de la diminution des couleurs causée par une grande distance.

Plus l’air approche de la terre et de l’horizon, moins il paroît bleu, et plus il en est éloigné, plus il paroît d’un bleu obscur et foncé : j’en ai donné la raison dans mon Traité de la Perspective, où j’ai fait voir qu’un corps pur et subtil est moins éclairé du soleil, et renvoie moins de lumière, qu’un corps plus grossier et plus épais. Or il est constant que l’air qui est éloigné de la terre est plus subtil que celui qui en est près, et par conséquent l’air qui est près de la terre est plus vivement éclairé des rayons du soleil qui le pénètrent, et qui éclairant en même temps une infinité d’autres petits corps dont il est rempli, le rendent sensible à nos yeux. De sorte que l’air nous doit paroître plus blanc, en regardant vers l’horizon, et plus obscur et plus bleu, en regardant en haut vers le ciel, parce qu’il y a plus d’air grossier entre notre œil et l’horizon, qu’il n’y en a entre notre œil et la partie du ciel qui est au-dessus de nos têtes. Par exemple, si l’œil de celui qui regarde est en P, et qu’il regarde par la ligne P R, puis baissant un peu l’œil, qu’il regarde par la ligne P S, alors l’air lui paroîtra un peu moins obscur et plus blanc, parce qu’il y a un peu plus d’air grossier dans cette ligne que dans la première ; enfin s’il regarde directement l’horizon, il ne verra point cette couleur d’azur qu’il voyoit par la première ligne P R, parce qu’il y a une bien plus grande quantité d’air grossier dans la ligne


horizontale P D, que dans la ligne oblique P S, et dans la ligue perpendiculaire P R.